Pour Un Euromed Production
Permettez-moi donc de présenter brièvement notre analyse axée sur trois idées maîtresses :
- La Crise internationale : ses contraintes et ses opportunités ;
- Le partenariat industriel dans une logique gagnant – gagnant ;
- L’évolution du positionnement stratégique de la Tunisie à l’échelle régionale dans les secteurs industriel et énergétique.
S’agissant donc de la crise financière internationale, il y a lieu de signaler que ses répercussions n’ont pas tardé à influer sur la sphère de l’économie réelle et notamment sur les exportations manufacturières.
Néanmoins, en 2009, la croissance restera positive en Tunisie à + 3 % comme dans la plupart des pays du Sud contre une croissance négative au Nord. Il est donc clair que la sortie de crise sera tirée par les pays émergents qui demeureront des relais de la croissance.
Dans ce cadre, et depuis la genèse de cette crise, la Tunisie a mis en œuvre une série de mesures qui ont permis de maintenir un taux de croissance positif à 3% et de préserver plus de 44 000 emplois.
L'ensemble de ces mesures, ont permis en outre d’ouvrir la voie à la réalisation d’une vingtaine de grands projets industriels en partenariat avec l’UE offrant près de 30 000 emplois.
Ainsi, contrairement à certaines idées reçues, lorsqu’une entreprise européenne s’implante en Tunisie, elle pérennise dans la majorité des cas, l’emploi en Europe. Ce qui n’est pas le cas dans les délocalisations lointaines et totales qui différent de ce que je qualifierais d’implantations de proximité et de complémentarité.
D’ailleurs, plusieurs témoignages illustrent parfaitement cette réalité, parmi lesquels une déclaration d’un industriel européen qui a précisé lors de l’inauguration de son site tunisien que : « le partenariat avec la Tunisie, c’est un remède anti-crise pour mon entreprise ».
Des échanges presque triplés
Le partenariat gagnant-gagnant dans la zone euro méditerranéenne est remarquablement illustré dans l’exemple tunisien.
En effet, contrairement à des craintes exprimées au début du processus de démantèlement engagé en 1995, l’instauration de la zone de libre échange avec l’UE n’a pas entraîné de conséquences négatives pour la Tunisie.
Au contraire, le volume des échanges entre la Tunisie et l’Union Européenne a presque triplé.
Les exportations tunisiennes vers l’UE ont été multipliées par 5 entre 1995 et 2008 atteignant prés de 11 milliards d’€, quant aux importations, elles étaient multipliées par 3 avoisinant les 13 milliards d’€ en 2008.
Cette dynamique a permis aussi de multiplier par 5 le nombre d’entreprises industrielles européennes installées en Tunisie passant de 411 entreprises en 1995 à près de 2000 entreprises en 2008, ce qui a permis de tripler les emplois que ces entreprises ont engendrés, passant de 90 000 emplois à 255 000 emplois entre 1995 et 2008.
C’est également le cas au niveau des échanges entre la Tunisie et l’Espagne qui ont connu une évolution aussi remarquable. Les exportations tunisiennes vers l’Espagne ont été multipliées par 5 entre 1995 et 2008 atteignant prés de 643 Millions d’€, quant aux importations, elles étaient multipliées par 3 avoisinant les 649 Millions d’€ en 2008, illustrant l’aspect gagnant- gagnant de notre partenariat.
S’agissant de l’investissement, Nous comptons actuellement près de 57 entreprises à participation espagnole exerçant en Tunisie, dont 25 entreprises industrielles, employant plus de 4000 personnes.
Les investissements industriels ont concerné plusieurs secteurs en particulier le secteur des matériaux de construction, où l’on peut constater la présence en Tunisie de groupes espagnols tels que UNILAND et PRAZA ou encore le groupe BORGES dans le secteur de l’agro-alimentaire, etc.
Des technologies clés à maîtriser
Un bilan sommaire des acquis de la Tunisie montre que notre pays occupe la pole position à l’échelle régionale. En effet, la Tunisie, premier pays Meda à avoir intégré une zone de libre échange avec l’UE, est le 1er exportateur industriel sud Meda vers l’UE.
En termes de compétitivité, et selon le classement du Forum de Davos, la Tunisie est classée premier pays sud Meda et 36ème à l’échelle mondiale, et devance bon nombre de pays de la zone euro.
Sur la base de ces acquis, des objectifs ambitieux ont été arrêtés à l’horizon 2016.
