Abdulwaheb Bakir
Le pédagogue, l'éducateur et l'un des principaux artisans de la révolution culturelle mise en oeuvre au lendemain de l'indépendance. Pour des générations deTunisiens, Abdulwahab Bakir était tout cela à la fois.
Né en 1911 à Sidi Bou Said, il fréquentera l'école primaire de la localité avant de rejoindre le collège Sadiki, puis le Lycée Carnot, à Tunis. Son baccalauréat en poche, Abdulwaheb Bakir s’est rendu par la suite à Paris où il effectuera de brillantes études de philosophie.
De retour, en Tunisie, il enseigne au Lycée Alaoui tout en préparant l’agrégation qui lui permet d’intégrer l’élite des enseignants au Collège Sadiki comme Mahmoud Messadi et Abed Mzali. Deuxième agrégé d’arabe tunisien après Mohamed Attia, il était respecté de tous.
Excellent professeur, il s’était toujours acquitté de sa tâche avec le plus grand sérieux et innova en appliquant une pédagogie moderne en poussant les élèves à une participation active au cours et à l’autoformation. Chantre du «Essahl el momtanî» (l’impossible simplicité), avec lui l’arabe devenait facile à maîtriser. Le Directeur, Mohamed Attia, l’appréciait. Son ami Ali Belhaouane, chantre du nationalisme, était son intime. Son collègue Mahmoud Messaâdi et lui-même s’appréciaient mutuellement et collaboraient à la revue «Al Mabaheth», fondée par Mohamed Bachrouch, instituteur, fin lettré et ami intime de Aboul Kacem Chabbi. Ses meilleurs élèves furent Mustapha Filali, Chédly Klibi, Ahmed Ben Salah et Taïeb Sahbani.
En 1956, Le Président Bourguiba dont il était parent par alliance et qui appréciait ses qualités lui confia la direction du collège Sadiki.
Une vie dédiée à l'éducation des jeunes générations
Deux années plus tard, lorsque Mahmoud Messaâdi fut chargé par Bourguiba de lancer une grande réforme de l’enseignement publique, il a compté sur deux hommes de grande valeur: Abdulwaheb Bakir, qui a cumulé avec la direction du collège Sadiki celle de l’enseignement secondaire au Ministère et Hamida Bakir, son frère cadet, pour la direction de l’enseignement primaire. Les deux ont pu compter sur des collaborateurs de grande valeur tels Naceur Chlioui, Abdelaziz Belhassen et Morched Ben Ali.
Abdulwaheb Bakir a été un grand commis de l’Etat. Il eut droit à beaucoup d’honneurs: décorations, titres divers, participations aux colloques de l’Unesco à Paris, accueil dans différentes académies arabes, il a été comblé. Mais, hormis la période estudiantine à Paris, durant laquelle tout Tunisien avait participé à défendre la cause nationale, la seule chose dont il s’était toujours méfié était l’engagement politique. Patriote sincère, serviteur de l’Etat, il n’avait jamais cherché ni voulu accepter quelque fonction politique que ce soit.
A près de quatre vingt dix ans, Abdelwaheb Bakir a fait éditer l’œuvre de sa vie: «Le lexique des principaux verbes arabes», œuvre unique en son genre dans le monde arabe et à laquelle il consacra une vingtaine d’années. Ce fut pour lui, le couronnement d'une longue carrière. En signe de reconnaissance pour son action aux plans scientifique et éducatif, il fut décoré par le Président de la République qui lui remit le prix du 7 novembre en 1998.
Ce fut une vie longue et riche en activités éducatives et culturelles. Il présida pendant une quarantaine d’années la commission d’orientation du théâtre, art pour lequel il se passionnait.
Ses idées avant-gardistes l'ont conduit à prôner dès le début des années 1930, l’émancipation de la Tunisienne en encourageant son instruction. Curieux de tout et désirant découvrir le maximum du patrimoine humain il consacra la plus grande partie de ses économies en voyages et il en fit profiter ses enfants.
Tous ses collègues et élèves étaient impressionnés par son élégance. Il était toujours bien mis. Ses costumes, sobres comme le personnage, étaient sans le moindre faux pli. Toujours courtois, il était d'une humeur égale, même quand il était contrarié. Il n’élevait jamais la voix. Très respecté, il lui suffisait, lorsqu’il était Directeur du Collège Sadiki, de paraître en cour de récréation, pour que le silence s’installe spontanément.
Jeune enseignant pendant la guerre, Abdulwaheb travaillait dur pour améliorer le quotidien familial et fut un bon père. Il a donné à ses enfants la meilleure éducation qu'il soit. De ses origines modestes, il avait gardé le sens de la mesure. De sa vie de fonctionnaire, il avait appris à gérer avec parcimonie des salaires somme toute peu élevés.Arrivé à un âge avancé, il avait voulu laisser à ses enfants le maximum d’économies pour qu’ils en profitent mieux que lui.
Ceux qui l'ont connu ou vécu avec lui ont appris auprès de lui l’amour de l’enseignement, une forme d’humour caustique, un sens aigu de la solidarité familiale et la modestie.
Abdelwaheb Bakir est décédé en janvier 2005, fasse Dieu qu’il repose en paix.
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Adieu et merci à mon professeur qui m'a fait aimé la pédagogie moderne et ses nouvelles méthodes à travers une communication entre l'apprenant et l'enseignant, placés ensemble dans une plateforme de réflexion collective et créative. Il nous a fait réver d"El Madina El Fadhila" l'espace d'une année et reste un des fondateurs de l'organisation apprenante.
j'étais élève à Sadiki et je garde un souvenir inoubliable de notre directeur. Discret, aimable et sévère à la fois, il est je pense d'une génération d'éducateurs qui ont servi le service public de l'enseignement avec beaucoup de sacrifice et d'abnégation. Zeineb, sa fille, a été parmi les premières tunisiennes à participer et à encourager l'expérience de la mixité dans les lycées tunisiens. ce n'est pas étonnant, Si abdelwaheb y croyait beaucoup. Un aspect qu'ignore peut être beaucoup de monde, c'est l'engouement de si Abdelwaheb pour l'exercice physique... je crois que jusqu'aux dernières années de sa vie, il a continué à faire sa marche à pied... Je me souviens encore de sa sihouette frêle marchant à sa cadence au bord de l'eau sur la plage de la Marsa. Un grand homme qui nous a quitté, on ne peut pas dire la même chose de beaucoup d'éducateurs qui ont en charge aujourd'hui les institutions d'enseignements.
Un grand Monsieur. Allah yarhmou. Juste un point de détail, il était le 3e agrégé d'arabe après Attia et Mzali et avant Messaadi.