Une feuille de route pour l'ajustement structurel de l'économie tunisienne : La sécurité en est la clé de voûte
Le retard pris dans la mise en place des réformes structurelles (investissements publics, décentralisation, modernisation de l’école et de la formation professionnelle, etc.), les hésitations au niveau des choix des politiques conjoncturelles et la montée extraordinaire de l’insécurité se sont traduits, à la fois :
• Par une dégradation des indicateurs macroéconomiques : dettes publiques excessive, de près de 32 milliards de dinars ce qui correspond à 48% de notre PIB ; déficit commercial de 8.813 millions de dinars non compensé par la balance des services ou les revenus des capitaux, ce qui signifie que la Tunisie s’endette auprès d’agents étrangers ; inflation galopante (6,5%) ; chômage (17,6%), croissance (3,6% en 2012), etc.
• Mais aussi par l’installation d’une détresse sociale terrible. L’attentat terroriste commis sauvagement contre notre camarade Chokri Belaïd n’a fait qu’aggraver la situation en précipitant le pays dans une crise politique sans précédent.
Il est urgent donc de mettre en place une feuille de route capable de répondre aux demandes les plus pressantes mais aussi de concevoir et de mettre en place les réformes et les orientations futures, pour au moins les cinq ans à venir, afin de redonner confiance aux ménages et aux investisseurs Tunisiens mais aussi étrangers. Il va falloir soutenir la demande tout en stimulant l’offre. La confiance dans l’avenir est la clé de voûte de toute nouvelle impulsion, dynamique, économique. Il n’y pas de croissance sans sécurité.
Les propos qui vont suivre s’articulerons autour de trois axes fondamentaux, qui sont indissociables : En premier lieu, nous verrons l’impératif de la sécurité ; nous montrerons ensuite la nécessité d’une politique budgétaire contrôlée car les dépenses excessives engendrent l’endettement et les coupes austères compromettent la reprise.
1/ La clé de voûte : La sécurité
Nous ne pouvons envisager l’impulsion d’une dynamique économique sans l’assurance de la sécurité des biens et des personnes. La sécurité est une aspiration inhérente à l’être humain que l’on retrouve dans toutes les sociétés. Le schéma ci-après illustre les mécanismes et les liens entre l’insécurité économique et l’insécurité politique.
Ainsi, la consommation et l’investissement en temps de crise peuvent être différés, voire annulés, à cause d’une part, de l’appréhension de l’avenir par les ménages et, d’autre part, des anticipations pessimistes des entrepreneurs. La baisse de la demande effective (demande globale : consommations et investissements) se traduit, selon toute logique, par une baisse de la production qui a comme corollaire une dégradation du marché de l’emploi.
Aussi, la montée du salariat dans notre société a fait du travail le facteur d’intégration par excellence, caractéristique d’ailleurs, des sociétés contemporaines. Aujourd’hui, le travail est vécu en Tunisie comme moyen de subsistance pourvoyeur d’un statut et de protection sociale. Il est également pensé comme source d’épanouissement personnel et d’expression de soi. Dans ces conditions une perte d’emploi pourrait engendrer des conséquences stratégiques sur le plan personnel et familial. Un chômage de masse aurait des retombées dramatique à l’échelle nationale. L’absence d’une politique économique claire qui vise à réduire le chômage et à améliorer l’employabilité des demandeurs d’emploi pourrait précipiter le pays, dans le cas où l’autorité de l’Etat est discréditée –hélas, c’est notre cas-, dans des conflits terribles. Si ces conflits sociaux sont alimentés par des tensions d’ordre ethnique et/ou religieux le pays pourrait basculer vers l’inconnu.
2/ Une politique budgétaire contrôlée : Les dépenses excessives engendrent l’endettement et les coupes austères compromettent la reprise
La dette publique tunisienne représente aujourd’hui près 48% de son PIB : la question de sa « soutenabilité » devrait inquiéter les autorités publiques. Envisager encore l’endettement comme seul moyen de financement est franchement irresponsable. Il faut, sans tarder, améliorer la structure des recettes fiscales et des dépenses.
