LA LIBERTE FAITE FEMME !
« Je n’ai pas peur…Que je sois gardée en prison pour longtemps, cela m’importe pas. Je ne suis pas folle, je suis libre. Je suis derrière les barreaux mais, je me sens plus libre que beaucoup de gens qui sont à l’extérieur. Etre derrière les barreaux n’est pas plus dur que d’être à l’extérieur à regarder la dictature religieuse qui s’empare du pays. » Amina Seboui (19 ans)
Nous avions vécu pendant 23 ans sous une chape de plomb de dictature ploutocratique, nourris dans une cage grandeur-nature à l’extérieur de nous-mêmes, derrière des barreaux plaqués-or. Du toc. Nous n’en étions pas fiers, jusqu’ au jour où de jeunes garçons gominés ; des filles en Jeans taille-basse prétendus écervelés, techno-maniaques sont venues nous libérer de nous- mêmes, quadra, quinqua grisonnants, empotés, bedonnants, encroutés, avachis dans notre confort petit bourgeois, dans notre résignation austère de pauvres gens fatigués de la misère morale, souvent matérielle. Que leur avions-nous offert pour toute reconnaissance à eux qui ont retourné des siècles de soumission ? Une Troïka hors d’âge, une théocratie anachronique, une vision surannée d’un avenir qui n’est pas le leur. Amina en avait fait partie ; cette petite de 19 ans qui a subi tous les outrages, des policiers, des mâles nahdhaouis et, surtout des femmes dites progressistes qui comme un seul homme, hommes avec « H » , parfois munis de barbes et de haches, se sont levées pour invectiver cette folle, cette écervelée " Exhibo" qui ne les représente pas. L’a-t-elle proclamé Amina ? Jamais. Elle avait juste dit NON à la dictature, avec ses faibles moyens, avec ses seins, quand d’autres primates à pilosité ostentatoire ne cessent de nous montrer au quotidien, jusqu’ à la nausée leurs attributs de mâles dominants, de vrais « Fhal » qui, pendant des siècles se sont courbés devant plus « couillus » qu’eux. Qui est plus libre ? Amina dans sa geôle pour crime de tag et d’atteinte à la pudeur ( !) où, les mères et pères-la- pudeur qui n’ont jamais eu honte de rejoindre les arguments des prédicateurs misogynes promoteurs de la pédophilie, des escaladeurs d’horloge à remonter le temps. Qui devrait baisser les yeux ?
Amina est aujourd’hui libre, plus libre que libre, affranchie de milliers d’années de soumission à la domination masculine ni, juste ni, justifiée. Elle était libre dans sa geôle, elle l’est plus dehors, ceux qui l’ont insultée, injuriée, jetée aux gémonies qu’ils lui demandent pardon. Amina fait partie de cette Tunisie que vous êtes en train de faire aux abords du Bardo, la même Tunisie que le sang de nos martyrs vient d’irriguer, Nagth, Belaîd, Brahmi, nos soldats, ses jeunes éborgnés de Siliana, de cet homme exécuté par une bombe lacrymogène à bout portant ! Les larmes de crocodiles n’émouvront jamais les reptiles qui rampent par nature. Levez-vous ! Indignez-vous !
Les signes de la déroute d Ennahdha sont criants, surtout cyrards, l’échec de son projet latent de renvoyer les femmes au rang subalterne, de complémentaires à la barbe et à la toute « impuissance » sont désormais patents. Le dessein est bientôt mort-né, parce que la Tunisie n’enfante pas quand elle a été violée, elle n’a donné des enfants qu’avec amour et consentement, elle a engendré des millions de femmes libres qui lui prennent la main à cette vieille Efrikia de 3000 ans. Des femmes qui ont présidé au destin civilisationnel de ce petit bout de terre : Alyssa, El Kahina, Aziza Othmana, Saida El Mannoubia, la Tunisie n’a pas fini d’engendrer. Comptez le nombre de femmes tous les soirs devant le Bardo, vous serez convaincus que ce pays ne se " sommalisera" pas - en dépit de la menace de Mr Atig-, il ne peut que se sublimer avec sa tunsianité féminine. Osons ce terme : Tunsianité. La Oumma Tounsia , Oummi, « Ma mère » tunisienne existe, la mère patrie. Notre singularité participe de l’universalité des droits des femmes comme des hommes à vivre libres, leur droit de choisir leurs représentants politiques, leur droit de se tromper, leur droit de révoquer ceux qui n’ont pas été à la hauteur de la confiance qu’on leur a fait.
