Garde Nationale: Voyage au cœur de l’Usgn
Vous connaissez la Brigade Anti-Terroriste (BAT) de la Police nationale, les commandos de l’Armée nationale, des corps d’élite au grand mérite, mais pas le troisième pilier du dispositif sécuritaire : l’Usgn. Cette unité spéciale de la Garde nationale ne cesse de multiplier les réussites dans la traque des terroristes. Lokman Abou Sakhr n’a pu lui échapper, tout récemment. Mais ce n’est pas son unique fait d’armes. La liste de ses succès est déjà longue. Rien que l’évocation de son nom fait frémir les bandits et jihadistes les plus irréductibles qui ne sauraient lui résister longtemps.Tôt ou tard, ils tombent dans ses filets.
Comment fonctionne l’Usgn ? Quel est le secret de sa réussite ? Qui sont ses héros ? Comment est tombé, précisément, Lokman Abou Sakhr ? Révélations exclusives. Epoustouflantes !
La terreur des terroristes
la route est encore longue, restons discrets!» Plus qu’une règle, le secret absolu est un principe de survie et d’efficacité pour l’Unité spéciale de la Garde nationale (Usgn), comme pour les autres. Celle qui a réussi à abattre, tout récemment à Sidi Yaïche, l’ennemi public N°1, Lokman Abou Sakhr, et huit autres de ses complices jihadistes. Comme elle avait mené avec succès les grandes opérations de Raoued, Oued Ellil , Gbollat et bien d’autres. Peu connue du grand public, elle est la terreur des terroristes et des grands bandits. Son périmètre d’intervention ne se limite pas aux zones rurales, hors des villes et agglomérations, mais s’étend à l’ensemble du territoire tunisien : ports et aéroports, gares, villes et villages, édifices publics et entreprises, partout où la sécurité est menacée, où une attaque est commise, où un attentat, une prise d’otage ou autre acte criminel risque de survenir.
Le centre de commandement se situe quelque part à une heure de route de la capitale. L’endroit est magnifique. Il est adossé à une forêt en relief, non loin de la mer, qui abrite le village d’entraînement opérationnel, les champs de tir les plus longs —jusqu’à 400 m— et la cité d’assaut en reconstitution réelle. Derrière les murailles qui l’entourent, le mystère est total. Jamais auparavant, des journalistes n’ont pu y être admis. Ici se trouve le cœur battant de la traque permanente du terrorisme menée par la Garde nationale en étroite coordination avec les forces sécuritaires et l’Armée nationale. Etat-major, salle d’opérations, sites de formation, magasins, ateliers, centre sportif, foyer et lieu de vie à la fois pour des centaines d’éléments qui constituent la fine fleur des corps d’élite.
D’emblée, les uniformes tranchent avec les autres brigades : des tenues de combat comme celles des équipes de commandos aux Etats-Unis ou en Europe. Parachutistes, snipers, plongeurs sous-marins et combattants sont dotés d’armements sophistiqués et portent sur eux des outils technologiques des plus avancés, en GPRS, caméras et moyens de communication. Tout y est exceptionnel: on se croirait dans un centre de commandement au Nevada. Le patriotisme et le drapeau tunisien en plus. En grande exclusivité, Leaders vous transporte au cœur de l’Usgn! Retenez votre souffle!
A l’entrée du centre de commandement de l’Usgn, un écriteau planté dans le jardin gazonné marque les repères : «Ici nous faisons briller l’esprit et sculpter le corps». Pour une finalité unique : défendre la patrie. L’ambiance à l’état-major est feutrée, cachant une activité fébrile et un état d’alerte permanent. La mission est claire pour tous : anticiper, traquer et intervenir, avec une seule option possible : réussir. La recette du succès est partagée par tous : la performance de la formation, la puissance du renseignement et la qualité de la préparation, le tout moulé dans l’esprit d’équipe. Rejoindre ce corps d’élite est le rêve de plein de jeunes issus des écoles préparatoires de la Garde nationale et de l’Académie militaire. La sélection est très rigoureuse: sur des centaines de candidats préqualifiés, une cinquantaine seulement finit chaque année par y être admise. En dernier et ultime filtre, les tests psychologiques renouvelés pour s’assurer du blindage personnel et des qualités du vivre-ensemble. La formation est intensive dans toutes les spécialités. Chacun doit être un grand spécialiste dans sa qualification pointue, et un grand polyvalent dans toutes les autres. Il y a des réflexes à apprendre et cultiver. Quand on appartient aux commandos, on doit tout maîtriser, jusqu’au secours médical au combat. Entre salles de cours et sites réels grandeur nature, la formation est continue.
