Opinions - 26.07.2013
Manifester, c'est bien, mais un sursaut national doit, enfin, voir le jour
Le lâche assassinat qui a visé Mohamed Brahmi a été perpétré le 25 juillet à l’heure où les Tunisiens fêtaient la République. La République ! Cette institution haïe par les rétrogrades qui vouent aux gémonies l’œuvre de Tahar Haddad, de Bourguiba et tous les esprits éclairés de la Zitouna, de Sadiki et de la Khaldounia ainsi que le code du statut personnel qui abolit le divorce par les « trois harams » et prohibe le mariage des petites filles…, ce code qui permet à l’officier d’état civil d’unir les couples.
Traitant de cet odieux assassinat politique, Carlotta Gall écrit (The New York Times, 25 juillet 2013) : « Les membres d’Ennahda - y compris des ministres et le leader du parti, Rachèd al Ghannouchi - ont minimisé les signes d’extrémisme violent et encouragé leurs supporters à s’engager dans le processus démocratique. Il n’en demeure pas moins que parmi ces derniers, on trouve des milliers d’hommes ayant une expérience de la guérilla soit en Afghanistan avec les Talibans et al Qaïda ou dans l’Algérie voisine. » Ce sont là en fait « les enfants » - pas si innocents que çà - qui rappellent sa jeunesse lointaine à un certain ayatollah en chef et échappent comme par miracle aux foudres de la justice! Une chance qui fait défaut aux rappeurs et aux « blasphémateurs » !
A travers le martyr de Mohamed Brahmi, c’est toute la structure politique du pays ainsi que son mode de vie qui sont visés par les quatorze balles des tueurs en scooter. Ces vils personnages et leurs lâches commanditaires veulent faire avorter tout ce que porte comme libération et espoirs la Révolution tunisienne ; cette Révolution qui a inspiré non seulement les Arabes, mais aussi les Indignés de New York à Madrid et d’Athènes à Tel Aviv. George R. Trumbull IV, professeur d’histoire à Darmouth College - la prestigieuse Université du New Hampshire aux Etats Unis - affirme que le meurtre de Mohamed Brahmi constitue « une attaque des institutions démocratiques. Il a le potentiel de diviser la Tunisie en deux pôles l’un purement séculier et l’autre purement islamiste. Il peut en outre aliéner les supporters islamistes engagés actuellement dans le processus démocratique. »
Le ministre de l’Intérieur a donné vendredi les noms de ces gibiers de potence, mais il importe surtout de connaître les noms de ceux qui ont armé ces bras serviles car, à lire leur pedigree, ils ne sont que des gladiateurs – doués seulement d’une moelle épinière et dénués d’encéphale - dressés à obéir aux ordres. Ce qu’il faut maintenant au peuple et à la justice, c’est l’identité des planificateurs, des donneurs d’ordre et surtout leurs ressorts politiques.
L’enterrement de Chokri Belaïd a donné lieu à une communion nationale totale. Un pays entier l’a accompagné au Jellaz. Aussi loin que remonte le souvenir, on ne retrouve une telle ferveur dans le pays que pour le martyr de Farhat Hachèd et pour le retour d’exil du leader Habib Bourguiba le 1er juin 1955.
L’assassinat de Farhat par la Main Rouge a élevé l’UGGT au pinacle et en a fait un acteur incontournable de la vie nationale et un exemple pour tout le continent africain. Le retour de Bourguiba l’a définitivement accrédité – ainsi que le Néo Destour - comme le représentant légitime du peuple tunisien pour conduire les négociations avec le colonisateur.
Les terribles tragédies que notre peuple vient de vivre avec ces assassinats politiques à répétition mettent à l’épreuve sa vigueur, son sens patriotique, son unité autour des valeurs de la République et des droits de l’homme. Face à ces meurtres politiques, il faut espérer que ces drames conduisent à un salutaire et constructif sursaut politique. Il faut insuffler une nouvelle idée de la Tunisie du XXIème siècle: d’accord avec les réalisations emblématiques du bourguibisme (école, statut de la femme, république..) mais un nouvel élan est nécessaire, un élan comparable à celui qui a présidé à la chute de Ben Ali et des siens, un élan comparable à celui des femmes de Mahdia offrant leurs bijoux au Néo- Destour lors de la lutte nationale, un élan comparable à celui des Tunisiens offrant leur poitrine au napalm à Bizerte, en juillet 1961, pour libérer le pays des troupes de de Gaulle . Les jeunes, les femmes, nos compatriotes des zones si longtemps oubliées ont été écartés par ceux qui accaparent le pouvoir - rien que le pouvoir - et veulent goûter aux mets enivrants qui ont si longtemps chatouillé – en toute illégalité - les papilles des Trabelsi et les bandits du même acabit. Il nous faut réinventer la démocratie, permettre aux jeunes, aux femmes, aux sans-voix, aux créateurs de s’impliquer pleinement dans la marche de cette Tunisie nouvelle pour laquelle ils ont tant donné et qu’on leur a confisquée. Pour eux, il faut réaliser de grands projets de structures, sociaux, culturels… avec des effets concrets, palpables et durables. Cela est nécessaire pour éviter de faire couler le sang des Tunisiens comme nous le prédit, lugubre, M.Sahbi Atig, chef de file des députés nahdaouis à l’ANC.
En fait, il faut à la Tunisie un gouvernement capable de catalyser et d’accompagner efficacement un tel sursaut et de tels projets. Il faut à la Tunisie des institutions en mesure de concrétiser les espoirs des révolutionnaires.
Manifester est bien mais il faut enfin que les mobilisations et « l’extase pathétique » débouchent sur le vécu des Tunisiens. Il faut que les masses, « ces groupes de fusion » chers à Jean-Paul Sartre, transforment radicalement le cours des choses. Le philosophe Slavoj Zizek affirme : « Les récents mouvements de masse dont nous avons été spectateurs, aussi bien ceux de la place Tahrir qu’à Athènes… ressemblent pour moi à une extase pathétique. Ce qui m’importe le plus, c’est le jour d’après, le matin qui vient… La difficulté majeure réside dans ce moment crucial où les choses retournent à leur état normal, quand la vie quotidienne repart.… Le succès de ces grands mouvements extatiques doit être évalué sur la base de ce qu’il en reste une fois qu’ils sont passés…. » (L’Humanité, 26 juillet 2013, p. 18-19)
Dans ce but, la classe politique doit tenir compte de l’intérêt national et cesser de ne raisonner qu’en fonction des prochaines élections, des prébendes et des postes juteux.
Arrêtons les égoïsmes, les egos démesurés et les guerres picrocholines des petits chefs pour couper l’herbe sous les pieds des rétrogrades, de ceux qui veulent imposer leurs visées autoritaires par le fil de l’épée et terroriser nos compatriotes avec un seul but : abattre cet Etat qu’ont construit Hannibal, Kheir Eddine, Moncef Bey et Bourguiba.
Ce faisant le martyr des Naghd, des Belaid et des Brahmi n’aura pas été vain. Leur mémoire, de toute façon, habite pour toujours nos cœurs car nous mesurons à sa juste valeur leur sacrifice pour cette Nation qu’on tente vainement de mettre à genoux.
Mohamed Larbi Bouguerra
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Les Commentaires
sihem - 27-07-2013 18:45
des visages qui ne ratent aucune occasion pour manifester.heureusement qu'il y'a photo
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