60ème anniversaire de l'assassinat d'Hédi Chaker : le martyr oublié
Le 60ème anniversaire de l’assassinat, le 13 septembre 1953 à Nabeul du leader destourien Hédi Chaker, sera célébré ce vendredi matin, dans la quasi-stricte intimité. Les membres de sa famille, de vieux compagnons de lutte et de fidèles destouriens se retrouveront au cimetière Chaari à Sfax pour réciter la Fatiha à sa mémoire. Une cérémonie réduite à sa plus simple expression, sans l’habituelle veillée de témoignage et de psalmodie du Coran, sans une exposition de photos, et sans les délégations de hauts dirigeants ni discours. Malgré le caractère particulier qu’aurait pu prendre un 60ème anniversaire. Discrète et drapée dans sa dignité coutumière, la famille n’a rien souhaité de plus. Mais une grande question se pose : qui cultivera la mémoire de nos martyrs? Qui commémorera leur sacrifice ? Aujourd’hui, Chaker, Hassen Ennouri, Habib Bougatfa, Youssef Rouissi, Salah Ben Youssef et autres Taieb Mehiri,demain, ce sera peut-être de Belaïd ou Brahmi. Mémoire perdue, âme en perdition.
Conduisant la délégation des militants nationalistes de Sfax au congrès du 2 mars 1934 qui a donné naissance à Ksar Helal au Néo-Destour, Hédi Chaker sera jusqu’à son assassinat une grande figure de sagesse, d’engagement et de détermination du mouvement national. Il connaîtra la prison et l’exil, en France et en Tunisie, prendra la direction du parti Destourien, lors de l’exil de Bourguiba et présidera l’un de ses congrès les plus marquants, il était toujours resté l’opposant farouche au colonialisme français, et le stratège, visionnaire et rassembleur. De quoi en faire une cible privilégiée à abattre par les colonialistes et leurs collaborateurs.
Un devoir de mémoire
Juste après Farhat Hached, abattu le 5 décembre 1952, il figurait en deuxième position de la liste noire et sera alors lâchement assassiné, à 45 ans, dans la nuit du 12 au 13 septembre 1953, alors qu’il était assigné à résidence à Nabeul. Les circonstances de son meurtre, tels que avoués par ses assassins, dévoilent une répugnante sauvagerie. Cet acte horrible ne fera que galvaniser ses camarades destouriens lors de ce décisif dernier quart d’heure de la lutte pour l’indépendance de la Tunisie.
Aujourd’hui, le combat de Hédi Chaker reste dans la mémoire de ceux qui l’ont connu, une belle leçon de patriotisme et d’abnégation. Une image qui risque cependant de se perdre. Déjà sous Bourguiba, le Parti réduisait la voilure de la commémoration de son martyr, d’année en année, avant de s’étioler en un strict minimum sous le PSD. Au lendemain de la révolution, le souvenir du 13 septembre a été célébré avec enthousiasme en 2011. Pour cette année, et malgré le foisonnement des partis qui se réclament du mouvement national, aucune initiative n’a été prise. Encore moins de la part de ceux qui sont au pouvoir peu enclins à honorer la mémoire d’un martyr aussi important soit-il parce qu'il n'était pas des leurs. Comme si l’histoire de la Tunisie se limite à ceux qui gouvernent.
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Malheureusement ceux qui ont hérite ce pays n’ont pas le courage et la bonté humaine pour dire (Rabi yarhamhom) à tous ceux qui durant les années de braise ont payé de leur vie pour construire les fondations de la Tunisie. ET si on n’aime pas les martyrs d’un pays cela veut dire qu’on n’aime pas ce pays.
Certes, Nidaa Tounis doit nourrir le devoir de perpétuer le souvenir des martyrs destouriens. Ils comptent parmi ses membres défunts. Mais n'oublions pas, cependant, qu'il s'agit de martyrs qui ont accepté de mourir pour la Patrie, il incombe, dès lors, à la Nation tout entière de leur rendre un culte digne des Immortels.Ceux qui nous gouvernent aujourd'hui et qui prétendent servir la Nation, se sentent-ils impliqués par un devoir de mémoire envers ceux qui sont morts non pour le pouvoir et à la suite d'une vaine tentative de coup d'Etat, mais pour la Patrie et rien que pour la patrie? C'est, hélas, le dernier des soucis de ceux qui nous gouvernent! Que dis-je ce n'est même le dernier de leurs soucis!