Mabrouk, Tunisia!
C’est exactement en ces termes : «Mabrouk, Tunisia» que le célèbre magazine britannique, The Economist a conclu l’article dans lequel il félicitait la Tunisie et la consacrait comme «pays de l’année».
Après la consécration de nombre de ses enfants et la reconnaissance de leur talent et de leur travail à l’instar de Lina Ben Mhenni, Souhayr Belhassen, AbdeljéjilTemimi, Nadia Khiari, AmiraYahyaoui, Raafa Manai, ChedlyAyari, Habib Kazdaghli, Khedija Cherif,… (Et la liste n’est nullement exhaustive), c’est le pays tout entier qui s’est vu honoré et choisi «Country of the Year» par l’hebdomadaire britannique, trois jours avant le deuxième tour des Elections présidentielles.
Cette distinction est d’autant plus opportune et méritée que les résultats de ce deuxième tour viennent la justifier, si besoin était. Après quatre années d’incertitude, d’insécurité et de trouble. Après quatre années émaillées parfois de violences, d’actes terroristes et d’assassinats politiques. Après quatre années de crise économique, d’inflation, de cherté de la vie. Après quatre années de flou institutionnel, d’amateurisme et d’improvisation politique à l’échelle intérieure et au niveau international. Après quatre années qui ont failli déchirer le Pays et l’emporter à l’exemple de la Lybie, de la Syrie ou de l’Irak, la Tunisie sourit et les Tunisiens respirent. Ils mêlent la joie et les larmes à l’image de M. Chafik Sarsar, le Président de l’ISIE au moment de la déclaration des résultats officiels. Les Tunisiennes et les Tunisiens sont soulagés, heureux et modestement fiers, attitude identique à celle qu’ils ont eue lors du départ de Ben Ali, un mélange de soulagement, de fierté et de dignité. Le sentiment du devoir accompli, du travail bien fait.
En un sursaut homérique collectif, ce petit peuple de ce petit pays, grâce à sa fabuleuse société civile, grâce à ses admirables femmes, a su, en à peine un an, se doter d’une nouvelle constitution, élire l’Assemblée de ses Représentants et pour la première fois de son histoire élire librement et au suffrage universel un président de la République. A ce titre, M. Béji Caïd Essebsi est doublement premier: il est le premier Président de la IIème République tunisienne et le premier chef d'Etat tunisien élu librement au suffrage universel depuis l'indépendance en 1956.
Même si la participation reste honorable (60.11%), malgré une baisse de près de 5 points et même si le score de BCE est confortable (55.68 %), cette élection ne s’est pas déroulée comme un long fleuve tranquille. Il y a eu des dérapages, des dépassements et des irrégularités et le scrutin a été dès dimanche matin entaché de violences. En effet, l'armée nationale a tué un homme et arrêté trois autres ayant tenté d'attaquer des militaires gardant une école de la région de Kairouan où était entreposé du matériel électoral. En outre, un militaire a été légèrement blessé à l'épaule et l'un des suspects à la main. Par ailleurs, la diffusion mercredi, cinq jours avant le scrutin, d'une vidéo dans laquelle des djihadistes tunisiens ralliés à Daech ont revendiqué l’assassinat de ChokriBelaïd et de Mohamed Brahimi et menacé de violences les votants a dû susciter de l’inquiétude mais n’a nullement découragé les citoyens d’accomplir leur devoir électoral.
Sereins mais vigilants, les Tunisiennes et les Tunisiens ont tenu à faire leur choix. Et malgré les peurs agités par certains, ils ont décidé de tourner la page et de mettre fin au provisoire et au transitoire. A la précarité. Cohérents et constants, ils ont confirmé leurs options récentes et confié le destin du pays à la même famille politique.
Et comme s’il anticipait les résultats du scrutin, ce magazine britannique spécialisé en économie a, de manière paradoxale, fondé son choix de la Tunisie sur des critères politiques :la préservation et la pérennisation de l’Etat-nation, la réussite du processus démocratique et l’adoption d’institutions stables. Critères politiques peut-être mais critères nécessaires pour toute reprise économique. Et en effet, après l’euphorie et la fête, après le bonheur d’avoir su défendre et sauver leur modèle de société, toutes les Tunisiennes et tous les Tunisiens se doivent de retrousser les manches et de se mettre au travail afin de redresser le Pays et effectuer les réformes qui s’imposent en s’attaquant à la racine du mal qui a généré les révoltes et les soulèvements d’il y a quatre ans.
En attendant, ne boudons pas notre plaisir : Mabrouk, yaTounis!
Slaheddine Dchicha
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Un trait des elections qui attire l´attention est que la marge qui sépare les deux candidats est Presque la meme que celle des anciennes democraties, soit 55% pour le gagnant et 45% pour l´autre; en France les dernières elections presidentielles étaient de 52% contre 48%. J´espère qu´on verra ce resultat d´une facon aussi modeste en Tunisie qu´ailleurs.