L'identité tunisienne en danger d'usurpation
Caché sous les apparences festives du forum social mondial qui s’est tenu à Tunis du 27 au 30 mars, un malaise latent dominait l’ambiance : le cœur n’y était pas.Comment oublier en l’espace de trois jours les drames que vit notre pays? En effet, depuis l’assassinat odieux du militant et martyr de la nation Chokri Belaid, le paysage politique tunisien s’est davantage assombri . Cette voix qui n’a cessé de prévenir du danger que courait le pays,continue de résonner plus que jamais dans les têtes de tous les Tunisiens et à faire redoubler l’inquiétude des plus optimistes d’entre eux .
La débâcle sociale et politique se concrétise telle que Belaid l’avait prédit et elle s’amplifie de jour en jour sur le terrain d’une Tunisie qui n’est plus, ni douce, ni pacifique et encore moins sereine.
Deux ans après la révolution, on aura tout vu,tout entendu, tout subi. Du viol (au sens propre et figuré) de notre identité et de notre territoire au vol de notre dignité et intégrité jusqu au déni de notre propre histoire et des grands hommes qui en font partie: pas de commémoration de la fête de l’indépendance ou très timidement, dénigrement du grand bâtisseur que fut Bourguiba,un nom que les membres d’Ennahdha répugnent à prononcer. De plus, une proposition de loi d’immunisation de la révolution visant à écarter tous ceux qui pourraient constituer un danger quelconque pour le parti Ennahdha aux prochaines élections est sur le point d’être adoptée et ce, peu importe qui en sera exclu: personnes intègres ou pas, compétentes ou pas... En revanche, on invente une vertu pour les personnes au passé “douteux” qui feraient «le bon choix» en adhérant à Ennahdha ou pour chaque personne dont on aurait besoin de ses services.
Depuis le retour des islamistes dans notre pays, la joie et la bonne humeur ont déserté nos villes et nos foyers.Un spectacle affligeant, des comportements et des accoutrements étranges de plus en plus nombreux envahissent nos rues qui ont carrément changé de couleur. La violence est partout présente, même les enfants ne sont pas épargnés. Une nouvelle catégorie de Tunisiens peu respectueux de nos vraies valeurs est prête à tout pour détruire trois mille ans d’histoire et s’approprier le destin de notre peuple pour le conduire dans les méandres de la violence et de l’ignorance.
C’est tout simplement le début annonciateur de la décadence d’une nation soumise à une nouvelle dictature pire que celle qu’elle a connue, car se servant de la religion comme moyen de pression d’une part , et présageant l’effondrement de l’Etat d’autre part.
Comment les Tunisiens éclairés pourraient-ils faire faceà autant de machiavélisme? Parviendraient-ils à rallumer la flamme qui a illuminé notre pays pendant des siècles et revenir à nos fondamentaux?
Certes, une opposition nombreuse et courageuse, quoi qu’on en dise et qu’on en pense, se démène aussi bien dans l’hémicycle de l’ANC,qu'en dehors. Oui, les partis de l’opposition,la société civile, la LTDH, l’UGTT, ainsi que les militants indépendants et les militantes de tous bords sont omniprésents pour mettre à nu et informer le peuple de tout ce qui se trame contre lui et pour mener des actions visant à faire revenir les décideurs sur des choix discutables et partisans. Mais leurs efforts et leur courage sont toujours minimisés et critiques, ce qui est inadmissible. La solidarité n’est pas encore au rendez- vous des démocrates. Combien nous faudra-il de temps encore pour comprendre que pour abattre la BÊTE, toutes les forces doivent s’unir? Le peuple lui aussi a besoin de mûrir et de rompre avec les critiques stériles contre une opposition que l’on doit encourager et non détruire. Ce sont des hommes et des femmes qui luttent quotidiennement au détriment de leur vie de famille, de leur vie professionnelle,de leur santé. Alors de grâce, arrêtons de leur saper le moral à partir de nos canapés et de nos écrans d’ordinateurs.
La jeunesse, quant à elle, n’est pas en reste; elle souffre elle aussi d’un autre mal, le “mal-être”. Dans les familles, les enfants regardent intrigués la mine triste de leurs parents, et les adolescents inquiets se posent des questions sur leur avenir incertain et les choix qui leur restent à faire : se faire pousser la barbe et partir au Jihad , prendre le large sur des rafiots qui les mènent vers la mort plus que vers la fortune, ou encore s’immoler. Au bout du compte et dans les trois cas de figures, la délivrance par la mort est la seule issue. Voilà ce que vit la jeunesse tunisienne,le désespoir dans toute son horreur.
Quant à ceux parmi nos jeunes qui rêvent de défendre les principes de liberté et de démocratie,des valeurs qui sont en passe de ne presque plus avoir droit de cité dans notre pays, ceux-là risquent de voir s’abattre sur eux la foudre de tous ceux qui ont pris le pays en otage et qui s’apprêtent à les exécuter pour violation du sacré et de la charia. Leur détermination résistera –t- elle longtemps face à de telles intimidations?
Entre temps le parti au pouvoir se renforce,s’organise pour s’emparer définitivement du pays pour les années à venir . Ainsi il pourra à sa guise défigurer notre société,détruire son identité et en faire un Etat wahhabite à la solde de ceux qui, depuis des années, complotent et rêvent de détruire le plus beau pays musulman où il faisait si bon vivre. Espérons que le peuple tunisien ne se laissera pas faire.
L.M.
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La question est : par quels moyens nous en sortir? Comment pourrait on reconstruire le pays aprés ces effondrements successifs et ces surendettements cumulés? Est on conscients de l'état délabré du pays? D'aucuns ont choisi de changercarrément de pays, d'autres comme moi luttent et cherchent des solutions, mais sans solidarité entre nous, nous n'y arriverons jamais. Mohamed G.