Caïd Essebsi a-t-il convaincu les membres de la Haute instance ?
«Depuis l’Indépendance, je n’ai jamais vécu une période aussi délicate, aussi difficile, aussi historique. La situation économique est alarmante et nous n’avons d’autre alternative que de réussir les élections, d’ancrer la transition et d’engager, dès à présent, la réconciliation. Votre mission est déterminante, la nôtre aussi ! » Sur ce ton grave et responsable, le Premier ministre, M. Béji Caïd Essebsi s’est adressé mercredi aux membres de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. Pour cette deuxième intervention, la première remonte à plus de trois mois, il espérait voir revenir au sein de l’instance ceux qui l’avaient quittée, notamment les représentants du Mouvement Ennahdha, mais les dernières tentatives de réconciliation n’ont pu aboutir jusqu'à la dernière minute. Très attaché au consensus, le Premier ministre tient à ce fil ténu, unique voie de salut pour conduire la transition.
Deux heures et demie durant, subissant le feu roulant des questions les plus directes, et essayant d’y répondre autant que possible, quitte à en esquiver certaines, il s’est employé, sinon à convaincre, du moins à rassurer, consolidant une atmosphère d’entente et de bonne collaboration avec la Haute Instance. Pas moins d’une douzaine d’intervenants devaient prendre la parole, au nom des partis politiques, des personnalités indépendantes, des régions et de la société civile et des jeunes. Ils y sont allés, pour la plupart, droit au but et souvent de manière incisive.
De Mokhtar Trifi, Mohamed Jemour, Salem Moumni, Dorra Mahfoudh, Faouzi Sedkaoui, Mohamed Koumani, Abdelkader Zitouni, Ahmed Seddik, Nessim Kéfi, Messoud Romdhani ou Frej Maatoug, on ne pouvait s’attendre à moins.
«Un Etat dans l’Etat, survivance du clanisme, nouvel endettement accablant, absence de textes d’application de l’amnistie générale, un remaniement ministériel sans explications convaincantes, maintien de certains symboles de l’ancien régime sans jugement, dérapage sécuritaire et médiatique, blocage des entreprises, politique étrangère encore classique et non révisée, la situation en libye, les relations avec les pays arabes, snipers non-encore traduits en justice, montée de la violence et de l’intolérance, non-ratification de nombre de conventions relatives à la non-discrimination en matière de droits de la femme ou l’abolition de la peine de mort et d’autres questions encore plus percutantes les unes que les autres. On cite des noms, des cas précis, des témoignages, sans se retenir d’incriminer telle ou telle partie, tel organe, ou telle institution.
Attentif aux questions, M. Béji Caïd Essebsi, prenait studieusement des notes avant d’aller, en deux séquences, y répondre autant que possible. Synthèse.
Un Etat dans l’Etat ?
Il n’y a pas d’un Etat dans l’Etat. Du moins, je ne le sais pas. Accordez-nous le préjugé favorable et ne nous prêtez aucune mauvaise intention.
Religion : ma ligne est claire
Il y a les athées, les laïcs et les extrémistes. Ma propre ligne est claire : l’article premier de la Constitution, faisant de l’Islam la religion de l’Etat. Je m’arrête là, ni plus, ni moins. C’est la ligne qui doit être celle du consensus. Ceux qui veulent la changer de force, ne sont pas des musulmans ! Et l’Etat ne doit pas l’accepter. Si parfois nous y avons un peu hésité, ce ne sera plus de mise à l’avenir. Nous ne pouvons admettre l’utilisation de la religion à des fins politiques.
Gouverner seul ou partager le pouvoir ?
Je ne gouverne pas seul. La preuve, c’est que je me présente aujourd’hui devant vous. J’agis toujours dans la concertation et je demeure à l’écoute de toutes les opinions. Mais, dans l’exercice de mes responsabilités et quand je dois prendre une décision, après avoir mené les consultations nationales, j’entends l’assumer en mon âme et conscience.
Quelle philosophie a présidé le dernier remaniement ministériel ?
Faut-il avoir une philosophie pour procéder à un remaniement partiel, en ces circonstances ? Nul n’est éternel dans un poste et la rotation est la règle, lors de la nomination, comme lors du départ. Vous me demandez pourquoi on a changé la ministre de la Santé ? C’est une dame très respectable, de grande compétence, qui a assumé pleinement sa mission et accompli du bon travail. Derrière son départ, il n’y a rien de particulier. Tout comme pour un autre ministre qui a demandé de lui-même à partir pour s’engager dans l’action politique. Il n’y a que l’intérêt général qui compte pour moi.
Désignation de M. Khemaies Jehinaoui
Il s’agit d’un diplomate de carrière qui a été affecté en poste, sur décision du gouvernement de l’époque. En tant qu’agent de l’Etat, il ne pouvait pas refuser son affectation, sous peine de poursuites disciplinaires. Je n’y vois pas de reproche à lui faire. Je ne le connaissais pas personnellement et je sais que son dernier poste était Moscou.
Jugements des symboles de l’ancien régime
Déjà 27 d’entre eux sont sous mandat de dépôt. La justice suit son cours, sans précipitation, ni accablement, et nul n’échappera au châtiment qu’il aura mérité. Nous ne devons pas cependant commettre des injustices, céder à ce que colportent, sans fondement, certains journaux. Nous voulons une justice équitable et sereine.
