Même s’il n’y a pas trouvé la moindre référence à la méditerranée ni à l'abolition de la peine de mort, ses deux chevaux de bataille, l’ancien chef du gouvernement espagnol et membre du
Club de Madrid, José Luis Zapatero, qualifie la constitution tunisienne d’historique. Il la considère même très en avance sur certains points, comme ceux relatifs à la femme et la condamnation de la violence à son encontre. Invité mardi à une table ronde sur « Le rôle de la majorité et de l’opposition en période de transition démocratique », avec le doyen de la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis, Fadhel Moussa, il donné sa lecture du processus tunisien. « En trois ans, et tout en rendant hommage aux martyrs, note-t-il d'emblée, la Tunisie a accompli un parcours historique, marqué par des décisions exemplaires. La constitution est démocratique, utile, représentant les principes et valeurs essentielles d’un état de droit. Les constituants ont effectué un travail remarquable qui donnera beaucoup de travail aux juristes et constitutionnalistes et à la Cour constitutionnelle pour se prononcer sur le processus de définition de la constitutionnalité des lois qui en découlera. Ils ont su résoudre la dialectique religion – état, laïcité – sécularité et nous offrir une bonne référence en la matière. ».
Evoquant le consensus réalisé, Zapatero prévient qu’il ne sera pas toujours aussi solide et qu’il va falloir sans perdre patience ou verser dans le désenchantement, œuvrer pour le consolider sa cesse. Pour ce qui du nouveau parlement, il considère qu’il doit incarner l’initiative des lois et «la disputabilité» des décisions. Cette «disputabilité» étant plus qu’un contrôle, mais surtout une opportunité de débat public de tout ce qui se décide. Le rôle des groupes parlementaires en tant qu’organisateurs de la parole des élus et de leur cohérence, est décisif. Leur action sera fondamentale aussi pour renforcer les partis politiques qui sont toujours au cœur du système démocratique. L’opposition doit s’inscrire dans une construction position et se proposer en alternative au gouvernement en place.
Deux recommandations
De par son expérience, l’ancien chef du gouvernement espagnol estime utile de partager avec les Tunisiens deux enseignements majeurs pour la période à venir. D’abord consacrer au niveau légal et règlementaire, le statut et la figure de leader du chef de l’opposition. Il incarnera la stabilité et sera un facteur d’intégration, surtout que l’opposition fait partie du système de gouvernance. Ensuite, le parlement doit être une institution vivante, riche et féconde et accueillir au moins une fois par an un débat de politique générale avec le chef du gouvernement, permettant à tous et notamment à l’opposition de s’exprimer. Dans une démocratie riche, la minorité se propose en alternative, non pas en concurrence mais en compétition de programmes et d’idées
En introduction, le doyen Fadhel Moussa, par ailleurs membre de l’ANC ayant activement contribué à ces travaux, notamment l’élaboration de la constitution, a rappelé les principales étapes franchies par l’Assemblée depuis son élection le 23 octobre 2011. « Nous avons subi, jusqu’au premier projet de la constitution daté du 1er juin 2013 et devant être mis en débat en plénière, un duel, voire un dual, majorité- opposition. La loi de la majorité a été imposée par les partis de la Troïka. Des évènements successifs ont été déterminants. La montée de l’opposition, l’émergence affirmée d’un grand parti, Nida Tounès surtout l’assassinat de Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2014, ont complètement changé la donne pour imposer la loi du contrat, celle concrétisée par la Feuille de route ». Moussa a rappelé l’importance de l’article 60 de la nouvelle constitution qui consacre le rôle de l’opposition et lui laisse un large champ d’action.
Invités à cette table ronde, nombre de députés notamment, Zied Ladhari (Ennahdha), Amor Chetoui (CPR), Sélim Ben Abdessalem, ainsi que d’éminents politologues et constitutionnalistes ont pu avoir des échanges profonds sur toutes ces questions.
Fervent défendeur de l’alliance des civilisations en méditerranée, en opposition à l’Union pour la méditerranée, prônée par Sarkozy, José Luis Zapatero a été deux fois chef du gouvernement espagnol. Membre du Club de Madrid qui compte plus de 100 anciens chefs d’état et de gouvernement, démocratiquement élus dans plus de 60 pays, il participe à diverses rencontres « tant pour comprendre que pour partager », comme il le souligne. Au cours de sa visite à Tunis, dans le cadre d’un projet soutenu par le Programme des Nations-Unies pour le Développement et le Club de Madrid, en collaboration avec la Faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis, il aura une série d’entretiens avec différents acteurs politiques, notamment le chef du gouvernement, Mehdi Jomaa et des dirigeants de partis.
Par ailleurs, le Club de Madrid qui intensifie ces derniers mois ses activités en Tunisie organise ce samedi un programme spécial pour Wim Kok, ancien chef du gouvernement hollandais. Dans deux semaines, ça sera le tour de l’ancien président du Portugal, Jorge Fernando Branco de Sampaio de se rendre en visite de contact en Tunisie.