Notes & Docs - 20.05.2011

Mon Programme pour la Constituante

Née du sacrifice de nos martyrs et du courage de notre jeunesse, la Révolution du 14 janvier marque une étape décisive sur le chemin de l’accession de la Tunisie à la modernité politique. Elle constitue l’aboutissement et le couronnement d’une histoire entamée voilà exactement un siècle et demi : celle du réformisme tunisien. Il appartient à l’Assemblée constituante de franchir l’ultime étape, celle de l’émancipation définitive du peuple tunisien, en relevant notre Etat et en le dotant d’une nouvelle Constitution, démocratique et respectueuse des droits et des libertés. 
La deuxième République tunisienne sera une démocratie apaisée et réconciliée. La deuxième République tunisienne sera une démocratie sociale et solidaire, qui protège les plus faibles et veille à l’équilibre entre les régions. Enfin, la deuxième République tunisienne sera une démocratie décentralisée, qui met tout en œuvre pour insuffler le principe électif à tous les échelons de l’Etat, national, régional et municipal, et pour renforcer les mécanismes de participation de la société civile. 
 
La refondation de notre République passe donc d’abord par l’instauration d’un régime pluraliste fondé sur la séparation des pouvoirs. Mais instituer la démocratie ne suffit pas : il faut aussi créer les conditions propices à l’instauration d’un « Etat de libertés ». Une « Déclaration des droits », votée séparément par la Constituante, donnera une consécration politique et juridique au formidable élan du peuple tunisien vers la liberté. Elle permettra de protéger efficacement l’individu contre toutes les formes d’arbitraire, l’arbitraire du pouvoir exécutif comme l’arbitraire du corps législatif. Le juge tunisien, dans la nouvelle architecture institutionnelle, est appelé à devenir le rempart et le bouclier des droits de l’homme. Pour cette raison, l’indépendance de la justice doit être réalisée et assortie de garanties palpables. 
 
1) Une « Déclaration des droits », à valeur supra-constitutionnelle, pour protéger l’individu contre toutes les formes d’arbitraire.

Les libertés individuelles et les droits fondamentaux de la personne doivent être garantis et placés hors d’atteinte, au dessus des droits de l’Etat, afin que celui-ci ne puisse jamais plus se transformer en instrument d’oppression. Ces droits, au premier rang desquels figurera le droit à l’intégrité et à l’inviolabilité de la personne humaine, seront énumérés et consignés dans une Déclaration des droits et libertés, votée par la Constituante, mais distincte de la Constitution. Cette Déclaration ne pourra faire l’objet d’aucune révision ultérieure. Elle sera opposable par le citoyen devant toutes les juridictions. Elle dira l’attachement indéfectible et profond du peuple tunisien à la liberté sous toutes ses formes : liberté de pensée, liberté de conscience, liberté d’association et de réunion, libertés politiques et syndicales. Le recours à la torture et aux châtiments inhumains, cruels ou dégradants sera proscrit à jamais, et le droit à ne pas être inquiété pour ses opinions et croyances affirmé solennellement. La Déclaration proclamera que les femmes et les hommes naissent libres et égaux. Elle garantira le droit au procès équitable et les droits de la défense. 
 
2) Une démocratie pluraliste, fondée sur le principe de la séparation des pouvoirs.

Le président, chef de l’Etat, et chef de l’exécutif, est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Il est garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect de la Constitution, des traités et des lois, et assure la continuité de l’Etat. Il n’a pas l’initiative des lois, sauf les lois de finances, qui ont caractère de loi organique. Il choisit les ministres, les ambassadeurs et les hauts fonctionnaires, mais leurs nominations, pour prendre effet, doivent être entérinées par les commissions des deux chambres du parlement. Il peut être renvoyé devant la Haute cour, pour haute trahison, s’il est mis en accusation par le Congrès à la majorité des deux tiers, et redevient un justiciable ordinaire à l’expiration de son mandat. 
 
