News - 01.09.2012

Le cri de détresse de Yadh Ben Achour

Dans une interview à notre confrère La Presse,Yadh Ben Achour ne cache pas son inquiétude face à la tournure prise par la révolution. D'habitude nuancé dans ses jugements, l'ancien président de la Haute Instance pour la Réalisation des Objectifsde la Révolution se laisse gagner par le pessimisme ambiant : 

« Depuis les premières réunions de l’Assemblée constituante, constate-t-il, il ne se passe  plus un seul jour sans que l’on soit assailli par les évènements ou les thématiques religieuses. Un jour ce sont les propos de certains constituants revendiquant l’application des peines coraniques, comme l’amputation ou la crucifixion, un autre jour ce sont les munaqibat qui investissent la Manouba, un autre jour encore les agressions terroristes indûment appelées «?salafistes » contre les artistes, les intellectuels,  dont l’affaire de la Abdelliya représente le point culminant, puis des disputes parfois violentes au sein des mosquées, le lendemain des proclamations fracassantes et des appels au meurtre de la part d’un certain nombre d’imams-voyous, le surlendemain des violences à l’égard d’un groupe chiite, la veille, un procès inique contre de jeunes caricaturistes, l’avant-veille, un procès moyenâgeux contre la diffusion de Persepolis ,  sans compter les débats incessants autour de la charia, de l’adoption, du Code du statut personnel, de la polygamie, du niqab,  et des muqaddassat.  

«La religion a investi massivement le champ du débat social et politique, à tel point qu’on commence à en avoir une sorte d’indigestion. Il n’y a plus que cela, et les véritables problèmes du pays sont laissés de côté ou remis aux calendes grecques. Et, contrairement à ce que l’on dit, la religion n’est pas en train de gagner des adeptes, au contraire, elle est en train d’en perdre. Un certain nombre de croyants qui allaient pacifiquement faire leurs prières à la mosquée n’y vont plus, tellement ce lieu est devenu, non pas comme il devrait l’être, à savoir le symbole de la douceur, de la sérénité et de la contemplation, mais l’expression du militantisme politique le plus virulent, de la violence, de la haine, et de la laideur. Tout ce que le parti au pouvoir a réussi à faire, c’est de transformer notre religion en une véritable maladie sociale».

Un tableau bien sombre qui  fait craindre à M. Ben Achour des lendemains qui déchantent : «Les Tunisiens ont vécu la religion comme un élément de libération, de cohésion sociale, de spiritualité. Ils la vivent aujourd’hui comme un cancer qui dévore le corps social tout entier et qui risque de le jeter dans le sous-développement et la régression généralisée. Si cela continue, la Tunisie ne sera pas simplement déclassée par les agences de notation, le bon Dieu lui-même n’en voudra plus (...) Oui, nous risquons dans peu de temps de nous retrouver dans une dictature pire que celle de Ben Ali, une dictature théocratique. Oui, nous risquons de perdre l’un des acquis les plus chers de la révolution : la liberté d’expression. Oui, de telles idées constituent bel et bien des idées antirévolutionnaires».

Mais, il tient quand même à nous livrer un message d'espoir : «Mais ne vous inquiétez pas. En fin de compte, le message de la révolution sera toujours là pour rappeler à ceux qui l’oublient qu’ils ont des engagements vis-à-vis de ce peuple et que ces engagements ne consistent pas à leur offrir des nattes de prière pour résoudre leurs problèmes»

Les appréhensions du doyen Ben Achour sont révélatrices du désenchantement d'une grande partie de l'intelligentsia  tunisienne face aux dérives du mouvement d'Ennahdha. Comme nombre de ses compatriotes, Yadh Ben Achour pensait au lendemain de la révolution que rien ne justifiait une exclusion d'Ennahda du champ politique, d'autant plus que de larges franges de la société tunisienne se reconnaissaient dans ses idées. Il a dû même se rendre à son siège pour l'inciter à réintégrer la Haute Instance qu'il présidait, conscient que rien ne pouvait se faire sans ce mouvement et a fortiori contre lui. Aujourd'hui, il n'est pas loin de penser que rien ne pourra se faire avec Ennahdha si elle  persistait dans la voie qu'elle s'était choisi. Mais, il veut  bien croire à un sursaut  de sa part  et se refuse à croire à la fatalité de l'échec..

