Bernardino León Chez Caïed Essebsi : On entre dans le vif du sujet sur la Libye
En recevant mardi à Carthage, Bernardino León, le Représentant spécial du secrétaire général de l’ONU et Chef de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye, le président Béji Caïd Essebsi donne un signal fort de la participation aussi discrète qu’active de la Tunisie dans l’aboutissement réussi du dialogue inter-libyen. León rentre de Skhirat (Maroc) où vient de se terminer un nouveau round, significatif de discussions entre les différentes parties libyennes concernées. Une « rencontre fructueuse » qualifie-t-on de part et d’autre puisque 80 à 90 % de l’accord final est adopté, malgré les quelques points restées en suspens. Les négociateurs reviendront chacun en consultations avec leurs mandataires tant pour valider cette avancée que pour convenir de ce qui reste à finaliser. Deux semaines leur sont accordées à cet effet.
Bernardino León a mis à profit ce répit pour s’entretenir de ce dossier avec le président Caïd Essebsi, le premier du genre depuis l’arrivée à Carthage du président de la République. Les deux hommes se connaissent bien de longue date, s’apprécient et se font mutuellement confiance. Avant d’être nommé le 14 août dernier dans ses fonctions actuelles, Bernardino León était Représentant spécial de l’Union européenne pour la Libye et de Représentant spécial de l’Union européenne pour la Méditerranée du Sud, de 2011 à 2014. Effectuant, à ce titre, de fréquents séjours à Tunis, il était devenu un familier de la vie politique tunisienne, n’hésitant pas à prêter un concours discret et efficace pour l’amorce du dialogue entre les chefs de NidaaTounès et d’Ennahdha, durant l’été 2013.
De son côté, Caïd Essebsi est un fin connaisseur du dossier libyen pour l’avoir géré dès sa prise de fonction, début mars 2011, en tant que Premier ministre, quelques jours à peine après le déclenchement de la révolution en Libye. Confronté aux flux massifs en Tunisie des émigrés de libyens et de travailleurs étrangers de diverses nationalités, qui fuyaient les affrontements entre kataeb et révolutionnaires et aux infiltrations d’armes et autres dommages collatéraux, il s’emploiera avec les maigres moyens disponibles à faire face à une situation des plus délicates.
Depuis lors, il a développé une position très claire : refus de toute intervention militaire extérieure, et encouragement du dialogue inter-libyen sous les auspices des Nations-Unies. Moncef Marzouki voulait organiser ce dialogue sous sa présidence, d’autres partis de la Troïka cherchaient à s’y imposer croyant pouvoir user de leurs relations avec certaines parties influentes. Inflexible, Caïd Essebsi dans l’opposition et aujourd’hui au pouvoir garde la même attitude au point de donner l'impression de s'en laver les mains, quitte à subir les critiques de la presse, de l’opposition et même de ses alliés. Adepte de la diplomatie secrète, il continuait, cependant, d' entretenir des contacts suivis avec toutes les parties concernées. Mais il finira par se départir de cette discrétion en recevant successivement, le Chef du gouvernement légal basé à Tobrouk, près de la frontière égyptienne, Abdallah Al Thani, puis pas plus tard que vendredi dernier, Mohamed Ghouaiel, président provisoire du gouvernement de salut public installé à Tripoli. C’est un signe qui ne trompe pas : les négociations entre les frères ennemis libyens sont sur la bonne voie.
Ainsi donc, alors que les clameurs soulevées par « l’effacement de la Tunisie » dans ce dossier crucial où elle est très concernée en tant que voisin immédiat se poursuivent, BCE, imperturbable, poursuit sa médiation, menant des discussions avancées avec les uns et les autres.
Bernardino León y fera référence en soulignant mardi à l’issue de l’audience, le « rôle central des pays du voisinage dans la recherche d’une solution pacifique et l’endiguement de la violence ». Pourtant, autant, il était parti de Skhirat rassuré sur la progression de 80 à 90% du texte de l’accord final, autant, il est, aujourd’hui, préoccupé par la montée de la violence en Libye qui pèse lourdement sur la stabilisation du pays. Fuyant les médias, il se refuse en dire plus. Son cabinet, installé aux Berges du Lac suit à la lettre sa consigne de discrétion absolue.
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