Ce que les Tunisiens demandent à leur dirigeants: Soyez plus rapides, plus efficaces

Tout est urgent, tout est important ! La fin du provisoire et du transitoire ouvre pour les Tunisiens les voies de l’espoir, à commencer par celui de rattraper le retard des décisions à prendre. Retard partout décrié. A peine investies, les nouvelles autorités, qu’il s’agisse de l’Assemblée des représentants du peuple, du président de la République, ou du chef du gouvernement, sont confrontées à l’impatience générale. L’ampleur des revendications politiques, économiques et sociales est si grande, si pressante et si généralisée que l’arbitrage entre les priorités devient difficile. La moindre déception se transforme en fronde, frisant le blocage d’un secteur, voire l’embrasement du pays. Les grèves ici et là et les incidents à Dhehiba, Ben Guerdane et Ras Jedir nous le rappellent amèrement.

Elus et dirigeants sont eux-mêmes impatients. Dès qu’ils décident de nouvelles mesures, ils exigent leur mise en œuvre immédiate. Le président de la République vis-à-vis du gouvernement, le chef du gouvernement vis-à-vis de ses ministres et de l’administration, l’Ugtt et l’Utica vis-à-vis du gouvernement et l’Assemblée vis-à-vis de tous! En retour, combien sont ceux capables de demander aux leurs de faire preuve de patience ?

François Mitterrand, qui avait expérimenté des situations difficiles, s’en était doublement armé: «Ma patience, confiait-il, est faite de mille impatiences». Transformer l’attente en force de compréhension, de persévérance et de progression vers un avenir meilleur, en évitant la confrontation, est une vertu majeure, guère facile à cultiver et partager. Elle exige un exercice collectif de dialogue, de sincérité et de transparence. Dire la vérité au peuple sur l’état de la nation, les comptes du budget, les menaces sécuritaires, les difficultés de l’entreprise, la dégradation des services publics, les abus du droit et l’égoïsme sans mesure des uns et des autres, est un acte fondateur. Rappeler à chacun ses responsabilités et à ses devoirs s’érige en mission de salut public.

Le discours, la parole, la communication sont la base de la communion. Béji Caïd Essebsi doit parler plus souvent aux Tunisiens. Comme le faisait Bourguiba. Mais aussi de Gaulle et tous les présidents américains qui tiennent à ce jour une adresse hebdomadaire à leur nation. Habib Essid, Mohamed Ennaceur, Hassine Abbassi, Ouided Bouchammaoui et les chefs de partis politiques doivent tenir aux Tunisiens le langage de la vérité et de la responsabilité. Le temps de l’action doit s’accompagner par le temps de la parole pour voir la réalité en face. La Tunisie doit continuer à montrer l’exemple en répondant aux aspirations qui ne sauraient être différées. La mise en œuvre de réformes salutaires est douloureuse. Le sacrifice à consentir doit être partagé par tous. C’est ce langage qu’il faut sans cesse tenir aux Tunisiens.

Poussé en première ligne de l’action, le chef du gouvernement est appelé à agir plus rapidement, plus efficacement. A lui d’imprimer à son équipe et à l’administration ce rythme accéléré et efficient qu’attend le pays. Conscient du compte à rebours enclenché pour tenir ses engagements, il n’a d’autre choix qu’une montée en puissance fortement inclinée vers le haut, par paliers successifs de 100 jours, en guise de balises. Un chef de gouvernement ne doit pas plaire, mais gouverner. Pour pouvoir décider vite et bien, trancher, dans l’accomplissement de ses tâches complexes et compliquées, le soutien de tous, dans la patience, lui est indispensable, si nous voulons garantir une réussite collective. Edgar Morin le disait si bien : «Nous devons apprendre la patience dans l’impatience».

Taoufik Habaieb