 

 

 

 

 

Tags : yadh ben achour  
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18 Commentaires
Les Commentaires
SamiBS - 01-09-2012 21:26

Ceux qui connaissent ce Monsieur connaissent sa bonne foi, qu'il s'exprime de cette manière aprés une longue période de réserve est un signe inquiétant de la réalité des choses...

Mouelhi - 02-09-2012 06:45

Bonjour à tous! Depuis quelques temps,je n'ai pas été tenté par un commentaire relatif à tous les articles que je ne cesse de lire !C'est comme,vouloir ,juste en prendre connaissance de ce qu'on pense ,hors de moi ! Le mot clé dans cet article deM I.Ben achour est :"désenchantement.."!! Effectivement ,on ne voit ,de part et d'autre que de longs ou timides COCORICOS des hommes de notre politique à la Tunisienne! Même Sa majesté M.IYADH,que tous respectent et estiment..n'avance que des constatations ,déjà ,faites par 3am khlil il khadhar!Y a-t-il lieu de parler ou d'attende optimisme une nouvelle donne qui bouscule les esprits en léthargie politique ????? Wait and see!

Jean Pierre Ryf - 02-09-2012 08:20

Quand un intellectuel de ce niveau et de cette intégrité lance un tel cri d'alarme les tunisiens devraient l'entendre. D'autant plus que M. Yad Ben Achour est d'une famille de musulman théologien et que lui-m^me est un connaisseur de l'islam. Il a écrit notamment un essai très intéressant :"La deuxième Fatiha et les droits de l'homme" ou il démontre que le Coran est tout a fait compatible avec un état de droit respectant entièrement les droits de l'homme.

Mohamed - 02-09-2012 10:31

Malheureusement le pessimisme de Si Yadh Ben Achour est bien réel et gagne de plus en plus d'intellectuels. L'espoir est qu'il gagne la Tunisie profonde pour balayer Ennahdha.

volée! - 02-09-2012 12:14

Une description très réelle mais tardive!La révolution tunisienne est volée.

Karim - 02-09-2012 18:31

Ce cri du coeur de la part d'un tel intellectuel doit alarmer plus d'un tunisien ou d'une tunisienne ! Il est temps que la société civile se réveille pour défendre nos valeurs séculaires et de ne pas laisser le champs libre à des apprentis sorcier qui joue avec le pays et son destin ! STOP a l'entreprise de démolition de notre Tunisie, STOP à la dictature théocratique et OUI à une Tunisie tolérante et moderne tournée vers le monde et réconciliée avec ses valeurs séculaires qui ont fait ce qu'elle a toujours été !

Garbaa - 02-09-2012 20:13

Bonsoir je pense que malheureusement la révolution n'a pas été comprise, on ne parle que de religion et de religieux mais de le problème de la Tunisie c'est l'emploi, la sécurité, l'économie, tout ce qui faut pour un bon pays comme la Tunisie en tant que tunisienne j'espère que tout ira au mieux inchallah

James-tk - 03-09-2012 01:32

Mieux vaut tard que jamais! Je ne possède ni l'éducation de Mr Yadh Ben Achour,et encore moins son savoir,mais malgré cela,le lendemain des élections du 23 octobre 2011,et après les premières estimations j'étais convaincu que le jour du scrutin,l'électeur tunisien type dans l'isoloir a voté avec ses pieds,c'est une expression française,mais elle nous sied à merveille! J'ai aussi souvent dit et répété que religion et politique n'ont jamais fait bon ménage,et que la Tunisie ne sera pas l'exception!

Mohamed D - 03-09-2012 06:03

Le "désenchantement" de M. YBA est, le moins qu'on puisse dire, décevant, surtout quand ce bilan négatif émane d'un intellectuel et fin connaisseur et de la religion et de la nature laborieuse du processus CONSTITUTIONNEL. M. YBA doit se rappeler d'abord que le fait religieux lui même a souffert le plus de la dictature et nécessite qu'on y remette de l'ordre. Il doit aussi se rappeler de sa propre expérience pas très aisée à la tête de la Haute Commission de transition. En clair, on a TOUS intérêt à s'armer de patience, à être un peu plus constructif et consensuel et à chercher à contribuer au règlement des problèmes au lieu de les empirer à travers ces déclarations alarmantes, et cela incombe plus aux élites dont M. YBA fait partie qu'au commun des tunisiens.

kalthoum - 03-09-2012 07:32

Comment,cher compatriote,aviez-vous. cru,un seul instant que notre. Salut ne pouvait venir que. de l'intégration de ce parti rligieux vous qui êtes laïques.

