Mohamed Salah El Jebri
Un grand palmier aux délicieuses dattes, comme seule l’oasis de Tozeur sait en cultiver et célébrer vient de s’abattre avec la disparition de l’écrivain Mohamed Salah Jebri. A 69 ans, son cœur s’est arrêté de battre en douceur… A mi-mots, il nous quitte, comme il a toujours vécu.
Nouvelliste, romancier, auteur de pièces de théâtre et encyclopédiste, il a enrichi la bibliothèque tunisienne d’une œuvre « poignante ». Son premier roman, « Une journée de Zomra », publié en 1968 avait révélé ses talents de conteur, au verbe soigné et à l’imagination fertile qui sait retenir le lecteur. Aly Laabidi en fera un film remarquable « Redeyef 54 ». Depuis lors, il n’avait cessé de publier à un rythme régulier une œuvre toujours de haute facture. Sa thèse sur Mahmoud Bayrem Ettounsi, son feuilleton Bab El Khoukha, son roman « La Nuit de la décennie » porté à l’écran par Brahim Babay et nombre d’autres monographies avaient suscité l’attention des critiques et valu à l’auteur une réelle consécration.
Du Jérid à l’Alecso, en passant par Bagdad et Alger
Né le 8 février 1940 à Tozeur, il entamera, encore enfant, une longue transhumance qui le conduira d’abord à Redeyef où il poursuivra ses études primaires, puis à Tunis à la Zitouna. Nommé instituteur en 1961, il ne se résignera pas à son sort et partira en 1968 à Bagdad décrocher sa licence en Lettres arabes. De retour à Tunis, en 1971, il reprend l’enseignement, cette fois-ci au secondaire, avant de rejoindre, dès 1973, le ministère des Affaires culturelles, sans, cependant, renoncer à son ambition académique. C’est ainsi qu’il ira soutenir à Alger en 1980, sa thèse de Doctorat.
Avec l’installation de l’Alecso à Tunis, il y fera son entrée en 1979 pour une longue et fructueuse carrière. Chargé de l’édition d’une série d’encyclopédies restituant les biographies des illustres hommes de lettres et de veiller aux différentes publications de l’organisation, il s’attellera à la tâche avec persévérance et talent, réunissant autour de lui un grand nombre de contributeurs sélectionnés de tous les pays arabes. Atteint par l’âge limite de la retraite, il se verra retenu par l’Alecso en qualité d’Expert et ce, à la demande unanime.
Beyrouth, son escale permanente
Sa douceur naturelle, son érudition et son humour raffiné lui avaient fait conquérir d’innombrables amis, partout dans le monde arabe. Pas un seul homme de lettres arabe qui ne lui vouait une réelle amitié. Il fallait le voir submergé d’invitations là où il se rendait et en chevalier des lettres à Beyrouth, sa plaque tournante dans la région.
Au travail, il savait cultiver ses amitiés. Même après son « départ » à la retraite. Tout récemment, il savourait un succulent déjeuner d’amitié, avec un autre ex de l’Alecso qui n’était autre que l’ancien Directeur général, Mongi Bousnina. En société, et malgré sa modestie naturelle, il était la coqueluche des cercles littéraires. En famille, son affection faisait baigner les siens dans le bonheur. Son ami d’enfance et voisin, Salah El Hajja, qu’il ne quittait presque jamais, surtout après le mariage de leurs enfants, témoignera des décennies durant à Assabah, puis Errai et depuis son lancement à Essarih, de son œuvre. Aujourd’hui inconsolable, Salah lui rend un vibrant hommage en re-publiant certains de ces billets.
Mohamed Salah El Jebri demeurera une figure emblématique de la littérature tunisienne que nous gagnons tous à connaître davantage.
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J'ai connu mohamed salah jabri en juillet 1975 au cours d'une mission en Irak. Ce pays venait de conclure à Alger un accord avec l'Iran du Chah Ridha Pahlevi qui lui laissait les mains libres au Kurdistan irakien moyennant des concessions territoriales sur le Chott El Arab.Le gouvernement irakien avait alors invité des centaines de journalistes arabes et étrangers à Baghdad pour fêtet l'évènement. Mohamed Salah qui avait fait ses études supérieures en Irak était comme un poisson dans l'eau. Il connaissait pratiquement tout ce que ce pays comptait comme écrivains et poêtes. Cest qui m'a fait connaître,l'un des plus grands romanciers irakiens, Abderrahmane Errabii qui devait, quelques années plus tard, s'installer en Tunisie. Je lui dois, aussi, d'avoir connu les dessous des rivalités entre les branches irakienne et syrienne du parti Baath et de comprendre un peu plus cet Orient compliqué
Un écrivain légende dans la vie culturelle de la Tunisie.