Une victoire à notre portée

Tout s’est finalement accéléré magiquement sous les yeux émerveillés des Tunisiens et du monde entier.

La Constitution, équilibrée, moderniste et consensuelle, est adoptée, une ISIE crédible est mise en place et un nouveau gouvernement de compétences indépendantes a pris la relève de celui de la Troïka : la trilogie tant espérée fonctionne.

Pour y parvenir, il fallait mettre du sien, faire des concessions, favoriser le compromis… Le Quartet y a joué un rôle de premier plan, nombre de leaders aussi. Les plus durs à combattre furent les extrémistes de tous bords, revanchards, hargneux, irréductibles. Jusqu’à la dernière minute, ils avaient poursuivi leur torpillage, cherchant à tout faire capoter. Il est clair qu’ils ne voulaient pas aller aux élections, craignant que le verdict des urnes ne soit en leur défaveur, se complaisant à enliser le pays dans le chaos. Pouvaient-ils concevoir un jour une véritable concorde nationale autour de la constitution, une relève dépassionnée de gouvernement, sans vainqueurs ni vaincus, une marche accélérée vers la démocratie et la réconciliation nationale? Retranchés dans la bulle de partis plus virtuels et médiatiques qu’à impact réel auprès des Tunisiens, ils incitent à la haine et poussent à la confrontation. Ils n’ont pas réalisé que la Tunisie a changé et que l’équilibre des forces n’est plus le même.
La grande révélation de la révolution, c’est sans doute cette société civile, mobilisée sans cesse, débordant de dynamisme, généreuse d’idées, irréductible sur la voie de l’avenir, vigilante sur les acquis, impossible à dévoyer. A travers les organisations nationales, les corporations, les associations et différentes expressions, elle s’érige en contrepouvoir puissant et agissant. Désormais, tout en dépendra.

En mettant le cap sur les élections, la Tunisie s’achemine résolument vers la phase cruciale de son entrée en démocratie, la stabilité politique et la relance économique. Les menaces restent encore nombreuses et fortes. La bataille des urnes sera acharnée dans l’ensemble du pays, tant les enjeux sont importants et durables pour les prochaines années. Tout peut déraper.

C’est à ce niveau que s’inscrit le précieux pouvoir et contre-pouvoir de la société civile qui prend conscience de son poids et assure le rôle qui doit être le sien, comme l’explique Ghazi Gherairi dans son excellente lecture de la Constitution (Cf. page 47). Immuniser le gouvernement pour lui permettre d’avoir les coudées franches à travers un large consensus appuyé par la classe politique, soutenir la lutte contre le terrorisme, la contrebande et le crime organisé, favoriser la paix sociale et le rétablissement de la confiance des bailleurs de fonds et investisseurs constitueront les clés du salut.

Engagée dans la dernière ligne, la Tunisie entrevoit la victoire. Il suffit d’assurer, pour l’emporter.

Taoufik Habaieb