Mounira Saghi - 03-09-2012 07:50

Si Yadh Achour un monsieur tres honorable,sortant de sa reserve lui le reserve,car notre chere patrie risque une degradation irreparable et ennahdha l,a entame depuis qq mois et le resultat est la...un virage dangereux a90* ..le but de la revolution changer la vie des Tunisiens(e) et leur rendreleur droit de citoyens(e)...mais nous assistons a une prise d,ottage de nos institutions par des gens qui n,ont rien en commun avec nous il est du devoir de chaqu,un de nous..de tirer le signal d,alarme avant qu,un desastre nous emporte: la destruction est plus rapide que la construction...heureusement que peuple Tunisien a une conscience..et un amour sans reserve pour sa Patrie..nous avons vu pire...we mane la youridou sou3ouda al jibali ya3iche abada addahri bayna al houfar...

ayaketf - 03-09-2012 08:41

N'ATTENDONS PAS PLUS LONGTEMPS POUR AGIR (CHACUN AVEC SES MOYENS)CONTRE CETTE CORRUPTION MORALE ET RELIGIEUSE

???? ???? - 03-09-2012 08:43

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EMDE - 03-09-2012 20:05

Ce sont des intellectuels engagés sur une ligne anti-islamique comme Mr Yadh Ben Achour qui ont fait le jeu d'Ennahdha. Tout d'abord avec son silence lorsque Mohamed Ghannouchi a essayé de spolier le pouvoir avec l'article 56 de la Constitution(il a fallu de grands juristes patriotes comme Sadok Belaid et Kaies Saied pour découvrir la supercherie),puis avec ses attaques continues contre l'islam et ses déclarations honteuses sur TV5 en dénonçant l'appellation ABDALLAH (nous sommes les amis de Dieu et non ses esclaves!!!affirmait-il devant un journaliste enchanté!!)..Espérons qu'il reprenne ses esprits et laisse les vrais patriotes sauver la barque.

R.E - 03-09-2012 20:46

Qui a imposé cette stupide gaffe qu'est la constituante Mr Ben Achour??? Pour un peuple inexpérimenté dont on connaissait parfaitement son inculture politique. ce qui nous arrive aujourd'hui était prévisible. Il y a de quois'inquièter effectivement m ais le vin est tiré il faut le boire. A moins qu'il n'existe une autre alternative, quelques soit le ²prix à payer! IL faut sauver le soldat Tunisie!

Tounisia - 03-09-2012 22:41

Le pessimisme d'un intellectuel et un éminent spécialiste de droit public est le point culminant et révélateur du pessimisme et de la déception de tout un peuple. Qui aurai cru qu'un parti longuement persécuté par le régime précédent songerait une fois au pouvoir à prendra sa revanche ? Pendant que la Tunisie sombre dans une récession économique, des élus payés à 4 mille dinars le mois sont en train de discuter sur le point de savoir s'il faut inscrire la charia dans la constitution. Où va-t-on ? que fait-on pour sauver notre Tunisie ?

fathi - 04-09-2012 13:24

Les Tunisiens ont voté pour le pire ennemi de la liberte et la prosperite. Un pays qui a besoin de tourisme, d'investissements etranger et d'ouverture économique ne peut qu'être détruit par un parti religieux, ignorant et irresponsable.

Mahjoub Amel - 07-09-2012 18:35

C'est le désenchantement, la désillusion et maintenant l'écoeurement qui nous saisissent devant l'obscurantisme, la connerie pour ne dire pas pire de gens qui coupent la religion en 4 pour justifier l'horreur et l'inhumanité de propositions sacrilèges. Au début, moi aussi, je me disais "Ennadha a sans doute des éléments positifs à nous proposer. Laissons les agir, accordons leur le préjugé favorable...". Nous avons dégoupillé une bouteille au contenu démoniaque. Ils sont nuisibles, toxiques... Il n'y a rien d'autre à attendre de pareils incompétents bornés que la misère intellectuelle et économique pour notre pays. Débarrassons nous de cette vermine au plus vite maintenant que nos connaissons leur vrai visage! Ceux qui collaborent avec eux devront un jour, eux aussi, rendre des comptes pour avoir contribué à nous jeter dans le précipice. Pas de doute, en ce sens, Ennadha est prêt à faire faire aux Tunisiens un grand bond en avant!

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