La stratégie de l’industrie tunisienne à cet horizon prévoit le doublement des exportations et le triplement des investissements. Ce qui se traduira par la création de 100 000 emplois industriels.
Un certain nombre de facteurs objectifs comme le renchérissement des pays de l’Est, un relatif retour de la Chine et la montée en gamme de nos avantages comparatifs font que les prochaines années seront particulièrement porteuses pour l’industrie tunisienne et pour les partenaires qui voudront bien s’y associer.
D’un autre coté, sur le plan qualitatif, la stratégie industrielle de la Tunisie prévoit une montée en gamme des filières émergentes, ce qu’on appelle les pépites dont la part passerait de 25 à 50 %.
Cela se traduit en particulier par l’innovation et la remontée de filière qui est en marche ; un certain nombre d’entreprises ont depuis peu lancé, en parallèle à leurs unités industrielles, des bureaux d’ingeniering et de conception.
De même, notre plan stratégique a mis en évidence une liste de technologies clés à maîtriser, dont notamment : L’électronique embarquée, La Mécatronique, Les Calculs hautes performances, Les Textiles et Plastiques techniques, Les Matériaux composites, etc.
Huit pôles de compétitivité
Dans ce cadre, une place de choix est réservée à la clustérisation avec la création de 8 pôles de compétitivité spécialisés et la mise en place de projets d’infrastructures et logistiques d’envergure.
Toute cette stratégie se base sur le grand potentiel de ressources humaines au développement duquel, la Tunisie a consacré des moyens conséquents (7% du PIB consacrés à l’éducation) et à la recherche développement (1,25 % du PIB, contre 1.84% en Europe des 27) ce qui rend crédible l’évolution par le haut de notre partenariat avec l’Europe.
Avec 400 000 étudiants, soit 4 % de sa population à l’université, la Tunisie a les même taux que l’Europe. Les filières scientifiques et techniques, de l’ingénierie et de l’informatique prenant une part importante dans le dispositif.
S’agissant de la formation professionnelle, son système comprend prés de 140 centres de formation exerçant dans diverses spécialités et répondant aux besoins exprimés par les secteurs économiques, (la formation en alternance a dépassé les 80%).
Quant à l’innovation, selon le WEF, la Tunisie occupe le premier rang dans le continent africain et la 38ème place au niveau mondial.
Ces différents acquis viennent s’ajouter à l’emplacement géographique stratégique de la Tunisie qui dispose de l’infrastructure portuaire et aéroportuaire requise pour accéder à un marché de plus de 500 millions de consommateurs.
Le Plan Solaire Tunisien
Le modèle tunisien s’insère dans une logique de développement durable qui accorde une importance majeure à l’environnement et à la maîtrise de l’énergie. Dans ce cadre, la Tunisie a mis en œuvre d’importants programmes de Maîtrise de l’Energie qui permettront d’économiser 20 % de la consommation en 2011. (12% d’économies réalisées en 2009).
En matière d’énergies renouvelable, nous venons de lancer le Plan Solaire Tunisien ; un programme ambitieux s’inscrivant dans le cadre du Plan Solaire Méditerranéen. Le Plan Solaire Tunisien traduit l’ambition de la Tunisie de devenir une plateforme internationale de production et d’exportation de produits aussi bien industriels qu’énergétiques.
Le Plan Solaire Tunisien, couvre la période 2010-2016 pour un coût estimé à 2 milliards d’€ (dont 70 % seront réalisés par le secteur privé), et comprend 40 projets ayant trait à l’énergie solaire, l’énergie éolienne et l’efficacité énergétique ainsi que le projet d’interconnexion électrique sous marine entre la Tunisie et l’Italie qui s’insère indéniablement dans les objectifs de la politique énergétique euro – méditerranéenne.
Assurer la sauvegarde d’une production industrielle significative
Pour conclure permettez moi de lancer un appel pour la construction d’un espace euro-méditerranéen de production, seul à même de permettre au sud, mais également au nord de la méditerranée, de faire face aux ensembles régionaux américains et asiatiques et d’assurer la sauvegarde d’une production industrielle significative.
Nos concurrents ne sont pas dans l’euro med, ils sont dans ces autres ensembles régionaux.
D’ailleurs, ce constat est prouvé par le « cercle des économistes » qui confirme l’impact positif pour les économies européennes, d’une intégration plus forte avec le Maghreb.
Afif Chelbi
(*) Allocution prononcée lors du 6ème Forum de Développement Economique de l’Afrique, Bacelone, 2 novembre
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