Allez vite et fort!
Les Tunisiens sont déjà en mode ramadan. Cette année aussi, le mois saint nous plongera directement dans les vacances estivales. Cela signifie séance unique, relâchement et pratiquement tous en congé. Déjà en pédale douce, la Tunisie tournera, pendant au moins deux mois et demi, au ralenti. La reprise en septembre sera dure, tant les indicateurs économiques et financiers des neuf premiers mois de l’année 2015 clignoteront plus fortement au rouge.
A peine les nouvelles institutions ont-elles pris leurs marques à Carthage, la Kasbah et au Bardo, patiné les premières semaines, ajusté les tirs et resserré les équipes, les voilà rattrapées par la séance unique et les congés.
Pourtant, ce qui est à faire est d’une urgence absolue. On nous l’a dit à Washington : «Allez-y vite et fort, vous bénéficiez d’une rare fenêtre ouverte devant vous. Elle risque de se refermer rapidement ! ». La même alerte nous vient de partout. Rares sont pourtant ceux qui l’écoutent. La classe politique est encore embourbée dans les tiraillements internes entre ses militants et la consolidation de ses structures. Peu de programmes cohérents, de nouvelles idées fortes et de jeunes pousses d’avenir en émergent. Le déficit en capacités politiques d’envergure, de vrais leaders, se fait lourdement ressentir.
A Paris, et surtout à Washington, comme bientôt lors du G7 en Allemagne, Béji Caïd Essebsi aura jeté les fondations d’un gratte-ciel et construit les dalles des étages. Il ne reste plus au gouvernement et surtout à la communauté économique que d’en assurer le briquetage, le revêtement, la connectivité et la finition. L’image citée par un vieil ami de la Tunisie résume l’architecture générale du système politique.
La tâche n’est guère difficile, si tous les blocages administratifs, surtout, sont levés et les chefs d’entreprise, remobilisés, se mettent à l’œuvre. Des crédits non consommés et des chantiers à l’arrêt à cause de contentieux fonciers non réglés ou de permis en attente de signature. Des taxes exorbitantes et des démarches interminables s’ajoutant aux débrayages sociaux à l’improviste et aux revendications en surenchère, dissuadent les porteurs de projets les plus enthousiastes.
Ces freins et hésitations n’atteignent heureusement pas nos forces de sécurité et notre armée. A voir à l’œuvre ces jeunes combattants, parachutistes, tireurs d’élite, plongeurs sous-marins et délivreurs d’otages, relevant de l’Unité spéciale de la Garde nationale, ou encore ces jeunes femmes pilotes de chasse de l’armée nationale, comme les autres unités de l’armée et de la Police nationale, on ne peut qu’être admiratif de leur courage, de leur haut degré d’engagement et de leur abnégation. Quand ils montent au feu, au péril de leur vie, hommes et femmes, pour la plupart chefs de famille, ils n’ont pas d’agenda personnel et ne font pas de calculs : ils accomplissent leur travail, ils servent le pays. La patrie, d’abord, aujourd’hui, plus encore !
Combien d’hommes et de femmes politiques, de chefs d’entreprise et de syndicalistes pensent comme eux, agissent comme eux ?
Malgré la persistance de la menace terroriste et l’effondrement des indicateurs économiques, les horizons se clarifient. Le soutien international est fort. La détermination du gouvernement est résolue. Avec plus de fermeté, il tance l’administration, limoge les défaillants, et rejette les oukases de l’Ugtt.
La centrale syndicale, confrontée aux débordements de ses troupes, révise pour le moment très légèrement le cap. Il faut l’y encourager fortement. Tous deux, le gouvernement comme l’Ugtt, doivent à y aller plus vite et trouver les compromis nécessaires, sans jamais hypothéquer ni l’entreprise ni l’Etat. Les réformes tardent, les grands chantiers aussi ! Il faut s’y attaquer en profondeur, dans un esprit d’entente et d’appui mutuel. C’est aussi le rôle de l’Assemblée des représentants du peuple de faire emballer la machine.
T.H.
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