Le Parlement est composé de la Chambre des députés et du Sénat, qui assure la représentation des régions. L’une et l’autre des deux chambres sont élues au suffrage universel direct, les députés pour cinq ans, les sénateurs pour six ans. Le Sénat est une assemblée paritaire, chaque gouvernorat y dispose de quatre représentants, deux femmes et deux hommes ; les Tunisiens de l’étranger disposent de deux représentants. Le Parlement ne peut être dissout. Il est l’unique dépositaire du pouvoir législatif, mais le président a la faculté d’exiger une seconde délibération des lois. Le texte, pour entrer en vigueur, doit alors être ré-approuvé à la majorité des deux tiers, par chacune des deux chambres. 
 
3) Une justice indépendante, avec, en son sommet, un Tribunal constitutionnel dont les décisions s’imposent aux pouvoirs publics. 
 
La Tunisie a souffert de la tyrannie parce que les hommes qui la dirigeaient se sont laissés glisser sur la pente du despotisme et parce qu’aucune institution n’a été capable de les freiner et des les arrêter. L’indépendance de la justice doit être instaurée et garantie. C’est la condition de l’Etat de droit. Il ne doit pas exister de tribunaux d’exception et le juge doit être soustrait à toutes les influences, celle du pouvoir exécutif comme celle de l’opinion. L’avancement, la mutation et la sanction doivent être du seul ressort du Conseil supérieur de la magistrature. Le Conseil est composé de treize membres, dont quatre nommés par le Parlement, sept magistrats, désignés par leurs pairs, ainsi que le président du Tribunal administratif et le premier président de la Cour de cassation. Le Tribunal constitutionnel comprend onze membres, nommés pour un mandat unique de neuf ans : quatre juges, désignés par la Chambre des députés, quatre juristes, avocats ou universitaires, choisis par le Sénat, et trois personnalités qualifiées, nommées par le président de la République. Le Tribunal constitutionnel est juge du contentieux électoral et valide l’élection du président de la République. Il statue sur la constitutionnalité des lois. Ses décisions sont rendues sous trente jours. Le président de la République, les présidents des deux chambres, ainsi que dix députés ou dix sénateurs peuvent saisir le Tribunal, avant la promulgation des lois, afin qu’il se prononce sur leur conformité à la Constitution et à la Déclaration des droits et libertés. Les arrêts du Tribunal constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Les justiciables, quand leurs droits ou libertés fondamentales sont en cause, ont la possibilité de soulever, en cours de procès, une exception d’inconstitutionnalité. Si le motif est jugé sérieux, la juridiction peut saisir le Tribunal constitutionnel.  
 
4) Un double référendum, pour donner au peuple le dernier mot. 
 
Le peuple tunisien sera invité à se prononcer, le même jour, par référendum, sur la Constitution de la deuxième République, d’une part, et sur la Déclaration des droits et libertés d’autre part. 
 
 
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20 Commentaires
Les Commentaires
Yadh AMMAR - 21-05-2011 09:37

Cher Néjib, J'ai lu avec le plus grand intérêt ce texte qui me semble traduire de manière concise et avec clarté le consensus national dont la Tunisie a tant besoin en ces temps de doute et d'incertidude. Si les points relatifs à la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de l'autorité judiciaire emporte ma totale adhésion, de mon point de vue, le premier point concernant les droits du citoyen gagnerait à intégrer la dimension économique de ces droits en soulignant la place de la valeur "travail" dans une société dont la principale richesse réside en ses ressources humaines. La stabilité et le progrès sont incompatibles avec la paupérisation des citoyens qui vivent de leur travail.

Abderrahman - 21-05-2011 09:46

Si Nejib Ecchabbi est bien parti pour un mandat présidentiel depuis la révolution des jeunes il a opté pour un discours cohérent claire son programme se tient et j'ai la certitude qu'il a impressionné beaucoup de monde , rien à voire avec d'autre qui ne vende que du vent.

abdel - 21-05-2011 14:04

Ce qui est sûre c'est qu'aucun des visages connus n'est digne de diriger la Tunisie.

