Blogs - 20.11.2008

Charité bien ordonnée commence par soi-même

Depuis l’indépendance, de gros efforts ont été déployés par les municipalités pour honorer les hommes et les femmes qui ont marqué l’histoire de notre pays et de l’humanité en donnant leur nom à des artères de leurs villes respectives.

Cette action qui participe du travail de mémoire engagé par notre pays depuis l’indépendance , pour louable qu’elle soit,  laisse un goût d’inachevé. C’est que de nombreuses artères ont gardé  leur nom initial hérité du protectorat dont les critères de choix ne sont pas forcément les nôtres. Par exemple, j’ai beau cherché dans les manuels d’histoire, je n’y ai trouvé nulle trace de l’apport quelconque d’un Jean Jaurès ou d’une Lucie Faure à notre pays. Le premier, était  l’un des fondateurs du mouvement ouvrier français et a payé de sa vie son hostilité à l’entrée en guerre de la France dans le premier conflit mondial .Quant à Lucie Faure, il semble que son seul mérite est d’avoir été l’épouse de Président du Conseil français, Edgar Faure.
 
 
Que nos rues continuent à porter les noms de grands savants ou de grands hommes d’Etat étrangers qui, par leur savoir ou la pertinence de leurs vues ont bien mérité de l’Humanité ou des personnalités étrangères qui ont rendu service à notre pays, encore que cet hommage doit être proportionnel aux services rendus, cela se conçoit .Mais que l’on garde des noms de départements étrangers ou de personnages obscurs  alors  que  des compatriotes illustres comme Hannibal, Amilcar, Hannon,Térence ou Apulée restent confinés dans des ruelles , quand ils ne sont pas tout simplement ignorés,  est aberrant . Que je sache, l’entrée de la Tunisie dans l’Histoire remonte à la fondation de Carthage, il y a 3000 ans. Une histoire dont nous n’avons pas à rougir, que nous assumons entièrement avec ses heurs et ses malheurs, ses périodes sombres et ses moments d’éclat. Avec ses hommes illustres aussi. Si ces sentiments sont partagés par toute la Communauté nationale, ce dont je ne doute pas un seul instant, il nous faut traduire cette belle unanimité dans les faits et notamment dans les dénominations de nos rues qui constituent, s’agissant  surtout d’une capitale, un raccourci de l’Histoire d’un pays.
 
Rien qu’en traversant une ville comme Paris, on peut avoir une idée de l’Histoire de France. C’est pourquoi, les  artères de notre capitale doivent être représentatives de notre Histoire.
 
 
Trois remarques pour conclure : on se perd en conjectures sur l’absence de réactivité de nos édiles à l’actualité : la Yougoslavie n’existe plus depuis une dizaine d’années alors qu’une importante artère de Tunis porte encore son nom, d’autre part, pourquoi s’évertuer à garder le nom de Lénine alors que toutes les villes et les rues de Russie (sa patrie !) qui portaient son nom ont été débaptisées depuis la chute de l’Union soviétique

Enfin, une remarque à l’attention des édiles de l’Ariana : la plupart des rues d’Ennasr2 portent des noms puisés dans l’Histoire arabe ancienne qui, pour la plupart, n’évoquent rien pour le Tunisien moyen alors qu’il existe des centaines de savants et de jurisconsultes tunisiens méconnus qui mériteraient d’être honorés. Il ne faut pas aller très loin pour les trouver. Il suffit de consulter le livre du grand historien tunisien, H.H. Abdelwahab, «  KITAB EL OMR ».Il contient une liste impressionnante de savants tunisiens qui ont droit à la reconnaissance de leur patrie et dont les noms ne dépareraient pas nos rues.

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9 Commentaires
Les Commentaires
M.M.B.Y - 21-11-2008 10:32

Je vous remercie pour cet article où vous traduisez éloquemment mes pensées et j?espère que vos propositions soient réalisées. En effet, cela va refléter notre identité, maximiser les sentiments de fierté chez nos jeunes et constituer un geste de reconnaissance envers tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, à la construction de ce pays, en plus être aux diapasons des évolutions géopolitiques. M.M.B.Y

Berto TAIEB - 21-11-2008 12:01

bien dit Taoufik ! La Tunisie gagnerait beaucoup à être fière de son passé et de son histoire qui sont si méconnus.Je suis sûr que bon nombre seraient surpris si on leur racontait l\'histoire de la Tunisie, ses origines et ses hauts faits !

