La loi de finances 2012 : Un budget de campagne électorale ?
Pour le peu que nous en sachions, de nouvelles orientations ont été proposées et testées et à l’aune du modèle économétrique des techniciens des ministères du plan et des finances. Le modèle amorti de longue date, et ayant fait ses preuves comme chacun sait, a restitué une prévision : Une croissance économique de 3,5% induisant 70.000 créations d’emploi.
Résumons, la loi de finances complémentaire présentée prochainement n’innove en rien, et va assurément être suspectée d’électoralisme. L’exercice du passage d’un budget provisoire à un budget définitif aura consisté à ne toucher à presque rien.
Coté recettes, la nouvelle mouture table sur 2,5 MMDT supplémentaires provenant pour l’essentiel, d’une amélioration du rendement du système fiscal (sic), de la confiscation de biens et du produit du reliquat de privatisation. Coté dépenses, l’essentiel ira encore, aux incitations fiscales ainsi qu’au traitement social du chômage et de la pauvreté : renforcement du programme Amal, soutien accru aux familles nécessiteuses, et quelques subventions complémentaires aux régions et aux municipalités.
Franchement pas de quoi bondir au plafond de joie, ni percevoir que ce gouvernement enclenche une nouvelle politique économique ! Copier coller, à s’y méprendre.
Mais alors quelle logique sous-tend ces orientations ?
Pas question ici d’entrer dans le détail, mais à première vue, l’impression qui en ressort est que cette nouvelle mouture est tout à la fois, presque inattaquable socialement mais suspecte politiquement.
Tout de même, rendons hommage à la nouvelle équipe qui comme « équilibriste » sur le fil de la conjoncture extérieure comme intérieure s’en sort plutôt bien. Gratter les fonds de tiroirs et saupoudrer du mieux possible relève effectivement d’une certaine dextérité.
Bien entendu le gouvernement aura poussé un « ouf » de soulagement, en constatant que pour l’essentiel les nouveaux prêts engrangés couvriront les remboursements d’emprunts, même si cela pèsera plus tard. Dont acte !
Inattaquable socialement, politiquement suspect, avons-nous dit. Les autorités provisoires se seront bien gardées de toucher à l’essentiel des subventions (CGC), hormis celle de l’essence, mais après tout, cette catégorie n’est pas au cœur de son électorat. On aura aussi peine à croire que quiconque pourrait raisonnablement critiquer l’effort social qui certes ressemble plus à du saupoudrage, mais auquel le gouvernement n’aura aucun mal à rétorquer qu’il hérite d’un état des finances publics calamiteux.
Que dire des moyens consacrés à cette relance tant espérée. Pas tout à fait novice, le gouvernement aura redécouvert la formule éculée de la technique d’une pierre deux coups. Un début d’amnistie fiscale prolongé d’exonérations à l’investissement privé.
De quoi, bien évidemment, rassurer les investisseurs (sic) et montrer un soutien à la croissance, tout en pouvant arguer ultérieurement en boomerang, si besoin est, autrement dit si l’embellie n’est pas au rendez-vous, que le gouvernement aura tout fait pour la favoriser. De la haute voltige vous ai-je dit. Pas de vagues, ne toucher à rien d’essentiel, et surtout pas à « certains intérêts acquis », tout en affichant bonne volonté et bonne foi.
Le moment venu, c'est-à-dire, lors de la prochaine échéance électorale, il sera toujours tant d’ajuster le discours. En cas de mieux, le gouvernement s’en attribuera la paternité. En cas d’échec, ce sera la faute de la conjoncture internationale, ou de la frilosité de l’investissement intérieur n’ayant pas su tiré « profit » du dispositif.
Soupçonner ce budget de visées électoralistes in fine est pour le moins plausible, si non démontrable.
Un immobilisme actif, tel pourrait être la quintessence de cet exercice budgétaire. Immobilisme parce que l’essentiel est préservé : aucune entame de réforme, pas même de correction de trajectoire, mais l’affichage est « sauf » : 70.000 emplois dont on sait pourtant que plus de la moitié sont des emplois précaires, et que des subventions sociales certes accrues ne représentent toujours qu’une goutte d’eau dans un océan de détresse.
Actif parce que, diront certains « mieux que rien ». Le gouvernement en ne fâchant personne ne veut gâcher aucune carte. Et ce n’est pas les critiques des partenaires sociaux, toutes en retenue, qui changeront la donne. Le gouvernement fait en fait l’effort de pousser la logique de l’ancien système fait d’équilibre subtils jusqu’à ces extrêmes limites. Il tente d’améliorer le rendement de l’impôt (re-sic), consent à l’effort de soutien à l’initiative privée, donne des gages de sa bonne foi en direction des chômeurs et des pauvres.
Espoir d’une année « blanche », ni effondrement dramatique, ni reprise spectaculaire, tel semble, en effet, être le secret espoir de ce gouvernement.
Gageons que la déclaration de politique générale ni changera rien. Donner le change, et fourbir ses armes en vue de la future échéance électorale. Rien de plus rien de moins.
Hédi Sraieb,
Docteur d’Etat en Economie du Développement.
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C’est bien d’utiliser des modèles de simulations macroéconomiques mais c’est mieux d’opter pour les modèles probabilistes pouvant donner des plages de résultats permettant une interprétation des outputs avec une meilleure vision afin d’éviter des décisions dangereuses. Dire que le modèle a restitué une prévision d’une croissance économique de 3,5% et induisant 70.000 créations d’emploi, c’est comprendre aussi que ces chiffres sont entachés d’une erreur de 50% voire plus. Si on introduit les inputs avec une tolérance de 15% on aurait d’autres chiffres sur la croissance, le déficit budgétaire, le déficit de la balance des paiements et la création d’emplois. Faisons attention aux modèles « boite noire », ils sont capables de la chose la chose et de son contraire. Aussi, comment ce modèle de simulation pourrait-il traduire l’ambiance chaotique régnante dans le pays ? Dans une situation exceptionnelle, le bon sens, l’expertise et le pragmatisme des nos compétences nationales valent 1000 fois les modèles de simulations. Mustapha STAMBOULI
Minimiser la portée d'une amélioration du rendement fiscal,aprèe une révolution, est quand même incomprhensible d'autant que la marge de liberté du gouverrnement est limitée.On rêve d'un PLAN MARCHAL pour la Tunisie mais force est de constater que les conditions nre sont pas pour le moment favorables.Le projet a été préparé à la va vite mais le taxer d'électoral c'est soutenir qu'il peut y avoir une politique désintéressée!