L'Afrique est-elle notre horizon ?
Se retourner naturellement vers notre continent auquel nous avons donné notre nom, y reprendre légitimement notre place et y jouer utilement le rôle actif et inspirant que nous attribue la révolution : la voie est toute tracée. Ce vaste continent peuplé de plus d’un milliard d’âmes, avec une population âgée aux trois quarts de moins de 25 ans, ce qui en fait la région la plus jeune au monde et affichant, malgré les grandes disparités encore non surmontées, une croissance robuste dans les pays subsahariens de 5,6% en 2011 et probablement 6 % en 2012 en moyenne, offre de grands potentiels. Surtout avec la perspective de l’abolition des barrières douanières et l’établissement d’une zone de libre- échange sur l’ensemble du continent à l’horizon 2017, c’est-à-dire dans cinq ans. Sans doute, le XXIème siècle sera-t-il celui de l’Afrique. Y sommes-nous prêts ?
Du haut de la tribune de l’Union africaine, le Président Marzouki vient de l’affirmer devant ses pairs lors du 18ème Sommet tenu fin janvier dernier à Addis-Abéba : «Nous croyons en l’Afrique, la Tunisie y revient en force !» Mais, ce discours politique qui marque certes un engagement ferme reste à traduire en plan d’action soutenu par des mécanismes, des budgets et des échéances.
Sans remonter à l’aube des temps, il suffit de se rappeler l’engagement politique et diplomatique de la Tunisie, dès le lendemain de l’indépendance, en participant aux forces de l’ONU au Congo, ouvrant nombre d’ambassades, jusqu’à Accra (Ghana), et soutenant les mouvements de libération en Angola, au Mozambique, en Erythrée, etc. Le périple africain de Bourguiba (jusqu’au Liberia) en 1965 reste mémorable. On se souvient également des initiatives pionnières pour favoriser des implantations économiques et financières utiles, relayées à partir des décennies suivantes par des missions d’assistance technique.
La STB avait en effet eu la vision de sceller une association avec des banques au Niger et au Mali, créer même une banque tuniso-sénégalaise à Dakar, lancer des caravanes transsahariennes, monter une société de commerce extérieur et autres. L’Agence tunisienne de coopération technique a dépêché enseignants et experts jusqu’aux Iles Comores. Des bureaux d’études privés ont su s’associer avec leurs partenaires internationaux et remporter des projets. Cet élan enthousiaste a été re-boosté par la tournée du Premier ministre Mohamed Mzali, en 1982, dans nombre de pays de l’Afrique de l’Ouest. Des stratégies d’appui et des mécanismes de suivi devaient fournir aux opérateurs privés le soutien nécessaire. Mais, en fait, chacun a dû continuer à compter surtout sur soi.
Résultats des courses, de maigres volumes d’échanges économiques et de microscopiques communautés tunisiennes. Nous ne réalisons avec les pays subsahariens, comme le souligne Radhi Meddeb, que quelque 300 millions de dinars de chiffre d’affaires, soit 0.5% de notre PIB et moins du tiers de ce qu’on faisait en 2010 avec notre seul voisin, la Libye! En effectifs, nous ne sommes que 1.843 Tunisiens, y compris femmes et enfants, en tout et pour tout, répartis au Sud du Sahara. Parmi eux, le nombre des coopérants n’est que de … 203. C’est-dire tout le retard à rattraper.
Aujourd’hui, le contexte a changé. Le continent est certes confronté à de grands défis. Il doit en effet vaincre son incapacité à traduire une forte croissance globale en emplois, réduction de la pauvreté par habitant, opportunités pour les jeunes et améliorations tangibles dans les conditions d’existence des populations. Aussi, même si l’Afrique est devenue plus habile à gérer son déficit économique et social, elle doit surtout réussir à résorber son déficit démocratique. Le dernier sommet de l’UA à Addis-Abeba a, d’ailleurs, cristallisé, sans encore trancher, la confrontation entre les anciennes forces et les nouvelles ambitions. L’onde de choc partie de chez nous résonne fortement.
Dans cette mutation, l’Afrique a besoin de la Tunisie, comme la Tunisie a besoin de l’Afrique. Comment s’y prendre alors? Pour engager cette réflexion, Leaders consacre ce premier dossier enrichi par une série d’analyses et de témoignages. Des opérateurs intervenant dans divers pays et secteurs (l’ingénierie, la finance, les technologies de l’information, la santé, l’éducation…) nous livrent de premiers éléments, bien instructifs. L’un des autres volets qui mérite d’être abordé est le bénéfice qu’on peut tirer de la présence à Tunis du siège de la BAD et de toutes les opportunités et synergies qu’offre cette proximité. A ce jour, aucune stratégie précise n’a été élaborée à cet effet, ni d’un côté ni de l’autre, même si le Dr Donald Kaberuka, président de la Banque, et son équipe affichent de bonnes dispositions. Les pistes à creuser sont nombreuses, le débat est ouvert.
Combien sommes-nous ? | |
République Démocratique du Congo, Congo et Rwanda | 185 |
Mali | 80 |
Burkina Faso | 30 |
Niger | 17 |
Sénégal, Guinée, Gambie, Guinée-Bissau et Cap-Vert | 359 |
Cameroun | 102 |
Tchad | 60 |
Gabon | 176 |
Guinée Equatoriale | 98 |
Centrafrique | 7 |
Nigeria | 41 |
Côte d’Ivoire, Togo et Bénin | 309 |
Éthiopie et six pays de la région | 47 |
Madagascar | 6 |
Ouganda | 2 |
Tanzanie | 4 |
Kenya | 1 |
Afrique du Sud et pays voisins | 319 |
Total | 1843 |
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Une Stratégie de Coopération à revoir. Depuis plus de vingt ans, la Tunisie a brillé par son absence politique sur la scène africaine, ce qui s’est traduit par une faible activité diplomatique et par un recul de positionnement commercial sur l’Afrique subsaharienne, alors que l'Égypte et le Maroc ont consolidé substantiellement leur rayonnement économique respectivement sur les pays de l’Afrique de l’Est et ceux de l’Afrique de l’Ouest. Il est grand temps de nous occuper prioritairement de notre continent: coopération technique, échanges commerciaux, tourisme d'enseignement et de formation professionnelle, tourisme médical, ingénierie générale, ..... Certains pays affichent des taux de croissance à 2 chiffres, alors que nous n'y avons pas d'ambassades. En dehors des pays arabes, seules 7 ambassades sont saupoudrées en Afrique Subsaharienne, démunies des conditions minimales de prospection et d'accueil : Mali, Éthiopie, Sénégal, Cote d’ivoire, RDC (ex Zaïre), Afrique du Sud et Cameroun. Alors que l’on enregistre du potentiel de coopération dans les pays suivants : Niger, Togo, Burkina, Gabon, Ghana, Guinée, et au moins un second pays de l’Afrique australe (Zambie, Botswana, Zimbabwe, Mozambique, Swaziland, le Lesotho). Nos Opérateurs économiques les plus courageux rencontrent encore diverses difficultés: absence de représentation diplomatique, absence de liaison aérienne ou maritime, absence d'accords d’échanges préférentiels (tarifaires), insuffisance de convention générales (visa, circulation, séjour, emplois, …). En dépit des multiples handicaps, plusieurs entreprises tunisiennes ont réussi et pourraient perfectionner leurs performances en Afrique: SCIT, SCET Tunisie, STUDI, ST2I, COMET, .....