Que de questions
On se limitera aux questions que se posent la plupart d’entre nous depuis la fin du gouvernement de Mohamed Ghannouchi, lequel a très mal engagé la «transition» qui a suivi la révolution.
1. Pourquoi un gouvernement «provisoire» et non un gouvernement d’union nationale ou même de «salut public» pour sauver la Révolution et le pays?
2. Un gouvernement «provisoire» dans une période «transitoire» peut-il réellement faire face à la situation ?
3. N’a-t-on pas considérablement affaibli politiquement le gouvernement «provisoire» en excluant les dirigeants des partis politiques ? Ne fallait-il pas au contraire étoffer la représentativité et la crédibilité politiques de ce gouvernement ?
4. N’a-t-on pas empêché ce gouvernement «d’avancer» en le dotant d’une «Instance…» pléthorique devenue un « gouvernement d’assemblée» qui paralyse le gouvernement ?
5. Ne se dirige-t-on pas de la sorte vers ce type de «gouvernement d’assemblée» avec le trop grand nombre de partis et le mode de scrutin envisagé ?
6. Ne devait-on pas « rationaliser » l’émergence de ces partis et les inciter au sérieux et au regroupement ? N’était-il pas judicieux à cet effet de n’attribuer légalement des sièges au Parlement qu’aux partis ayant obtenu 3 à 5% ou plus de l’ensemble des votants ?
7. N’est-il pas évident que le scrutin de liste avec la proportionnelle intégrale aggravée par les plus forts restes donnera inévitablement une Assemblée émiettée, «mosaïque», où l’absence de majorité de gouvernement conduira à la paralysie et à l’instabilité ? En outre, l’anonymat du scrutin de liste créera la déception et l’abstention, ce qui est un échec pour la révolution ?
8. N’aurions-nous pas eu intérêt, après un demi-siècle de vote au «scrutin de liste» fortement contrôlé, à permettre à l’électeur tunisien de désigner directement «son élu», physiquement et humainement connu et proche sur le terrain et ce, au moyen du scrutin uninominal à deux tours, scrutin permettant l’amélioration du niveau moyen de l’élu et obligeant les partis politiques à se regrouper et à désigner des candidats d’un niveau élevé?
9. Ne risquons-nous pas de nous perdre dans des questions «politiciennes» à forte connotation démagogique comme la parité à 100%, les 23 et 10 ans, etc. au lieu de nous concentrer sur le problème central qui se pose à nous : comment demain le pays sera-t-il gouverné ?
10. Ne voyons-nous pas qu’aucun parti politique qui compte présenter des candidats ne propose des choix précis et se limite à des généralités en ce qui concerne le système futur d’organisation des pouvoirs publics? Les électeurs ont le droit de savoir ce que chaque parti et chaque candidat propose comme système de gouvernement ? Sinon pourquoi vote-t-on pour la personne sans savoir à quoi elle s’engage ? N’est-ce pas là une grave tromperie qui provoquera également et sans nul doute déception et abstention ? N’en est-il pas de même en ce qui concerne le programme économique et social : des généralités.
11. N’y a-t-il pas lieu de préciser d’urgence les fonctions de l’Assemblée qu’on doit élire en principe le 24 juillet, si 24 juillet il y a? (désormais, le 23 octobre). Sera-t-elle constituante seulement ou sera-t-elle également législative et politique ? Doit-elle seulement élaborer la nouvelle Constitution ou doit-elle aussi désigner un gouvernement durable et non «transitoire» et légiférer pour le pays. N’entendons pas encore des «porte-parole» dire que l’on continuera encore avec un gouvernement «provisoire» en attendant, semble-t-il, la promulgation de la Constitution et l’organisation d’élections législatives pour avoir un gouvernement légitime et durable ?
12. Allons-nous alors de «provisoire» en «provisoire», provisoire qui risque de s’éterniser, à moins de fixer un délai impératif, qui ne saurait être long, à la promulgation de la Constitution, ce qui nous donnerait deux élections générales rapprochées et de ce fait provoquerait lassitude, déception et abstention. Et aussi a-t-on réellement intérêt à fixer un délai à l’élaboration de la Constitution ?
13. N’est-il pas alors plus logique et plus rationnel d’avoir, le 24 juillet prochain 2011 (désormais, le 23 octobre), éventuellement, des élections constitutionnelles et législatives débouchant sur un gouvernement durable, fonctionnant dans la durée, capable dès la fin juillet, bénéficiant de la légitimité nécessaire, de faire face aux problèmes fondamentaux du pays qui attendent des solutions depuis longtemps, dont notamment l’emploi et la balance des paiements. L’Assemblée élue élira un Chef d’Etat à une majorité qualifiée en attendant que la Constitution précise le mode de sa désignation ?
14. Ne peut-on pas également concevoir que l’on procède en même temps à des élections municipales, les conseils municipaux «provisoires» n’étant pas à même de remplir efficacement leur mission ? On ne dérangera plus alors les électeurs et tout le monde pourra se mettre au travail après des mois de perturbation.
15. Ne parle-t-on pas d’un report des élections à plus tard, certains suggérant jusqu’à la fin de l’année ? Si le report envisagé ne servira qu’à continuer les mêmes «palabres», il ne servira à rien. S’il peut servir à apporter des réponses convaincantes à toutes les questions controversées et aussi à permettre aux différents partis politiques de se regrouper spontanément ou par la force de la loi et aux parties concernées d’éclairer les électeurs, de manière honnête et précise, sur leurs programmes, leurs intentions, leurs politiques et leurs attitudes, c’est alors peut-être mais alors seulement qu’un report raisonnable peut être envisagé pour répondre sérieusement aux exigences de la Révolution.
16. Si tel est le cas et si le report est envisagé, ne doit-on pas alors, pour rassurer toutes les parties concernées, renforcer, comme indiqué, la crédibilité politique du «gouvernement provisoire» pour le soutenir et l’aider à réussir sa mission : doter le pays d’un système de gouvernement susceptible de réaliser les objectifs de la Révolution : la stabilité et la sécurité du pays, la liberté et la dignité de la personne humaine, la rationalité et la méthode dans le gouvernement du pays, l’élimination de tout pouvoir personnel et de dérive dictatoriale et mafieuse et enfin un développement économique et social répondant aux aspirations de la population en matière d’emploi et d’amélioration du niveau de vie.
17. Ne dit-on pas que le Tunisien est raisonnable et paisible ? Il ne s’est révolté que lorsque l’inacceptable ne peut plus être accepté. La modération en tout constitue le caractère principal de notre peuple. Alors, ne doit-on pas, pour avancer, éviter tout excès, tout extrémisme, de quelque nature que ce soit. L’excès et l’extrémisme ne peuvent que provoquer des dégâts comme les évènements ne cessent de le montrer. Ils ne feront, si jamais nous tombons dans l’excitation de tels pièges, que retarder notre marche vers un avenir meilleur.
Mansour Moalla
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