Taoufik - 22-11-2008 21:33

Merci, Berto! Toujours aussi attaché à ta Chère Tunisie.Juste une précision, ce blog est posté par mon ami Abdeljélil... qui, d\'ailleurs, apprecie beaucoup ta réaction. Amitiés, Berto.

Hamed Zeghal - 25-11-2008 19:12

J\'ai beaucoup aimé le blog \"Charité bien ordonnée...\" . Je suis né et j\'ai passé toute mon enfance dans une maison située dans une petite rue qui porte le nom de Scipion. Je n\'ai pas tardé à découvrir que celui-ci était le général romain qui a battu notre grand Hannibal. J\'espère qu\'un jour la Municipalité de Sfax redonne à cette rue le nom d\'un Sfaxien qui a participé à la lutte contre le colonialisme.

Mahmoud Abd. - 26-11-2008 17:36

J\'approuve ta lecture. Toutefois, par quel droit moral et historique la Mairie de l\'Ariana - par exemple - se permet de changer les noms accordés depuis des dizaines d\'années, parfois même d\'avant l\'Indépendance, à des artères, grandes et petites, en hommage à d\'illustres personnalités historiques de la Tunisie à l\'instar de la \"Kahenna\" (La Prêtresse\"). N\'était-il pas plus judicieux de ns débarasser des \"Rues numérotées\" en leur accordant des \"noms propres\" de héros de la première comme de le dernière heures ? A bon entendeur, salut ! Mahmoud Nelle Ariana

Abdeljélil - 28-11-2008 12:58

Merci Si Hamed de votre intérêt pour cette rubrique. Le cas que vous citez n?est, malheureusement, pas isolé.Il ya quelques années, il y avait, du côté du quartier Lafayette à Tunis, une rue qui portait le nom de Caton, ce sénateur romain de triste mémoire. Tous ses discours au Sénat se terminaient par cette phrase «Delenda Cartago est», ce qui signifie en bon français, il faut détruire Carthage. Il a fallu attendre la fin des années 70 pour que cette rue change de nom pour devenir rue Hasdrubal. Le peuple tunisien n?est pas chauvin. Depuis Térence, un autre carthaginois illustre, il a fait sienne sa devise « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m?est étranger ».Tous les grands hommes, quelle que soit leur origine, ont droit à sa reconnaissance. Mais cette ouverture d?esprit ne doit pas aller jusqu?à honorer nos ennemis ou à oublier nos hommes illustres.

Christan - 28-11-2008 16:39

Je suis devenu un lecteur régulier du site. J\'ai bien sûr lu le blog: \"Charité bien ordonnée...\".Tu cites Paris en exemple, mais Paris ne serait pas Paris sans le Pont d\'Iéna, de l\'Alma, rue de Liège, rue d\'Amsterdam, rue d\'Athènes, rue de Parme, rue de Constantinople, Avenue Franklin Roosvelt... Enfin tout ce ci me rappelle cette phrase d\'un grand humoriste français (Alphonse Allais, je crois?) qui, en viste à Londres, s\'est exclamé: \"C\'est curieux ici, tous les noms de lieux portent des noms de défaite: Waterloo, Trafalgar Square, etc.\".

S.m - 03-12-2008 15:19

Merci pour cet article.La fin m\'inspire ce commentaire:ce droit à la reconnaissance de la patrie n\'est inscrit nulle part;ni dans notre mémoire ni dans nos comportements ni même dans notre constitution.Nous avons bcp à faire en ce sens.S.M

azza - 15-12-2008 14:49

je trouve que le sujet est très intéressant car il touche directement notre culture et la manière dont nous percevons nos rues, et notre tunisie et la manière avec laquelle on s\'approprie notre espace. En effet, il faut que \"l\'animation urbaine\" exprime notre identité culturelle riche en matière de signes et de symbolisme. c\'est une tâche qui doit être assurée par la collaboration de spécialistes en urbanisme, en architecture et communication. Azza

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