La téléréalité en Tunisie, un mois après: attention aux dérives
Il y a une dizaine d’années, des émissions d’un nouveau genre venues d' Amérique faisaient leur apparition sur les petits écrans européens. Le succès fut immédiat comme cela s’est produit au pays de l’Oncle Sam. En France, M6 qui était au bord de la faillite devint du jour au lendemain, l’une des toutes premières chaînes françaises talonnant de prés l’intouchable TF1 grâce à « Loft Story ». La recette était simple: alors qu’auparavant, les émissions télévisées mettaient en scène quelques « happy Few », des professionnels de la politique ou du spectacle. Avec la téléréalité, "c’est l’humanité qui se regarde vivre. Elle est à la fois actrice et téléspectatrice."
Les pensionnaires du Loft Story étaient tous des citoyens ordinaires, des hommes du peuple, ce qui facilitait d’autant plus l’identification du téléspectateur à eux et par voie de conséquence augmentait les parts d’audience ce qui, in fine, était le but recherché.
Avec le temps, le produit s’est affiné, diversifié, ses adeptes sont devenus plus nombreux. Nos chaînes en font partie, elles s’y sont lancées avec le zèle des nouveaux convertis. Les émissions comme "Loft Story" ou "L’île de la tentation" sont impensables chez nous? Qu'à cela ne tienne. On fera dans le social. Les différends d'ordre familial, les querelles entre voisins, jadis confinés dans la sphère privée ou relevant des tribunaux seront désormais étalés sur la place publique avec comme références « il n’y a que la vérité qui compte » et « sans aucun doute »,deux émissions- phares de TF1.
Aucun détail ne nous sera épargné, seuls les secrets d’alcove font de la résistance mais qui sait, ce dernier verrou finira bien par sauter. Au train où vont les choses, tous les espoirs sont permis. Car qui aurait dit, il y a seulement quelques mois, que des Tunisiens accepteraient de venir sur un plateau de télévision pour laver leur linge sale devant des millions de téléspectateurs. Décidément, la mondialisation, tel un Tsunami, a tout balayé sur son passage y compris la pudeur, "la hechma", valeur-symbole de notre civilisation arabo-musulmane.
Naturellement, ces émissions n'étant pas comme les autres, elles sont confiées généralement à des animateurs-vedettes : de véritables "transformistes", capables de se muer tour à tour en psychologue, juge, médecin, enquêteur qui savent, à l'occasion, être cyniques, n’hésitant pas à déstabiliser leurs invités pour leur soutirer des détails, de préférence, en tout cas suffisamment pour accrocher le téléspectateur. il fallait voir, l’autre jour, l’animateur d’une émission de téléréalité sur l’une de nos chaînes demander à son invité d’être plus explicite sur les raisons de son différend avec sa femme lui suggérant même la réponse. « il n’y a point de pudeur en religion », ne cessait-il de marteler. Pour un peu, il lui soufflait la réponse. Car cela sautait aux yeux : l’animateur tenait à son scoop, mais à sa grande déconvenue, l’invité s’en tiendra à des généralités.
En dehors des parts d’audience qui ont littéralement explosé, ces émissions ont eu-pourquoi nier l'évidence-le mérite de résoudre des différends familiaux, mais à quel prix.
Un ami médecin m’a confié que les rapports médecins- malades sont devenus plus difficiles depuis la diffusion de ces émissions.
Certains patients mécontents du traitement qui leur est administré agitent de plus en plus la menace de porter plainte non pas devant les tribunaux, mais... auprès de Hannibal TV ou de TV7. Il ne s’agit pas de cas isolés. « Au départ, ajoute mon interlocuteur, cela a provoqué des rires ou des haussements d’épaules. Aujourd’hui on rit beaucoup moins. On s’inquiète même, parce que cela traduit une méprise sur le rôle du médecin qui n’est pas tenu à une obligation de résultat.
Tout décès n’est pas dû à une erreur médicale et en tout cas cela ne peut pas être du ressort des avocats, co-animateurs, qui confondent parfois entre prétoire et plateau de télévision. Cela s'apparente parfois à un lynchage médiatique. Ensuite, le caractère répétitif de ce genre d’affaires peut créer une véritable psychose qui n'est dans l'intérêt de personne. En médecine et particulièrement en chirurgie, le risque zéro n’existe pas. Une opération bénigne peut entraîner la mort. Il y a une conjonction de facteurs souvent indépendants de la volonté du médecin ou du chirurgien qui échappent au profane et ne peuvent pas être, mis toujours sur le compte d'une négligence.
En tout cas, la polémique n'en est qu'à ses débuts et risque d'enfler dans les prochaines semaines.
Hèdi
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