Boubaker Ben Akacha : L'incontournable Midi Show
De Hamma Hammami à Rached Ghannouchi, mais aussi Béji Caïd Essebsi, Ahmed Néjib Chebbi, Mustapha Ben Jaâfar, Hamadi Jebali et Moncef Marzouki, pour ne citer que ceux-là, tous ont subi le feu roulant de ses questions, sur un ton calme, mais irréductible, portant la contradiction, tenant la dragée haute. Boubaker Ben Akacha s’en sort avec brio sur Mosaïque FM.
Du panache, il en fallait pour se retrouver à 30 ans seulement, et sans la moindre préparation politique préalable, à ferrailler avec les grands ténors de la scène, en pleine révolution. Surtout qu’il s’agit de les amener à se prononcer, sans détour, sur l’actualité brûlante, en délivrant leurs véritables positions et en fournissant la bonne information Son émission quotidienne Midi Show, qui s’est rapidement convertie, dès le déclenchement de la révolution, d’animation people en tribune de débats incontournable, s’impose en véritable institution. Qui parmi les acteurs significatifs n’a pas déféré à son invitation, sans parler de ceux qui ont fait des pieds et des mains pour y aller ? Quitte à subir ses questions les plus inattendues, les plus directes et celle de son coéquipier, l’analyste politique Noureddine Ben Ticha, dans une parfaite répartition des rôles. Pourtant, Boubaker, ce fils d’agriculteur de Bargou (Siliana), fort en maths, sélectionné pour rejoindre le lycée pilote du Kef, devant le préparer aux grandes écoles d’ingénieurs, n’y était guère destiné. N’était-ce sa passion pour la radio depuis son jeune âge.
Encore lycéen à Bargou, comme au Kef, il animait déjà la radio locale et c’est tout naturellement à l’IPSI qu’il a opté pour des études de journalisme, spécialité radio. A la sortie, il a postulé un peu partout, surtout à Radio Jeunes et Canal 21 : il attend toujours la réponse à sa demande. Heureusement qu’il a réussi le casting lancé par Mosaïque FM, et c’est là qu’il apprendra les vraies ficelles du métier et donnera libre cours à son talent. Officiant à la tranche horaire 12 H – 15 H, cinq jours par semaine, sauf le week-end, il captera l’attention des auditeurs grâce à un programme varié, multipliant les vedettes invitées à l’antenne, de tous les horizons des arts et de la culture et de l’actualité, alors ronronnant. Et voilà que la révolution lui offre l’exceptionnelle occasion de plonger dans le vif : les débats politiques les plus chauds. Au lieu de subir l’actualité, il la nourrit. Le 29 janvier, Ghannouchi n’était pas encore de retour en Tunisie et Ennahda n’avait même pas déposé sa demande d’autorisation : Hamadi Jebali était déjà à l’antenne. Le 4 février, Kamel Morjane venait à peine de quitter le gouvernement : il est en direct. Comme bien d’autres.
«Dès le départ, le concept a été clairement défini, confie-t-il à Leaders: jouer pleinement notre rôle de radio citoyenne, libre et indépendante, mais aussi responsable, c’est-à-dire équilibrée, rassurante, sincère, refusant de céder au populisme et au sensationnel !».
Cette ligne éditoriale s’est avérée payante, puisqu’elle garantit aujourd’hui à Midi Show audience et crédibilité. « Le poids de la responsabilité, souligne-t-il, nous l’avons souvent senti lorsque le pays était en proie à de graves zones de turbulences, lorsque la sécurité était mise à rude épreuve, lorsque la peur avait failli s’installer. Que doit faire le journaliste, partagé entre sa mission professionnelle de recherche et de traitement de l’information pour la transmettre fidèlement à son public, et sa responsabilité patriotique de contribuer à l’apaisement et à la stabilisation ? Comment concilier l’information en tant que telle avec son analyse impartiale et sa mise en perspectives en toute objectivité ?».
Parfois, Bouabker accède à des informations que son éthique lui interdit de diffuser, ce qui peut être frustrant, mais demeure conforme à ses propres valeurs.
