Opinions - 30.04.2012

La Tunisie, An II Au travail, citoyens !

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » ainsi parlait Jacques Chirac lors du  Sommet de la Terre en 2002 à Johansbourg. J’y étais. L’Afrique du Sud, quel bel exemple de réconciliation nationale et de réussite économique.  L’une ne va pas sans l’autre. Cet exemple du pays du Cap de Bonne Espérance est à méditer  par les protagonistes du pays du Cap Blanc….

Un an après l’éruption d’une révolution abracadabrante qui a secoué l’Univers, les tunisiens et Les tunisiennes en sont encore à inhaler les relents d’une fumée récurrente.

Fêter le premier anniversaire du 14 Janvier dans ces conditions a été réellement une gageure qui n’a pas été du goût de certains post révolutionnaires. C’est ainsi que les Makthérois exprimèrent leur rejet d’une manière caustique « le gouvernement jubile et Makthar  brûle »

Au lendemain du 14 janvier 2012, l’on assista à une curée qui aiguisa la hargne de certains revanchards mais qui jeta l’émoi parmi les candides qui sont légion et qui ont cru aux lendemains enchanteurs d’une longue nuit de plomb et de braises..
Les raisons de la colère

Il est évidemment trop facile d’incriminer l’extrême-gauche ou plus généralement les « vaincus » du scrutin du 23 octobre pour avoir le cœur net. On n’évacue pas pour autant les palpitations qui le guettent. Ne nous voilons pas les faces, il existe bien des raisons à cette colère qui embrase le bon vieux pays de l’olivier et de la vigne ,  des steppes et des oasis, des monts et des vallées.

De Sejnane à Ben Guerdane, de Siliana à Jebeniana, que de « i'tissam » (sit-in) et in-filat (désordre).Ce  ras -le -bol général, il ne sert à rien de la vilipender .Il importe, plutôt, d’en prendre acte et de le cerner pour pouvoir le circonscrire.

Il est urgent non pas comme le pensent les jusqu’aux-boutistes d’attendre mais de réagir. Eteindre d’abord, reconstruire ensuite : tel devrait être le leitmotiv des dirigeants éclairés. Les milliers de jeunes et des moins jeunes qui s’ébranlent ces jours-ci, s’ils font preuve d’impatience, c’est qu’ils se sentent quelque part grugés. Face au spectacle affligeant de certains de nos constituants plus portés à la chamaillerie qu’à l’écoute de ceux dont ils sont les dévolutaires, les habitants des bourgs et des faubourgs de Tunisie qui se sont soulevés contre « El hogra » (le mépris) et la misère doivent se demander si on ne leur a pas confisqué leurs espérances.
Non, le chômage n’est pas une fatalité

Gagner sa vie ici et maintenant au lieu de la perdre à petit feu : telle est la quête incandescente du million des sans-revenus. Or il n’est pas impossible – au possible tout le monde est tenu-  de répondre à cette quête  à brûle-pourpoint.

Comment vaincre le chômage, me diriez vous ? Eh bien tout simplement en offrant du travail ou bien en assurant une formation en attente d’un premier emploi. Dans le second cas de figure, il y a lieu de renforcer le programme « Espoir » qui s’adresse aux deux cent mille diplômés de l’enseignement supérieur en situation de non emploi et faire bénéficier ces derniers d’une allocation proche du SMIG.

Pour les autres, il y a lieu de généraliser les chantiers de travaux d’utilité publique dans les villes comme dans les campagnes.

Les revenus tirés de ces sources de subsistance qui auront été financées grâce aux concours conjugués de la collectivité nationale et des soutiens tant claironnés par la communauté internationale, vont assurément doper la consommation et de ce fait le PIB d’une nation    qui aura  su relever le défi de cette horreur économique qu’est le chômage, Non, ce mal n’est pas une fatalité. Quand bien même il frappe les économies de l’Occident, il est pris en patience pour la bonne raison qu’il ouvre aux « patients » des droits immuables. Ce qui n’est guère le cas sous nos cieux. Il faut donc rompre le silence insidieux qu’on oppose à ceux qui s’écrièrent face aux potentats de l’ancien régime : « l’emploi n’est pas une faveur, ô bande de voleurs ! ».

En attendant bien sûr d’envisager la suite. C'est-à-dire d’engager les réformes nécessaires au décollage réel et non plus simulé de l’économie d’un pays que la géographie a placé au carrefour des deux mondes, l’ancien et le nouveau. L’Europe et l’Asie évidemment !.

Les piliers de la (re)construction

Maintenant que le spectre du  pillage éhonté et du népotisme abject est repoussé , est-il présomptueux d’espérer que grâce aux efforts d’une population laborieuse et d’un leadership appliqué, notre économie puisse non seulement retrouver ses performances d’antan mais les multiplier par deux ? Un taux de croissance à deux chiffres est, je pense, à la portée de notre pays quand il aura réalisé les réformes indispensables à son effort une fois que la paix  sociale est rétablie :

• La réforme du système bancaire : Il faut que celui-ci  assure son rôle de partenaire réel, l’économie au sens où l’entend la finance islamique : la Mourabaha. C’est Christine Lagarde, patron du FMI qui l’appelle de ses vœux – pas si pieux que ça- !

• La réforme fiscale : Une véritable justice fiscale est non seulement possible, mais nécessaire. C’est le présupposé de tout essor comme nous l’a enseigné notre Maître à penser Ibn Khaldoun.
• La réforme administrative : l’Administration au service de ses usagers , c’est indispensable pour le vivre ensemble.
• La réforme territoriale :  un autre découpage du territoire est nécessaire pour redonner un sens à la vie communale et une liberté de gestion aux régions.
J’ai déjà esquissé des  propositions à ce sujet en suggérant l’édification d’une nouvelle capitale pour le XXI è siècle à Enfidha …
• La réforme du système éducatif : c’est la plus importante de toutes. Et elle est impérieuse.  Le progrès social et économique en dépend. Les Tunisiennes et Tunisiens de demain seront forgés dans l’Ecole que nous aurons instituée aujourd’hui. Nous en sommes comptables. Tant il est vrai que comme l’a énoncé le proverbe chinois : « Cette terre , nous ne l’héritons pas de nos aïeux, nous l’empruntons plutôt auprès de nos descendants » .

Aïssa BACCOUCHE
Sociologue-Urbaniste

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