Mohamed - 21-05-2011 15:19

Grand bravo à Nejib Chebbi. Il a tout compris. Les libertés et la démocratie ont le même degré d'importance, si ce n'est un peu plus pour les libertés: LES LIBERTES SONT LES GARANTS ET LES PROTECTEURS DE LA VRAIE DEMOCRATIE. En effet, d'authentiques régimes dictatoriaux se targuent d'être démocratiques. En fait , leur démocratie se réduit à une lutte d'influence entre personnes appartenant au même groupe. Exp: la deutsh democratic républic, l'ancienne Allemagne de l'est, où le mot démocratic figure en bonne place, et l'Iran actuel, où leur démocratie se résume en une compétition sourde entre partisans du régime. Sans libertés, il faut oublier la démocratie. Tout citoyen, sans exclusive, doit bénéficier des libertés: de pensée, de croyances, de comportements.... Le meilleur protecteur des libertés contre un dérapage autoritaire, ce sont les citoyens eux-mêmes, solidaires entre eux, même s'ils sont de deux bords politiquement, intellectuellement, philosophiquement ou socialement diamétralement opposés. Si les libertés individuelles ne sont pas respectées et n'ont pas la place qu'elles méritent, la révolution est inévitablement vouée à l'échec.

chafai - 21-05-2011 19:04

OK, Mr nejib chebbi on vous soutiendra inchallah..

Skay - 21-05-2011 19:59

Y'a rien, que du vent, comme d'habitude vous voulez être le premier à réagir mais c'est encore nul...

HORCHANI - 21-05-2011 20:44

Très bien ces idées mais maintenir la référence à l'islam dans la Constitution tunisienne n'es-ce pas une entorse aux principes d'égalité? Que fait-on des tunisiens non-musulmans, pourquoi aurait-il droit à moins de reconnaissance?

Ridha - 21-05-2011 21:30

Programme cohérent sauf que le président garde comme même bcp de pouvoirs, si une même personne désigne tous les ministres, les hauts cadres, les ambassadeurs et 3 juristes, j'ai pas bcp de confiance qu'on va être équitable.

kasbi - 21-05-2011 23:48

il veut mettre en place la democratie a l americaine ds notre tunisie!!!!!!!!!!! ceci montre qu il n ets absolument pas net et qu il y a une institution derriere le pdp avec laquelle il complotte pr arriver au pouvoir en echange de quoi le pdp mettra en place une fois au pouvoir le systeme americain en tunise !!il n ets pas net!!!!!! c ets un danger ce type!!! monsieur soignez votre image et soyez plus credible ds vos propos! rien ns dit qu une fois au pouvoir tt se passera comme il le dit soyez realiste

A.HADDAD - 22-05-2011 17:15

Pourquoi Mr ANC utilise le titre de son article 'Mon programme pour la constituante' . N'est-il pas le programme de son parti ? ou dois-je comprendre que Mr ANC dirige en solo son parti et impose son unique point de vue ?

Mohamed Al Mazri CHOUK - 22-05-2011 20:10

Au point 4 pour ne rien dire, le mot peuple et référendum tiennent en 2 lignes . Merci Si Najib C'est trop généreux, pour votre libérateur. Pour le reste tout est clair, c'est une belle mise sous tutelle de notre populace irresponsable à qui tous nos hommes politiques ont tant donné... et qui savent toujours si bien leur tricoter une belle cage, pour rester entre marchand de balais. Décidément les vieux réflexes conditionnés, ont la dent bien dure. La démocratie populaire directe, ça vous dit rien ?

patriote - 23-05-2011 13:31

reste à inscrire dans la constitution un état des lieux des responsables politiques quand ils rentrent en fonction et un état des lieux à leur sortie ,ainsi on coupe court à tout politicien véreux qui veut faire la politique pour son propre compte et non pour le bien de la nation et pour tous les citoyens.

