La leçon de Siliana : Pas de transition démocratique sans transition sociale
Les Les troubles sociaux que nous vivons depuis prés deux ans relèvent de l’impatience des populations des régions déshéritées à voir le gouvernement prendre les mesures de développement économique et social« qu’elles considèrent »répondre à leurs attentes. En cela elles se réfèrent aux objectifs de la Révolution « tels qu’elles les conçoivent », et aux promesses électorales des partis au pouvoir.Ces citoyens ne s’intéresseront à la « transition démocratique » que lorsqu’ils auront aperçu au bout du tunnel, l’espoir que les revendications pour lesquelles ils se sont soulevés sont prises en considération.
Aussi et pour qu’ ils« acceptent d’attendre »,il importe que la politique du gouvernement soit lisible, et convaincante c’est a dire que les solutions proposées soient à même d’améliorer la qualité de la vie. En dehors de cette lisibilité, de cette acceptation, la stabilité sociale, requise par la transition démocratique ne sera pas assurée.
En attendant, pour les salariés , les grèves et les sit-inressemblent fort à des demandes de « répartition forcées et immédiates de revenus », en l’absence d’un programme global de réduction des inégalités qui aurait du être opéré des le lendemain du 14 janvier .Pour leur part les exigences d’accès à l’emploi, et à l’amélioration des conditions de vie notamment par l’acces à l’eau potable, au logement, aux prestations de sante, et de transport correspondent à des demandes de « répartition plus équitables des investissements ». Cette répartition corrective doitautoriser l’espoir d’accéderune vie aussi digne que celle dont bénéficient les habitants des régions côtières. Seul un Plan pluriannuel, pour chacune des régions ,pourrait assurer une certaine équité entre les habitants des 14 régions déshéritées et ceux des autres régions. Le Gouvernement pourra avoir le sentiment d’être sur la bonne voie mais l’important est que les populations aient la même conviction, la même sensation. Ce ne semble pas être toujours le cas.Alors comment procéder ?
1 - Il faudrait d’abord que le discours politique cesse d’être décalé, arrogant et hors sujet.
Les Tunisiens attendent les solutions à leurs problèmes économiques et sociaux ; En reponse on leur propose des débats sur leur identité, sur le statut de la femme, sur le voile à l’universite , les limites à la liberté d’expression , et d’autres problèmes et faux problèmes allant de la cession de la TV nationale , à la contestation de leur foi et à « la protection de la révolution » elle même ….des débats entre juristes et intellectuels de tous bords utilisant des concepts et un vocabulaire inintelligibles pour le commun des mortels. Le tout dans une « langue de bois »que les Tunisiens détestent et considèrent que ceux qui y ont recours les sous-estiment, les méprisent et insultent leur intelligence. En fait, les débats sur les modèles et les stratégies de développement ne les intéressent pas autant qu’ils intéressent les fonctionnaires et techniciens. Il sera aussi difficile de les convaincre de l’insuffisance des ressources financières lorsqu’ils se rendent compte que ces moyens sont ou peuvent être disponibles pour des dépenses qu’ils jugent ni prioritaires ni justifiables.Les citoyens ne sont pas convaincus par des projets conçus et mis en ouvre par l’administration centrale, sans leur participation effective.
2 - La réduction des inégalités devant la qualité de la vie.
Nous prenons aujourd’hui conscience de la profondeur de la fracture sociale et régionale qui marque le pays au point qu’il s’agit aujourd’hui :
• D’assurer l’accès à l’eau potable de toutes les populationsqui n’y ont pasencore accès.Des Tunisiens sont parfois réduits à disputer à leurs bêtes l’eau disponible. Cela est intolérable. Il est inexact de prétendre que 95 % de la population est alimentée en eau potable et quand bien même cela serait exact, les autres 5% correspondraient à 500 000 Tunisiens ! Il est urgent d’intervenir, dans le cadre d’un programme pluriannuel surtout que le problème de l’eau qui se pose déjà avec acuité dans certaines régions risque de s’aggraver dangereusement au niveau national à la moindre sécheresse.
• De réhabiliter l’infrastructure et les prestations des services de santé publique. Il suffira de rappeler à ce niveau que dans les gouvernorats de Kasserine et de Sidi Bouzid, on ne compte qu’un médecin pour 2.200 habitants contre une moyenne nationale d’un médecin pour 812 habitants et un médecin pour 521 habitants à Sousse !
• De réhabiliter l’infrastructure du système éducatifet d’annoncer les orientations proposées pour la reforme du système éducatif afin de rendre les conditions de travail décentes et de préparer les jeunes à la vie moderne.
• De développer l’habitat pour les catégories mal logées ou sans logement et qui n’ont pas les moyens de s’en procurer !
La leçon à retenir de ce qui précède est que ces projets de « rattrapage, » sont prioritaires ,urgents .Ils sont importants en termes d’investissements, mais ils sont aussi créateurs d’emplois locaux, s’ils sont réalisés par des entreprises locales ou régionales existantes ou à créer. Ils sont par ailleurs générateurs d’un sentiment d’équité sociale, et en définitive d’une certaine assurance contre l’instabilité .Ils constituent à notre sens le premier chapitre de tout programme de développement. C’est une approche pragmatique simple et qui ne requiert ni des compétences exceptionnelles ni des experts internationaux !
3 - Le budget de l’exercice 2013 doit tenir compte de ces revendications « sociales » qui ont tendance a être présentées, à tord, comme des revendications politiques.
A défaut de les prendre en considération ils seront effectivement politiques. C ‘est la principale leçon des évènements de Siliana
4 - Enfin La « prospérité » n’est pas que création de richesses.
C’est une plante qui ne s’épanouit que dans les sols fertiles. En dehors d’une équité fertilisante, le développement sera immanquablement caricatural et contesté et au final interrompu à un moment ou à un autre par l’instabilité. Les vraies batailles à engager contre la corruption, le régionalisme et le favoritisme base sur l’appartenance politique revêtent une grande importance. Jamais en effet un pays où prévalent ces fléaux n’a pu se hisser au niveau des pays développés ni bénéficier du respect des autres nations.Que ce soit pour Siliana ou pour d’autres régions, les budgets des l’exercice 2013 et suivants devraient tenir compte de ce besoin de transitionsociale, et de réduction des inégalités, comme préalable à la transition démocratique.
Noureddine Ketari
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Une analyse très juste . Une application sera fructueuse pour le pays.