Snipers : je ne cesse de demander des preuves
J’entends beaucoup de propos à ce sujet mais ne dispose pas d’éléments probants. Pour le moment, les éléments disponibles ne prouvent pas que des balles aient été tirées des toits. Ce qui est sûr, c’est que je ne cesse de demander des preuves et que personne, dûment confondue, n’échappera à la justice.
Loi relative à l’exercice de la profession d’avocat
Nous avons approuvé le projet de décret-loi parce que nous l’avons estimé convenable pour tous. Nombreux parmi ceux qui nous le reprochent sur les plateaux des télévisions, juristes, magistrats, huissiers notaires et autres, ne semblent pas avoir bien lu le texte. Un article tout entier exclut du champ d’application les huissiers notaires, les experts comptables et les conseillers fiscaux. Quant aux magistrats qui ne reconnaissent pas au gouvernement qu’il considèrent chargé uniquement d’expédier les affaires courantes, le droit d’approuver pareilles mesures, j’ai pour eux une seule réponse : comment pourrions-nous alors approuver le nouveau statut de la magistrature qu’ils réclament ?
Réintégration au travail et indemnisation des victimes de l’arbitraire: les mesures d’application de l’amnistie générale bientôt décrétées
Réclamée par plus d’un intervenant, lors de la rencontre mercredi entre le Premier ministre et les membres de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la publication des textes d’application du décret-loi relatif à l’amnistie générale ne saurait tarder, a indiqué M. Béji Caïd Essebsi. Il s’agit en effet de procéder à la réintégration des bénéficiaires dans leur travail et à leur indemnisation. Un cas se pose, celui du groupe sécuritaire de 1987, et ayant déjà bénéficié de la première amnistie générale qui, cependant, n’apporte pas les mêmes réparations que celle de 2011.
Les pays arabes et la révolution tunisienne : la véritable attitude
« Je ne vous le cache pas, de nombreux pays arabes sont, pour ne pas dire méfiants, du moins réservés quant à la révolution tunisienne. Certains d’entre eux se sentent concernés et risquent d’y succomber. Les trois pays que j’ai visité, le Qatar, les Emirats Arabes Unis et le Koweit sont ceux qui, dans la région, nous ont envoyé des émissaires spéciaux pour nous féliciter et ont salué notre transition. Avec les pays concernés, nous avons engagé les démarches appropriées, diplomatiques et juridiques pour l’extradition du président déchu et des membres de sa famille réclamés par la justice et la récupération de leurs biens et avoirs. Evidemment, nous n’avons pas obtenu réponse de partout, mais nous nous y mettons de tout notre poids. Que peut-on faire de plus !
Libye : Nous assurons l’approvisionnement en produits alimentaire et oeuvrons pour l’issue
« Aux différents dommages collatéraux que la Tunisie subit du fait de la situation en Libye, s’ajoute le poids de l’approvisionnement en produits alimentaires dont notamment des produits de base subventionnés par la caisse de compensation. Le volume de cet approvisionnement qui subvient à une grande partie des besoins de Tripoli et de la région frontalière est si important que nous risquons de perturber la distribution de nos produits dans le Sud Tunisien. Certaines régions commencent à le signaler. Nous avons examiné la situation hier en conseil des ministres et nous essayons d’y parer au mieux, tout en nous acquittant de notre devoir de solidarité avec nos frères et voisins.
Pourquoi la Tunisie n’active pas l’UMA ? Mais est-ce que l’UMA agit effectivement ? Depuis 20 ans, elle n’a pu se réunir. A plus d’un titre, nous sommes les plus concernés par la situation en Libye et oeuvrons pour son issue. »
Elections : le gouvernement ne renonce pas à son rôle
Nous appuyons fortement la mission de l’Instance Supérieure pour les Elections et maintenons avec elle un contact étroit et régulier. Tout est mis en œuvre pour lui apporter le soutien logistique qu’elle demande. En lui confiant cette lourde et délicate mission, cela ne veut pas dire que le gouvernement se désiste de son rôle. Bien au contraire, nous ferons tout ce qui nous sera demandé pour réussir ces élections. Nous n’avons aucune autre date que celle du 23 octobre et nous y tenons.
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Merci pour votre intervention Monsieur le Premier Ministre, nous savons toutes les difficultés en cours et nous sommes capables d'assumer notre révolution et nos objectifs de justice, d'Egalité et de Fraternité arabe et musulmane infaillibles! La Tunisie est aujourd'hui le soleil levant pour un Monde sombre et dépourvu de sens! Un Autre Discours Fondateur en ce sens et une Action véritable pour l'Union de tous les Tunisiens sans distinctions de passé ou de présent en l'absence de condamnation réelle! l'Unité de notre Grand Peuple autour d'Un Projet de Société Leader en matière économique, sociale et politique, cet Unité là est une Urgence Absolue. Je pense que ma présence devient un Devoir Monsieur Le Premier Ministre. Vive La Tunisie Indépendante, Musulmane, Libre, Démocratique, Juste et Prospère. Vive Le Peuple Tunisien une Guidance et une Grande Sagesse pour Le Monde. Merci et à ce Vendredi.
Très convaincquant , bien clair, et précis. plutôt c'est graçe à Monsieur Caïd Essebsi Le premier Ministre que la Tunisie aura sa chance de sortir de l'impasse et à condition que le peuple soit bien coopératif.