A 83 ans, Abdelkader Zghal adhère à Nidaa Tounès «pour ne pas mourir idiot»
A 83 ans, Abdelkader Zghal, Sociologue de renom a décidé d'adhérer à Nidaa Tounès «pour ne pas mourir idiot», explique t-il à son ami, Zied Krichen, directeur de la rédaction du journal «El Maghreb» dans une lettre qu'il lui a adressée. Notre confrère en a publié le texte en langue arabe dans son édition du mercredi 29 mai. Nous vous proposons ci-après la lettre dans sa version française.
Cher ????? ,
Tu as essayé, à plusieurs reprises, au cours des trois dernières années, d’avoir une interview sans thèmes de débats précis. J’ai refusé systématiquement parce que cette pratique était contre ma religion. Ce n’est pas, donc, de ma faute si tu es, aujourd’hui le meilleur connaisseur de la cuisine politique des salafistes tunisiens : ( les anciens, les nouveaux, et les post).
Mon message porte sur la co-occurence entre mes 83 ans et l’émergence, pour la première fois dans la Tunisie contemporaine qui remonte aux réformes ottomanes, d’une demande populaire de restructuration de l’espace tunisien dans une entité extra-territoriale. Nous n’avons pas connu ce genre de demande avec la dissidence youssefiste.
Que faire lorsqu’on a 83 ans et lorsqu’on n’est pas formaté pour jouer un rôle politique?
Je n’ai pas fréquenté beaucoup d’entrepreneurs économiques. J’admire leurs qualités spécifiques à jouer le rôle d’entrepreneurs économiques. J’ai connu, par contre, des entrepreneurs politiques, au début des années 70 du siècle dernier dans le cadre de ma responsabilité de premier secrétaire général du syndicat de l’enseignement supérieur. Ce poste était trop proche de celui du secrétaire général de l’UGTT Habib ACHOUR . J’ai quitté, doucement, sans discours, pour laisser la place à de véritables entrepreneurs politiques.
L’entrepreneur politique est, avant tout, une passion qui pourrait se transformer en un projet. Mes meilleurs amis sont des intellectuels qui sont, avant tout, des entrepreneurs politiques. Rached Ghannouchi est probablement l’entrepreneur politique le plus performant.
Les autres entrepreneurs politiques se situent à un autre niveau : celui des candidats qui cherchent à occuper une place stratégique au sein de l’appareil . C’est normal et c’est logique.
--La conclusion qu’on a retiré de ce constat au cours de mon dernier anniversaire (5 mai 2012) est que l’Islam politique a constitué un pôle de confrontation avec les autres partenaires politiques. Il n’a trouvé que le vide et des offres de services selon le modèle de la Troika
Mon dernier anniversaire était, donc, triste.
La mutation a eu lieu le 13 août 2012
Tout le monde était au courant des raisons de la Manifestation. Ghannouchi a déjà déclaré qu’il ne revendiquait pas le recours au concept de Chariaa dans la rédaction des articles de la nouvelle constitution. Mais les militants islamistes de l’Assemblée Constituante ont tout essayé pour islamiser certains articles de la Constitution, comme par exemple le principe de la complémentarité entre hommes et femmes.
La nuit de 13 août 2012 est l’illustration de ce que Mahmoud Ben Romdhane a désigné par l’expression « le surgissement de l’impensable », pour dire que des événements importants surgissent sans avoir été annoncés par des recherches académiques, qui n’étaient pas intellectuellement outillées pour penser des événements aussi importants que la manifestation du 13 août et l’émergence de Nida Tounes
Nous reconnaissons, aujourd’hui, que cette manifestation du 13 août a changé les rapports de force idéologique entre islamistes et modernistes.
Je ne cherche pas, dans le contexte post 13 août à remonter aux raisons de l’émergence de la demande salafiste . Cette tâche est laissée à la nouvelle génération de chercheurs qui est plus compétente que la nôtre.
Que faire de notre point de vue de retraité qui ne voudrait pas mourir idiot ?
Ce texte est adressé aux lecteurs de ce journal qui représentent des points de vue très différents de l’opinion publique. Je dirais à ces lecteurs que l’enjeu n’est plus entre salafistes locaux et modernistes locaux, avec le rôle central accordé à l’organisation syndicale dans la gestion du consensus.
L’enjeu est la décision prise par la direction politique du parti d’Ennahdha de ne jamais procéder à un débat public entre islamistes et non islamistes sur les définitions entre le religieux et le politique. Nous avons constaté que la direction du parti Ennahdha a pris l’habitude de reculer lorsque la pression était forte.
On peut dire qu’Ennahdha cherche à sacrifier ses discours nostalgiques pour la sauvegarde de sa structure
Ma démarche, isolée et un peu nostalgique, inscrit mon projet de ne pas mourir idiot, dans ma décision spectaculaire de m’inscrire dans le cadre de Nida Tounes.
L’enjeu, a, dans une large mesure, échappé, aux bricolages des acteurs locaux. Nous attendons, modestement et efficacement, l’impossible, c'est-à-dire le surgissement de l’impensable.
Je dois conclure que ce texte est rédigé le jeudi 23 mai 2013 pour encourager Hella à s’engager dans Nida Tounes.
Abdelkader Zghal
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Mes hommages et toute mon amitié à ce grand Monsieur.
Il n'a pas d'age pour prendre une grande décision . C'est son choix et je l'encourage
Merci Monsieur Abdelkader, bientôt nous serons plus de 6 millions d'adhérents à NIDA TOUNES, les Tunisiens commencent à faire le bon choix.
Je m'engage de ce pas cher oncle! le coeur y est déjà depuis longtemps.