La lecture qui nous manque
La foire du livre vient de prendre fin. Elle aurait connu une affluence importante de jeunes et moins jeunes, ce qui a fait du beaume au cœur de ceux qui militent à longueur d’année pour voir les tunisiens, lire plus de livres culturels.
Néanmoins la réalité est moins brillante. En effet, et si nous considérons le classement mondial en matière de lecture, nous constatons que l’Inde se classe en première position avec 10h42 de lecture par semaine et par tête, suivie par les principaux pays émergents d’Asie et notamment : la Thaïlande, la Chine, et les Philippines.
L’Egypte se classe en 5ème position avec 7h30. Le seul autre pays africain dont le temps moyen de lecteur dépasse les 5 heures par semaine, est l’Afrique du Sud avec 6h30.
Ainsi, la Tunisie qui se classe au niveau africain, parmi les premiers en matière de performances économiques et éducationnelles, se trouve non classée dans le palmarès culturel de lecture (base 5h de lecture par semaine et plus par personne).
L’état des lieux de la lecture en Tunisie
Le dernier sondage effectué par l’institut tunisien EMRHOD, auprès de 1500 personnes dans 24 gouvernorats, a confirmé encore une fois que le tunisien lit très peu. Ainsi, aux trois principales questions posées, les réponses ont été comme suit:
- En dehors des journaux, revues et livres scolaires, est-ce qu’il y a des livres au sein du foyer ?
- Oui: 19%
- Non: 79%
- Avez-vous acheté des livres au cours des 12 derniers mois ?
- Oui: 8%
- Non: 86%
- Moyenne des livres lus durant les 12 derniers mois : 3,7 (base 180 personnes).
Par ailleurs, le sondage a fait ressortir que:
- Les femmes lisent plus que les hommes ;
- Les personnes âgées de 56 ans et plus sont celles qui lisent le moins.
Ainsi, la situation n’a pas évolué favorablement depuis l’enquête précédente réalisée par le Ministère de la Culture en 2010 et qui fait ressortir entre autres que:
- 22,7% n’ont jamais lu de livres;
- 31,88 % ont lu un livre en 2009;
- 6 lecteurs sur 10, lisent moins de 5 livres par an;
La lecture est le meilleur moyen d’améliorer les connaissances et de se maintenir en forme
Les principales études réalisées dans les pays avancés s’accordent sur les avantages ci-après de la lecture:
- Elargit le champ des connaissances du lecteur et développe chez lui l’esprit de recherche;
- Constitue un stimulant très fort à l’innovation et à la création;
- Apaise le stress bien plus efficacement que le fait d’écouter de la musique ou de boire du thé ou du café;
- Aide à mieux dormir. D’ailleurs, plusieurs intellectuels et responsables d’entreprises, lisent systématiquement avant de se mettre au lit, et parfois la lecture porte simultanément sur deux livres voir trois livres. Les ouvrages culturels et d’actualités défilent entre leurs mains au rythme moyen d’un livre par semaine;
- Permet de maintenir le cerveau en forme et de diminuer les risques d’Alzheimer.
En Tunisie, et depuis l’indépendance, les pouvoirs publics ont fait des efforts notables en matière d’encouragement de la lecture et de l’édition.
Les lieux publics de lecture en Tunisie
Le nombre de bibliothèques publiques est passé de 9 en 1962 à près de 370 actuellement avec un fond de plus de 4,7 millions de livres(1) . Néanmoins « Les pays où la lecture n’est pas ancrée dans la culture profonde, elle est généralement faite plus par obligation (au niveau scolaire), que par l’envie de lire ». En effet, près de 90% des lecteurs dans ces lieux publics, sont des élèves qui y vont le plus souvent pour consulter des documents, et faire une recherche que l’enseignant à demandé.
Les incitations à l’édition du livre culturel en Tunisie
Elles vont de l’impression jusqu’à la distribution du livre et portent notamment sur:
- La subvention du papier destiné à l’impression du livre, à hauteur de 50%;
- L’exonération de la TVA sur le livre qui est ainsi considéré comme aussi prioritaire que les produits alimentaires et les médicaments ;
- L’acquisition par le Ministère de la Culture, de 100 exemplaires et plus de chaque publication à caractère culturel. Ces livres vont alimenter le fond à la disposition des bibliothèques publiques ;
- L’organisation annuelle de la foire du livre qui fait l’objet d’une large couverture médiatique et durant laquelle, les livres tunisiens et étrangers font l’objet d’une réduction systématique de 20% et plus.
A notre connaissance, rares sont les pays disposant de moyens similaires à ceux de la Tunisie et qui font autant d’efforts pour promouvoir la lecture.
Des idées pour amener les jeunes et moins jeunes à la lecture
Comme ce fut le cas pour l’ensemble des actions réussies en Tunisie, il y a lieu de mobiliser aussi bien les pouvoirs publics que l’ensemble des forces vives du pays, dans une action de longue haleine :
- Lancer une campagne nationale de réflexion sur la stratégie nationale à adopter;
- Sensibiliser la société civile à la mobilisation des Seniors qui doivent donner l’exemple, notamment les retraités dont le nombre ne cesse de croitre et qui se plaignent souvent de l’inactivité et du vide;
- Sensibiliser les entreprises publiques et privées à consacrer un budget pour l’achat de livres culturels tunisiens à offrir au personnel, et à organiser des manifestations culturelles ayant pour objet la promotion de la lecture;
- Organiser des foires au niveau régional à différentes périodes de l’année afin d’en faire bénéficier l’ensemble des régions;
- Envisager la sponsorisation par les institutions et entreprises afin de permettre de réduire les prix de vente du livre;
- Consacrer des articles et séances régulières à la promotion de la lecture au niveau de l’ensemble des médias: journaux, radios et chaines télévisées;
Taoufik Ben Salah(2)
Consultant en commerce international
(1) aksibi : La lecture des jeunes Tunisiens et les bibliothèques publiques- 21 mai 2009
(2) Auteur de:
- La Tunisie Millénaire, une longue histoire et des timbres poste : 2012
- Les techniques et pratiques du commerce international des produits de base : 2014
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