Hédi Larbi: Parti de Mateur, il revient à la Tunisie profonde
Il a fallu à Mehdi Jomaa le chercher au Yémen, après 21 ans à la Banque mondiale à Washington, pour le nommer ministre de l’Equipement, de l’Aménagement du territoire et du Développement durable.
Hédi Larbi, 64 ans, diplômé de l’Ecole des Mines (Paris) et Harvard et MIT, y était chargé par le G10 de mettre en place et gérer une unité spéciale dans le cadre de la transition économique et politique, avec à la clé un fonds d’environ 8 milliards de dollars, essentiellement consacré à la reconstruction économique. Alors qu’il croyait pouvoir jouir de sa retraite, la Banque mondiale lui avait demandé, exceptionnellement, de rester encore six mois pour contribuer à la réflexion sur la stratégie de la Banque dans les pays en transition. Puis, ce fut la mission au Yémen, mais le voilà heureux de se réinvestir au service de son propre pays. Comme il l’avait fait en 1976, à son retour en Tunisie, à la fin de ses études en France, mais cette fois, dans un contexte exceptionnel et avec une expérience que beaucoup qualifient d’exceptionnelle. De son village natal de Rokb, à 16 km de Mateur, le voilà réinjecté dans la Tunisie profonde. Le périmètre de son ministère couvre en effet l’ensemble du territoire et aucun hameau ou village, à l’instar de Rokb, ne saurait échapper à son attention; il doit répondre à toutes les attentes. Curieuse destinée.
De père petit cultivateur, Hédi Larbi et ses quatre frères et sœur se sont tous investis dans les études. Il ira tour à tour à l’école non lointaine, puis au collège de Mateur, au lycée de Menzel Bourguiba, puis à celui de Bizerte qui comptait alors l’unique section mathématiques pour tous les gouvernorats du Nord. Matheux avéré, il se livrait en compagnie de quelques autres camarades à une rude compétition avec les derniers élèves français restés encore en Tunisie, pour briguer une place dans les classes de préparation aux écoles d’ingénieurs. Il finira par l’obtenir, en réussissant brillamment son bac en 1970 et fera partie du Groupe A, sélectionné par feu Mokhtar Laatiri, envoyé en France. Au Lycée Sainte-Geneviève à Versailles, il trouvera notamment Said Drira, Kais Daly, Rachid Krarti et autres Mohamed Abdelkader qui y terminaient leur prépa et s’apprêtaient à rejoindre Polytechnique et autres grandes écoles. Hédi Larbi leur emboîtera le pas et sera admis à l’Ecole des Mines. Déjà, il pensait aller aux Etats-Unis et s’intéressait à l’économie et aux finances. Du coup, il réussira un diplôme en langue anglaise et un DESS en économie. Mais, se rappelant toujours le contrat moral conclu par tous avec feu Mokhtar Laatiri, le retour au pays à la fin des études s’imposait. Un parcours exceptionnel qui laisse attendre un passage exceptionnel
Hédi Larbi, affecté à l’Office national des ports tunisiens, demandera rapidement à servir dans le secteur privé et ira ainsi dans un bureau d’études de renommée, SOTUETEC (1976 – 1983), avant de créer en 1984 la Société d’ingénierie et d’études économiques et sociales (SIDES), en réponse à un marché dominé par des entreprises étrangères. Mais, dès 1993, voilà la Banque mondiale lui faire appel. Invité à Washington pour un premier contact, il a été immédiatement recruté par sa filiale, la Société financière internationale (IFC). Juste pour 24 heures, la Banque a préféré l’engager directement en tant que spécialiste du développement et de la gestion d’infrastructure urbaine et de transport, pour la région Afrique. Il sera ensuite manager d’unité d’infrastructure en Afrique subsaharienne, pour finir dès 2000 en tant que conseiller du vice-président et directeur adjoint du département infrastructure de toute la région Afrique (42 pays).
Hédi Larbi sera ensuite promu en 2007 directeur régional de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient (Jordanie, Syrie, Liban, Irak et Iran), puis en 2012, conseiller spécial du vice-président de la Banque mondiale de la région MENA, chargé du repositionnement stratégique de la Banque (région MENA) dans les pays en transition, jusqu’à son départ au Yémen (lire biographie complète sur www.leaders.com.tn). Tout au long de sa carrière, Larbi a développé une connaissance approfondie des défis politiques et socioéconomiques des pays en développement, faisant montre d’une grande capacité à développer des stratégies pratiques et contextuelles pour accélérer la croissance ou pour redresser une situation de crise. Son expérience en matière de réflexion stratégique, d’analyse des problématiques politiques et économiques de développement0 et d’administration des grands programmes de développement (infrastructure, équipements, industrie, etc.) lui sera très utile dans ses nouvelles fonctions.
Avec un pareil parcours, on attend beaucoup de lui. Même si la durée de ce gouvernement est très réduite et ses moyens bien limités, dans un contexte extrêmement difficile. Il n’a droit qu’au succès. Comme tout au long de ses études, puis de sa carrière professionnelle.
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