Elles sont sorties les filles d’Alyssa, par milliers, le 4 aout, armées de leur « déficit de raison et de religion (!)» comme disent les « fatawalogues » à la petite semaine, en marche pacifique , belles, fières, résolues, déterminées de ne pas se laisser tondre comme des brebis, de ne pas se laisser exciser par les esthètes de la mutilation. Elles n’ont pas été intimidées par les convois de cars rameutés de tout le pays pour faire allégeance au conquérant de la Kasba, qu’il a confondu avec la Kaâba, prophète de la nouvelle culture de l’assassinat perpétré par ses enfants qui lui rappellent sa jeunesse.
Elles s’appellent Besma, Amina, Dalila, Olfa, Radhia, Aziza, Mannoubia ; Leila, Douja, Raja, Hela, Chiraz, Wafa, Aziza, Hallouma, Faten, Sarra, Kheîra, Neîla, …des petites filles d’Alyssa, ……des milliers, des centaines de milliers de ces figures d’illustres inconnues préfigurent la liberté dite femme. La Liberté des hommes est inconcevable dans un pays où la femme est soumise aux diktats des hommes, même si elles donnent l’air d’être d’accord. Un esclave satisfait de sa position dégradante ne donne pas raison à l’injustice. La discrimination demeure absolument inacceptable. Je cite des prénoms volontiers parce qu’elles existent, s’autodéterminent désormais indépendamment de la filiation patriarcale qui n’a pas toujours été de bonne sagesse masculine.
Elles étaient venues, elles étaient toutes là, de partout, d’origines sociales différentes, d’accents, de régions aussi bien éloignées que de la Marsa à Mezzouna. Elles étaient venues en bus, en voiture, en train sans rétribution. Elles ont volontiers payé le déplacement. La monnaie sonnante et trébuchante qu’a distribuée Ennahdha sous le burnous à de pauvres gens soumis à la misère n’était pas la monnaie courante du sit-in du Bardo. Cette monnaie de singe qui humilie bien plus celui qui la distribue que celui qui l’accepte. Ne les accablons pas nos compatriotes qui ont entendu la parole des bonimenteurs marchands de sable, diseurs de mauvaise aventure. La misère est très mauvaise conseillère. Au Bardo, les femmes étaient là, présentes "surreprésentées" parce qu’elles ont plus à perdre dans une théocratie misogyne. Si quelques brebis égarées ont écouté l’appel du Prophète de l’apocalypse, celui-là même qui prit la kasbah pour la Mecque, celui-là même qui a été reçu à l’aéroport par une chanson dédiée à Mohamed, il n’a pas hésité de se prendre pour ce qu’il ne sera jamais, l’homme politique, le stratège, le prophète Mohamed. Ni la sainteté ni virginité ne s’inventent.
La virginité tunisienne a un nom ! La loyauté à cette terre. La seule virginité qui vaille est d’être fidèle à ce pays, a ses valeurs ancestrales, à son orgueil, à son drapeau. Les femmes qui veulent conquérir leur liberté, veulent offrir la même liberté de penser, d’agir aux hommes qui ne savent faire que dans la domination. Ils sont très nombreux à avoir accepté par atavisme, la domination d’autres hommes pourvu qu’ils se soulagent de leur complexe d’infériorité en soumettant sœur, femme et filles, comme un exutoire à leur dédain-propre. La dignité des veuves, des orphelines, des mères, des sœurs des martyrs en dit long sur ce que la gent masculine a à apprendre et, à méditer. Il est difficile de se résigner sans soumettre un (e) autre. Les femmes tunisiennes ont appris la rébellion, elles vont nous l’enseigner à nous les hommes, c’est une bonne nouvelle pour la liberté. La Tunisie a inventé El Horria, la liberté, pas les « Houriet » du Nikah.
Mohedine Bejaoui
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A lire avec Bonheur! un engagement pour la cause féminine tunisienne, sans faille, exprimant une conviction profonde, comme d'autres hommes tunisiens, depuis Tahar Haddad, qui ont fait de la cause de la femme le combat de d'une vie. A son tour et à l'occasion de sa fête, la femme tunisienne peut être fière d'être tunisienne et de naître sur cette terre ou des pères des frères, des maris ont été parmi les premiers hommes dans le monde de prendre conscience que la dignité de l'homme est la fille de la liberté de la femme.
C'est bien intentionné de défendre la liberté et la dignité mais sans entrer en conflit d’expression avec ceux qui sont de votre coté. En effet la société tunisienne est un mosaïque de personnes à diverses tendances mais dans une majorité musulmane non politisée. Un minimum de respect pour vos concitoyens est à envisager pour ceux qui défendent avec vous les mêmes causes et le même amour pour ce pays. Mes vifs souhaits de voir une véritable conciliation et une durable entente pour vivre ensemble sur cette terre d'IFRIQUIA.
Bravo "Mr Mohedine Bejaoui". A lire sans modération et à partager dans l'enceinte de l'ANC ou ce qui en reste, chez les mâles "f7al" mais aussi chez les Nahdhaouiettes. Je pique votre article, il m'a fait du bien.