2.1/ La structure des recettes fiscales :
Il convient de repenser notre structure des recettes fiscales et surtout d’inventer de nouvelles recettes fiscales. En ce sens, nous proposons 4 pistes nouvelles de prélèvements fiscaux ; ces nouvelles recettes pourraient se traduire par une amélioration significative du solde budgétaire sans dégrader pour autant le pouvoir d’achat de nos concitoyens ou la compétitivité de nos entreprises :
- La création d’un impôt de solidarité sur la fortune : la France a mis en place ce dispositif en 1988. Il s’agit d’un impôt annuel calculé sur l’ensemble du patrimoine des ménages (lorsque le patrimoine dépasse un certain seuil). L’assiette de l’impôt intègre la résidence principale, l’ensemble des actifs mais il exclut l’outil de travail (l’entreprise d’un entrepreneur).
- L’instauration d’un timbre fiscale de 20 dinars (10 euros) par visiteur pour les touristes occidentaux. On peut appeler ce timbre, par exemple : « Protection de l’Environnement et Développement Urbanistique » (PEDU). Concrètement, si nous tablons sur 8 millions de visiteurs, nombre de touristes en 2010, la recette totale d’une telle taxe serait de l’ordre 160 millions de dinars par an. Il est intéressant au même temps de savoir que le budget du projet (2010 – 2014) d'assainissement de 1004 quartiers habités par 1,5 million de personnes est de 240 millions de dinars. Voilà donc une recette supplémentaire qui pourrait être affectée à ce type de travaux pour améliorer la qualité de vie de nos compatriote et lutter par la même contre propagation de la pauvreté.
- Soumettre les bénéfices réalisés par les entreprises non-résidentes à l’impôt sur les sociétés au même titre que les entreprises résidentes. Ainsi, la Tunisie pourrait trouver une manne financière assez conséquente pour payer au moins une partie des intérêts de notre dette. D’après le 53éme rapport annuel de la Banque Centrale, page 59, les Dépenses des revenus de facteurs et des transferts courants en 2011 étaient de 3,5 milliards de dinars dont 804,1 millions au titre des intérêts de la dette à moyen et long termes. Les 2,7 milliards sont, en gros, les bénéfices réalisés par les firmes étrangères et rapatriés dans leur pays d’origine sans imposition, du moins pour les entreprises offshore. Si on taxait ces transferts seulement à hauteur de 20%, on obtient une enveloppe qui pourrait couvrir une large partie des intérêts versés : Pour l’année 2011, on aurait obtenu 540 millions ce qui correspond à 67% des 804,1 millions d’intérêts versés !
- Augmenter les impôts locaux tout en les indexant sur le niveau des revenus de telle manière que les familles les plus modestes auraient à payer une contribution symbolique et les familles les plus aisées contribueraient à la hauteur de la qualité de leur résidence et de leur revenus.
2.2/ La structure des dépenses :
Il faudrait limiter les recrutements dans la fonction publique. L’Etat tunisien ne devrait remplacer, dans les 10 prochaines années, que deux départs à la retraite sur trois. Les salaires des fonctionnaires devraient être gelés pour les 5 prochaines années. Il faut également envisager la modernisation constante de l’administration publique, vu l’évolution extrêmement rapide du progrès technique et des nouveaux outils de télécommunication.
Ainsi, l’argent récolté, grâce à la réforme fiscale et la restructuration de la fonction publique, pourrait être investi dans le cadre un grand programme d’infrastructure (routes, hôpitaux, universités,…) ainsi que des projets rentables à moyen et long terme.
Pour finir, j’insiste sur l’obligation de confier les travaux à des entreprises tunisiennes tout en leur fixant l’obligation d’utiliser, dans la mesure du possible, que des produits et des matériaux locaux.
Ezzeddine Ben Hamida
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Sans la sécurité et la paix civile, il n'y aura jamais de progrès en Tunisie, aucun investisseur n'osera s'aventurer dans ce pays.