News - 25.01.2015

Wassim Ben Mahmoud: Comment a été conçu le nouveau palais de l’Assemblée

Wassim Ben Mahmoud: Comment a été conçu le nouveau palais de l’Assemblée

On retrouve sa touche à Port El Kantaoui et on lui doit la réhabilitation du quartier de la Hafsia dans la médina de Tunis, ce qui lui a valu le prestigieux Prix Agha Khan d’architecture islamique (1983), le nouveau siège de la municipalité de Tunis à la Kasbah et nombre d’hôtels, banques, aérogares et autres bâtiments. Jusqu’au siège de la BAD rénové à Abidjan. Wassim Ben Mahmoud, architecte-urbaniste, diplômé du Massachusetts Institute of Technology (USA, 1972) et de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts (Paris, 1969) a été commis d’office pour concevoir le nouveau palais de l’Assemblée des représentants du peuple. Témoignage.

C’était fin 1989, début 1990. Ahmed Friaa, alors ministre de l’Equipement, m’appelle d’urgence pour me demander d’aller le voir pour un nouveau projet de grande priorité. D’emblée, il m’indique que les locaux d’alors de l’Assemblée nationale au Bardo s’avèrent étroits et peu fonctionnels, surtout la grande salle des séances qui ne pouvait contenir à peine que 120 députés et les salles de commissions en tout petit nombre. Le défi est de trouver très rapidement un concept d’extension qui épouse l’architecture historique et réponde aux exigences de capacité, de fonctionnalité et de modernité. Pour cela, il m’accorde à peine 48 heures. J’avais alors juste le temps d’aller y faire un tour, prendre des photos et m’atteler à la réflexion et aux esquisses.

Dès le départ, je me suis assigné deux partis pris. D’abord, ne pas dénaturer le palais et rompre l’équilibre des masses. Ensuite, pas d’agressivité moderne, mais ne pas nous couper de notre époque tout en restant respectueux du passé. Bref, un style qui s’intègre harmonieusement et ne choque pas. Je savais, cependant, que ces choix seront critiqués par les deux camps, ceux qui reprochent un manque de modernité et ceux qui déplorent trop de modernité. Mais, il fallait y aller.

En montrant les esquisses à Ahmed Friaa, il s’empressera de m’amener les présenter, séance tenante, au président de l’Assemblée nationale, alors feu Slaheddine Baly. Les validations de principes n’ont pas tardé et il ne me restait plus alors qu’à aller visiter quelques parlements européens et mieux comprendre le fonctionnement du nôtre. La grande différence par rapport à l’Europe, notamment la France, c’est que généralement le président de la République ne met pratiquement jamais les pieds à l’Assemblée, ce qui n’est pas le cas pour la Tunisie. La deuxième différence, c’est que partout, sauf actuellement à Berlin, la grande salle des séances plénières est conçue sous forme d’hémicycle. Ce n’est pas, selon moi, la meilleure disposition possible laissant tous les élus face à leur président, sans pouvoir se regarder tous. J’estime en effet qu’un cercle est plus démocratique et plus égalitaire, offrant à chaque député un angle plus large pour regarder ses pairs et s’adresser à eux, à travers le président, évidemment. C’est ainsi que je me suis lancé.

Pour s’assurer de la célérité des travaux, l’exécution du projet a été confiée en marché de gré à gré à une entreprise publique, la SOMATRA, à un prix très serré. La surface couverte est de près de 9 000 m2 et le budget initial, qui était de quelque 4 à 5 millions de dinars, a dû finalement se clôturer à pas moins de 13 millions de dinars, somme toute un montant très raisonnable.

La coupole était pour moi très importante. D’un diamètre de 26 m, elle est composée d’une calotte en béton, avec une charpente en bois qui vient soutenir des voutains en plâtre sculpté, et adossée à des colonnes en faux marbre. Il y avait un problème « sensible» à résoudre : quelle place réserver au président de la République sur le perchoir lorsqu’il se rend à l’Assemblée ? Peut-il être aligné sur la même hauteur que le président de l’Assemblée ? Placé plus haut ou plus bas ? Devait-il, aussi, siéger à sa gauche ou à sa droite ? Tout se mesurait à l’époque au centimètre près et pouvait être mal interprété. Il fallait trouver une bonne équation qui a consisté à prévoir sur le même niveau d’élévation du perchoir, sur la gauche du président de l’Assemblée et sur sa droite, deux espaces privatisés symétrique réservés l’un au chef de l’Etat et l’autre à un hôte d’honneur étranger qui prendra la parole.  Le recours en trompe-l’œil au faux marbre était imposé par les restrictions budgétaires, fortes contraintes à chaque étape de la réalisation du projet. On le trouvera d’ailleurs dans le choix de la quincaillerie. Au terme d’intenses négociations, il a fallu mobiliser trois ministères pour sauver quelques portes. L’entrepreneur sera ainsi autorisé à acheter quelques pièces seulement de la quincaillerie noble réservées uniquement à la grande salle mais devait se contenter de produits locaux pour tout le reste, y compris les sanitaires.

Quant à la décoration, elle a été confiée à Ismail Ben Frej qui a travaillé sur les revêtements en marbre et céramiques, les faux plafonds, les vitraux, l’ameublement et autres.

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