Les coulisses de la passation: La Tunisie rentre chez elle, à Carthage
L’année 2015 commence sur les chapeaux de roue pour la Tunisie. En une matinée, le nouveau président de la République, Béji Caïd Essebsi, a tout expédié, mercredi 31 décembre, pour tourner la page de la transition démocratique et amorcer son mandat. Prestation de serment devant l’Assemblée des représentants du peuple, adresse à la nation, passation des pouvoirs à Carthage, maintien du gouvernement Mehdi Jomaa jusqu’à l’entrée en fonction de son successeur, démission de la présidence de Nida Tounès et invitation de la nouvelle direction de ce parti arrivé en tête des législatives à lui présenter le nom du nouveau chef de gouvernement : au pas de course et tel un papier à musique, tout s’est déroulé sous les regards ébahis des Tunisiens rivés à leurs écrans de télévision. Ultime bouclage de cette journée historique, les vœux du nouvel an présentés lors d’une allocution télévisée diffusée quelques heures seulement avant minuit.
Coulisses d’une journée historique
Les moments forts n’ont pas manqué tout au long de la journée. Chaque séquence, soigneusement préparée par les différentes équipes intervenantes, était chargée de symbolique et d’émotion.
Au Palais du Bardo, le président de l’ARP, Mohamed Ennaceur, était ravi d’accueillir chaleureusement, à travers le président de son parti, le premier président de la 2ème République, le cinquième depuis l’indépendance. Le temps d’un tête-à-tête, avant de se diriger ensemble vers la grande salle des séances ou plénière où avaient pris place des invités de marque. Le gouvernement, les officiers généraux de l’armée, de hauts magistrats et fonctionnaires et les chefs de mission diplomatique étaient conviés à cette cérémonie solennelle. On reconnaissait également l’ancien président de la République par intérim, Fouad Mebazaa, d’anciens Premiers ministres (Rachid Sfar et Hamadi Jebali, Ali Laarayedh étant député), les dirigeants de partis politiques et d’organisations nationales et des représentants de la société civile. Les caméras étaient particulièrement pointées sur le général Rachid Ammar et l’ancien ministre de la Défense, Abdelkrim Zebidi, filmant aussi l’entretien en aparté de Hamadi Jebali avec cheikh Abdelfettah Mourou.
«Pas d’avenir sans réconciliation nationale!»
Salué par une grande ovation dès son entrée, Béji Caïd Essebsi mesurait, en prenant place sur le podium, l’importance du moment. «Une lourde mission vous attend, et une grande confiance est placée en vous, lui dira Mohamed Ennaceur dans son allocution de bienvenue. J’appelle tous les Tunisiens à vous apporter leur soutien, dans une union nationale très forte et faire preuve de solidarité et d’investissement dans le travail». Invité au pupitre dédié, BCE s’y dirigera d’un pas assuré. La main posée sur le Livre saint, il prêtera serment. Applaudissements nourris, le moment est historique.
Dans sa première adresse à la nation en tant que président de la République désormais en fonction, BCE réitèrera une série d’engagements : être le président de tous les Tunisiens, respecter les délais constitutionnels impartis pour la mise en place des nouvelles institutions, donner à l’autorité de l’Etat le sens du respect de la loi, etc. Mais, deux passages ponctués lors de leur prononciation retiendront l’attention. «Toutes nos ambitions ne sauraient se réaliser sans une intense contribution du peuple avec toutes ses composantes, par le travail sérieux et la qualité de la production», dira-t-il. Et d’affirmer : «Il n’y a pas d’avenir sans réconciliation nationale».
Passation expéditive à Carthage
Au Palais de Carthage, Moncef Marzouki attendait son successeur avec beaucoup d’impatience. Le cérémonial est changé par rapport à 2012, lors de la passation avec Foued Mebazaa. Dès 11 heures du matin, Marzouki, burnous sur les épaules, faisait des allers-retours dans le couloir devant le bureau présidentiel.
Les hauts fonctionnaires de la Présidence sont alignés à l’entrée, se tenant prêts pour saluer le nouveau président. L’équipe de transition de BCE arrive en précurseurs : Mohsen Marzouk, Ridha Belhadj, Rafaa Ben Achour, Moez Sinaoui, Khemaies Jhinaoui et Selma Elloumi Rekik. Ultimes mises au point avec l’ambassadeur Mondher Mami, directeur général du protocole, assistée par sa nouvelle recrue, Faten Bahri, jeune diplomate, rentrée de son premier poste à l’étranger, Washington D.C. A 11h20, BCE descend de sa voiture, il est accueilli par Marzouki. Ensemble, ils se dirigeront vers le bureau présidentiel.
Le tête-à-tête ne durera pas plus de 5 minutes. Les proches collaborateurs de Marzouki sont alignés à la sortie pour le saluer. BCE, nouveau maître des lieux, raccompagnera son prédécesseur jusqu’à sa voiture et le salue à son départ. La voiture prendra la direction de sa résidence privée à Port El Kantaoui. La page est tournée. Et quelle page!
Commence alors la cérémonie militaire. En raison de la pluie, elle se déroulera dans la grande salle du Palais. Le président de la République passera en revue des détachements des trois armées, saluera le drapeau puis serrera la main à se proches collaborateurs, alors que 21 coups de canon sont tirés. Et c’est parti.
Lire aussi
Marzouki: sa dernière nuit à Carthage
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Pour finir définitivement avec le provisoire et la période transitoire il faut créer la cour constitutionnelle et choisir les 12 membres. Cette institution juridique indépendante peut augmenter la confiance des investisseurs en stabilité politique en Tunisie. En plus elle va abaisser les doutes.