Deux femmes scientifiques tunisiennes viennent d’être sélectionnées pour des Bourses L’Oréal-Unesco qui bénéficient à des chercheurs émérites, rigoureusement choisis de par le monde. C’est ainsi que le
Dr Mounira Hmani-Aifa, Professeur en Génétique Moléculaire Humaine et Chercheuse au Centre de Biotechnologie de Sfax, déjà distinguée en 2002 dans le cadre des Prix Internationaux L’Oréal-UNESCO, est sélectionnée pour la Bourse Spéciale Internationale. Cette dernière est octroyée à une ancienne boursière et récompense une scientifique qui, par sa carrière et sa persévérance incarne l’avenir de la science.
De son côté, Mme Emna Harigua, Doctorante en Biologie Moléculaire à l’Institut Pasteur, est sélectionnée pour la Bourse Internationale. Cette dernière récompense l'excellence et la viabilité des projets proposés par les boursières, ainsi que leur impact potentiel sur la vie humaine ou l'environnement.
La cérémonie de remise de prix L’Oréal-UNESCO Awards 2012 For Women In Science, présidée par le Professeur Günter Blobel, Prix Nobel de Médecine aura lieu le jeudi 29 mars au siège de l’UNESCO à Paris.
Mounira Hmani-Aifa, chercheur et militante des droits de la Femme
Lorsque Mounira Hmani-Aifa a remporté la Bourse Internationale en 2002, elle l'a mise à profit pour intégrer la Faculté de sciences médicales de Linköping, en Suède, et poursuivre des recherches postdoctorales en génétique humaine. De retour en Tunisie, elle a entamé un travail sur les origines génétiques de la surdité héréditaire, au sein du laboratoire dirigé par le professeur Hammadi Ayadi. En outre, elle a lancé, dans le cadre d'un projet de recherches suédo-tunisien, une nouvelle étude génétique sur la microphtalmie postérieure, un trouble héréditaire rare affectant les yeux.
Dans le cadre de ce projet, Mounira a étudié le patrimoine génétique de familles tunisiennes et elle est parvenue à déceler plusieurs des gènes en cause, ce qui a permis d’organiser une consultation génétique pour les familles concernées. Mounira envisage d'utiliser sa Bourse Spéciale 2012 pour étudier une nouvelle piste de recherche, découverte au cours du projet : le lien éventuel entre l'un des gènes impliqués dans la microphtalmie postérieure et le glaucome. “Lorsque nous aurons compris le mode d'action du gène,” explique-t-elle, “nous espérons pouvoir développer des traitements.”
La Bourse Spéciale récompense l'excellence et la persévérance d'une ancienne Boursière Internationale. Mounira a fait preuve de ces qualités tant dans la poursuite de sa carrière que dans sa vie familiale. Mariée à un “scientifique compréhensif,” le professeur en biologie moléculaire Mohamed Sami Aifa, et mère de quatre enfants, Mounira occupe un poste d'enseignement à temps complet, tout en poursuivant ses recherches et en publiant fréquemment dans des revues scientifiques de premier plan. Elle parvient aussi à faire du sport, à voir ses amis, à lire sur la religion, la culture et la philosophie. Elle a même trouvé le temps de rejoindre une association de défense des droits des femmes. “Je veux tout faire !” dit-elle simplement.
Mounira espère qu’à l’avenir en Tunisie les chercheurs n'auront plus l'obligation d'enseigner à plein temps, ce qui lui laisserait plus de temps pour la recherche. Selon elle, être une femme de sciences ne constitue pas un challenge particulier dans un pays avec plus de doctorantes que de doctorants : “Les problèmes que je rencontre - vie familiale, grossesses, enfants - sont les mêmes que ceux de mes amies suédoises et françaises.”
Mounira avoue qu’elle doit sa réussite à ses parents, et en particulier à son père aujourd'hui disparu. “Il nous a appris à être optimistes et à garder espoir. Sa philosophie était que quand on veut, on peut.” Alors qu'elle hésitait entre une carrière dans l'enseignement, afin d’aider sa famille, et la poursuite de ses études, son père l'a soutenue dans la deuxième voie : “Ne pense pas à l'argent. L’essentiel n’est pas que tu travailles maintenant, mais que tu puisses être la meilleure”. Si adolescente elle s’intéressait à la cancérologie, Mounira a finalement opté pour la génétique, une discipline qui répondait surtout à son désir d'aider des familles affectées par des maladies héréditaires.