Beaucoup de transpiration…et autant d’inspiration
Comment procède-t-il au quotidien ? En bon matheux, Boubaker est un grand bûcheur. Il commence tôt sa journée en épluchant les médias, s’informant et bien préparant son émission.
Noureddine Ben Ticha sera d’une collaboration précieuse. «L’essentiel pour moi est de fixer les objectifs et d’organiser le rythme des interviews, en structurant les séquences, pour garder et relancer sans cesse l’intérêt des auditeurs. Au fil de chaque entretien, j’essaye de paramétrer au fur et à mesure tout en me concentrant sur les réponses de mon interlocuteur pour rebondir à bon escient, en lui opposant l’antithèse à ses propos». Dans cet exercice, Noureddine Ben Ticha lui apporte beaucoup de complémentarité. «Il joue en effet le rôle qui est le sien, nécessaire à la vivacité de l’émission», dit-il.
Boubaker sait bien s’occuper de ses invités: «Il faut les mettre en confiance et les amener à s’exprimer le plus naturellement possible». Son secret: «décoder leurs messages, les ramener sans cesse au coeur du sujet pour cerner leurs positions et obtenir l’information exacte».
Comment choisit-il ses invités ? «Nous offrons la parole à tous, en toute équité, mais c’est-à-dire à ceux qui ont des propos significatifs à même de changer le cours des choses ou d’apporter des clarifications utiles. Quant à ceux qui essayent de noyer les auditeurs dans le populisme, nous écourtons rapidement leurs prestations».
Le seul à lui échapper encore…
Quels sont ses « clients » les plus difficiles? «Ceux qui parlent peu ou ne sont pas rompus aux nuances du discours politique ni connaisseurs des spécificités de la radio. Certains mettent des dizaines de minutes à développer une seule et même idée. Là, on est obligé de les recentrer. D’autres, en trente secondes, adressent des messages très clairs, très pertinents».
Et ceux qui sont les plus agréables à «traiter» ? «Sil Béji Caïd Essebsi, Ahmed Néjib Chebbi, Rached Ghannouchi et beaucoup d’autres de la même trempe ! Même s’ils ont exigé de nous une grande préparation, mais nous avons eu un grand plaisir à débattre avec eux. Ce fut un vrai régal. Avec Sil Béji, par deux fois, le 19 juillet et le 1er décembre, l’humour et la finesse qui lui sont propres nous commandaient de rester toujours aux aguets, un grand kif. Vous savez, dans toutes ces interviews, je me rappelle toujours à moi-même que je ne suis que le modérateur, sans jamais essayer de me mettre en vedette, et je ne fais que rapporter à mon auditeur la bonne réponse qu’il se pose lui-même».
Y a-t-il des invités qui ont essayé de le flouer ? «Inéluctablement ! Mais on s’en rend compte rapidement et on écourte l’interview».
Et une personnalité qu’il n’a pas su encore convaincre de venir à l’antenne ? «Oui, le général Rachid Ammar. Et je n’en désespère pas !»
Longue journée interminable pour Boubaker Ben Akacha, surtout qu’il doit sans cesse réfléchir avec l’équipe à enrichir le concept de l’émission et le faire évoluer. «Peut-être en y introduisant des chroniques et de nouvelles séquences», lâche-t-il. Mais aussi en raison de ses autres responsabilités à la tête de la programmation au sein de Mosaïque FM. Le soir, le sentiment du devoir accompli, il n’a hâte qu’à retrouver sa petite famille: sa femme médecin et ses deux jeunes enfants. Du pur bonheur.
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On a découvert ce bonhomme au fil de la révolution, il est superbe parce-que jeune, compétent et dévoué. Un fibre radiophonique certaine, franchement tunisien et décontracté le plus souvent. Avec son binôme c'est cross country avec un atterrissage de pilote d'avion. Dans son rôle Boubaker est un enfant de la révolution, celle qui se déroule sous nos yeux souvent écarquillés. NBT est faiseur de révolution assagit avec un zeste de prudence pour favoriser le débat d'opinion. Deux suggestions: inviter de temps en temps un monsieur tout le monde, populisme mis à part - toucher davantage l'économie, même brièvement. Mosaïque FM est un acquis médiatique certain, qu'il garde son autonomie.