Ghannouchi lâche avec panache Marzouki
Dans son intervention télévisée sur Nessma hier, M. Rached Ghannouchi a confirmé qu'Ennahdha lâche Marzouki en rase campagne. Ce fut certes à sa manière avec des termes jamais assez clairs, à peine sibyllins toutefois.
La tonalité générale de ses propos était de tourner la page sans état d'âme comme l'exige l'art politique pour lequel seuls importent les intérêts stratégiques. Or, au-dessus de ceux des partis, il y a le salut de la patrie qui impose la stabilité à l'abri des tiraillements idéologiques.
Du tragique pour Moncef Marzouki
Avec un tel lâchage qui ne manquait pas de panache, il est désormais évident à qui en douterait encore que Moncef Marzouki a perdu désormais le second tour, lui qui croyait avoir réuni toutes les conditions pour réussir, notamment une alliance durable avec le parti islamiste qu'il qualifiait de stratégique.
Pour Ennahdha — et cela a été confirmé hier — Marzouki n'est plus un allié privilégié ni exclusif comme l'intéressé voulait le croire ou le faire accroire. Ghannouchi l'a bien précisé : cela a été le cas du temps de la troïka; mais cette alliance a pris fin avec la sortie volontaire d'Ennahdha du pouvoir.
Aujourd'hui, le parti islamiste a parfaitement raison de penser d'abord à la réussite de l'islam politique en Tunisie, ou du moins d'éviter son échec, comme ce fut le cas ailleurs. Moncef Marzouki n'a plus le parfait profil du rassembleur idéal dont la Tunisie a besoin pour faire face aux graves défis qui menacent son existence même.
Ainsi, Moncef Marzouki se retrouve en position de hors-jeu dans le jeu islamiste; ce qui est par trop tragique pour celui qui tablait sur le soutien inconditionnel de son ancien allié, le réclamant même comme un dû, y compris en osant s'adresser à la base par-dessus la tête de sa direction.
Pour cela, on l'a même vu avoir recours au registre dramatique dans une entreprise qu'il savait pourtant vouée à l'échec, agitant le spectre de la division du pays. À part un nombre restreint de modérés ayant trop souffert de l'ancien régime ou se positionnant déjà en recours pour une inévitable recomposition de la scène de l'islam politique, il n'a ainsi réussi qu'à obtenir le soutien dérisoire des plus radicaux des islamistes.
Or, tout cela compte peu face à l'impératif catégorique aux yeux d'Ennahdha de faire partie du futur gouvernement, même avec des strapontins, ne serait-ce que pour sécuriser sa nécessaire mue démocratique à défaut de la continuer en la renforçant.
Du pathétique chez Moncef Marzouki
Un tel comportement tragique de la part du président sortant n'a pas manqué, par ailleurs, d'avoir une apparence pathétique quand il a choisi de se positionner en va-t-en-guerre alors que le pays a le plus besoin de sérénité et de répit dans la guerre idéologique qui l'a meurtri durant les années troïka.
Quoi de plus troublant ainsi que d'user et abuser de références à des valeurs que ses actes violent délibérément; même ses initiatives erratiques quant à son look ne trompent guère sur l'image qui le résume au mieux et que même son affiche reprend inconsciemment : cette posture d'évangéliste islamiste. On sait que de telles stars médiatiques sont volontiers associées dans l'imaginaire populaire à l'illusion, sinon la tromperie.
M. Marzouki est pathétique aussi quand il s'efforce de croire pouvoir compter à la fois sur la base du Front populaire et celle du parti Ennahdha. La première ne lui pardonne pas la trahison de ses supposées valeurs d'origine, sa compromission surtout avec les islamistes. La seconde étant globalement disciplinée et assez mature pour savoir qu'à l'heure actuelle l'intérêt de son parti tout autant que celui pays étant dans l'alliance de raison avec l'ennemi d'hier, le parti majoritaire à la chambre des élus du peuple.
Tous les observateurs avisés en Tunisie, quelle que soit leur obédience, savent pertinemment que le pays a un besoin impérieux de stabilité au sommet de l'État et non de tiraillements que Moncef Marzouki ne manque pas la moindre occasion pour les amplifier; ainsi, en illustration éloquente, sa dernière attitude par trop formaliste relativement à la loi des finances.
Farhat Othman
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Monsieur Othman, où distinguez-vous le moindre signe de "panache"? C'est un lâchage en bonne et due forme, aussi piteux que ceux qu'il met en cause !