Le sort scellé de l'Assemblée du Bardo
C'est la démocratie qu'on a bafouée vendredi au Bardo au-delà de toute limite raisonnable ! Déjà que l'Assemblée dite du peuple ne fait, quant au fond, qu'incarner le spectacle de la foire et du cirque, elle ajoute, quant à la forme, la preuve irréfutable qu'elle ne pratique plus que le subterfuge et la tromperie.
Tous les juristes le savent et l'assurent : une motion de censure déposée est validée et ne peut plus être retirée; c'est aussi la pratique constante des régimes parlementaires démocratiques.
L'irrégularité flagrante d'hier signe officiellement la fin de toute légitimité de l'Assemblée dont la légalité est épuisée depuis, au moins, l'adoption de la Constitution. Aussi, c'est l'assemblée elle-même qui a scellé son sort.
Elle n'a que le choix de tirer la conséquence logique de ses actes irresponsables en se sabordant. Que les députés qui se soucient de leur honneur appellent donc à l'autodissolution d'une assemblée qui est désormais un accroc à la transition démocratique! Qu'elle se fasse hara-kiri, comme l'impose le code de l'honneur; c'est la seule façon de marquer encore de son empreinte la scène politique en veillant à la délégation de ses pouvoirs au gouvernement et au remplacement à la tête de l'État d'une compétence nationale avérée.
À défaut, le gouvernement de compétences, fort de l'appui du Dialogue national et au nom des mesures d'austérité qu'impose la situation du pays, doit décider pour le moins de suspendre les émoluments que ne méritent plus des députés qui se maintiennent en fonction hors toute légalité. Ce sera alors l'occasion pour ceux qui se prétendent patriotes de servir le pays comme de véritables soldats; surtout qu'il reste pas mal de tâches à accomplir pour enraciner la démocratie en Tunisie, telle celle consistant à mettre en œuvre les acquis de la constitution.
Que le gouvernement et le Dialogue national assument donc pleinement ses responsabilités ! Au vrai, comme ce dernier réunit les partis et les organisations qui comptent dans le pays, il assume de fait une représentation une parfaitement légitime du Tunisien trahi par ses élus.
C'est l'heure de la vérité pour la nouvelle démocratie tunisienne! Il ne faut pas que la dictature déchue renaisse subrepticement dans une assemblée devenue le concert des intérêts partisans et des carrières politiques de certains. Le peuple tunisien mérite mieux et c'est la responsabilité des politiques les plus soucieux de l'intérêt du pays de mettre fin à la comédie qui se joue encore au palais du Bardo.
Que l'assemblée délègue donc spontanément ses pouvoirs au gouvernement ou qu'elle soit contrainte à servir l'intérêt général sans rien coûter au budget de l'État; c'est, au mieux, le sort de l'Assemblée, scellé d'elle-même.
Et que le Dialogue national veille à ne pas reproduire la même erreur qui a consisté à mettre pareille assemblée en place. Qu'il substitue des élections municipales et régionales — les seules de nature à rendre la parole au peuple — aux élections nationales projetées qui ne seront que l'exacte réplique des élections précédentes au vu du scrutin retenu, taillé sur mesure sur les intérêts partisans et nos sur les exigences du peuple.
Farhat Othman
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