Verdadero - 23-05-2011 17:59

Combien sont-ils les tunisiens non musulmans? 1, 2 ou 3%?? Une minorité minime!! D'ailleurs ils ont toujours bien vécu en tunisie.

Jean-Francois Morf - 23-05-2011 20:44

Comparaison avec la véritable démocratie en Suisse: Pour ceux qui ne le sauraient pas, la présidence de la Suisse est exercée chaque année par un autre membre du conseil fédéral, qui est un team de 7 ministres, élus par les les 2 chambres haute et basse. Seuls les députés sont élus par le peuple suisse. La présidence de la Suisse doit agir de concert avec les 6 autres. Il y a donc moins de bêtises produites que quand le président est élu par le peuple, et qu'il se comporte ensuite en dictateur, comme W. Bush par exemple! (qui s'est bien enrichi en attaquant l'Irak, avec tous ses petits copains qu'il avait pu choisir lui même!) En Suisse, la présidence doit composer avec 6 autres ministres qu'elle n'a pas choisi! Et chaque année, chaque ministre doit être ré-approuvé par la majorité des députés! Et si le peuple suisse n'est pas d'accord, il y a référendum contre une des décisions du gouvernement. Voire même initiative populaire pour proposer une nouvelle loi, par exemple contre les boni abusives des banquiers, qui avaient ruiné les banques en 2008...

benkhedija - 24-05-2011 11:27

L'auteur de cet article nous a habitué à un réalisme sérieux. Il a appelé constamment l'ancien président à l'application de la loi et le respect de la constitution en vain.Il sait donc trés bien qu'aucun texte ne pourrait éviter la dictature ou le monopole du pouvoir personnel.

ennaifer - 24-05-2011 15:16

il ne s'agit pas d'une façon générale "d'affirmer le principe d'égalité entre l'homme et la femme" un principe loin d'être une réalité,il s'agit de prendre des mesuresà différents niveauxafin de rendre effectif ce principe d'egalité....il s'agit d'interdir toute distinction fondée sur le sexeen ce qui concerne les droits que cette declaration protège.Il s'agit de s'approfondir dans ce principe d'égalité entre homme et femme qui touche le mariage,qui touche les droits specifiques en faveur des femmes(remuneration,protection,femme au travail,..)..il s'agit de rajouter une clause de non discrimination qui interdirait celle qui se fonde sur le sexe..il s'agit de prendre des mesures destinées à promouvoir ce principe d'egalité entre homme et femme.il s'agit de mettre l'accent sur le lien fondamental qui existe entre egalite et democratie.je passe sur les initiatives que doivent imprerativement prendre ces partis sur la lutte contre la violence faîtes aux femmes...Afficher la suite

Abdelaziz Mallek - 24-05-2011 18:04

je vois ici une copie conforme du systeme federal americain.je ne suis pas contre sauf qu'aux Etats Unis la justice n'est pas tout a fait claire.on y surfe beaucoup entre les 2 vagues.LA JUSTICE et LE LEGAL.d'ou les riches et les influents peuvent s'en sortir facilement.Votre programme Mr Chebbi ne parle pas de redressement economique dont le pays en a grandement besoin ni des affaires interieures qui depuis le 14 janvier sont laissees aux oubliettes.Aucun mot sur le travail la sante et l'enseignement et rien sur la culture.UN PEUPLE SANS CULTURE ET CREATION EST UN PEUPLE VOUE A LA DISPARITION.MAIS BON COURAGE

Ettounsi - 25-05-2011 09:48

Je suis déçu par le titre "Mon Programme pour la Constituante" ... c'est le programme de la formation politique PDP et non le sien !!! enfin .. c'est un détail ... bon vent ..

jilani - 29-05-2011 20:25

Quid dans votre programme de l'instance indépendante qui sera appelée à assurer le contrôle des finances publiques?

sridi taha - 31-05-2011 19:13

j'adhere a tous ces principes et programmes que dieux garde notre republique saiine et forte.

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