Le village d’entraînement, au fond de la forêt, s’étend sur des dizaines d’hectares que l’Etat vient d’affecter en propriété à la Garde nationale. A l’entrée, un poste frontalier reconstitué, de grandes baraques qui avaient servi de maisons forestières, et une salle de classe, comme on en trouve dans un campus universitaire moderne avec grand écran, vidéoprojecteur, bureau, pupitre et tables individuelles. La visite ne fait que commencer et les surprises ne manquent pas: des champs de tir à balles réelles de 125 m, 250 m et 400 m et la cité d’assaut. Le poste frontalier, comme les baraques, se prête aux exercices de simulation de prise d’assaut pour la libération d’otages et la neutralisation des assaillants.
L’effet de surprise
A droite, une enfilade de pièces, imbriquées les unes dans les autres dans un dédale indéchiffrable, sont construites en béton armé, sans toit immédiat. L’ennemi est censé être à l’intérieur, seul ou avec d’autres complices, guettant les combattants de l’Usgn qui doivent les détecter et les abattre, sinon les neutraliser. L’effet de surprise est important.
Dans certaines pièces, ils tombent sur des cibles accrochées à des supports qui absorbent les balles (shooting house). Tirant à balles réelles, il ne faut pas rater la cible, sinon elles rebondissent par ricochet en impactant le mur en béton et peuvent atteindre le tireur. Les instructeurs sont installés en haut d’un couloir qui surplombe les pièces pour superviser les opérations, prendre des notes puis corriger, si nécessaire, le comportement de chacun.
A gauche, dans cette immense cité d’assaut, c’est un quartier qui est reconstitué lui aussi en grandeur nature, avec ses maisons et ses échoppes. On y apprend à déverrouiller une serrure, forcer une porte, quitte à la faire sauter aux explosifs et lancer l’assaut en pénétration forcée par explosifs.
Un grand savoir-faire, surtout qu’il ne s’agit nullement de faire sauter l’édifice, on ne sait jamais si des femmes, enfants et autres innocents se trouvent à l’intérieur, mais juste d’ouvrir une brèche pour y pénétrer. De vrais spécialistes en chimie et explosifs sont à l’œuvre pour bien doser les quantités à employer.
Les exercices de négociations sont importants. Alors que des équipes maintiennent la pression sur l’ennemi par des tirs de harcèlement, d’autres engagent les négociations, forts d’une formation spécifique poussée où la psychologie joue un grand rôle. Cette qualification a apporté ses preuves à de nombreuses occasions, épargnant des vies humaines et incitant les terroristes à la reddition.
Chaque manœuvre est suivie minutieusement, souvent filmée, et fera l’objet dès le lendemain, au plus tard, d’une évaluation précise. Comme toutes les opérations réelles sur le terrain, l’évaluation est une règle de base pour s’enrichir de ses enseignements. Tout est remis à plat, discuté, débattu.
C’est la seule partie de l’immense village d’entraînement à laquelle l’équipe de Leaders a été autorisée à accéder. Le reste relève du secret absolu. Compréhensible. On nous dira que l’Usgn dispose d’un plan annuel de formation, en Tunisie et à l’étranger, qui se décline en mois et en semaines. Objectifs, contenus et résultats concrets sont précis et actualisés selon les besoins.
Chaque information compte
Le renseignement est l’autre arme secrète puissante de l’Usgn. Dans une grande salle à l’Etat-major, des cartes géographiques électroniques tapissent de grands écrans reliés à des serveurs informatiques invisibles. Grâce aux satellites, le moindre recoin de Tunisie et des eaux territoriales est scanné à chaque instant. En zoomant, on parvient à agrandir l’image et aller au détail. Ce n’est que la première couche d’informations. Toute indication reçue, quelle qu’en soit la nature, y est positionnée. Chaque élément de renseignement est passé au peigne fin pour vérification, analyse, interprétation et mise en mémoire.
La base de données est énorme. Les données géographiques et climatiques sont actualisées à chaque instant et enrichies en flux tendu par tout ce qui concerne le terrorisme et les terroristes. Une véritable encyclopédie du jihadisme, des jiahdistes, avec noms, photos, codes, armes, explosifs, équipements, mode de vie, déplacements, habitudes, pratiques, plans et intentions fait ronronner les serveurs, nuit et jour. Chaque détail, même d’apparence anodin, compte. Ici on sait tout, ou presque, on connaît tout, ou presque. L’information est recueillie de mille et une façons et remonte de partout. Recoupée, elle peut s’avérer précieuse.
Le cœur de métier de l’Usgn est d’utiliser ce trésor pour aller chercher les terroristes là où ils sont, leur tendre des embuscades pour les cueillir. La traque est longue, pouvant prendre plusieurs jours, semaines, voire des mois. L’opération Sakhr Abou Lokman a dû exiger plus de trois mois. Il faut une bonne préparation et inépuisable persévérance.
Dossier réalisé par Taoufik Habaieb
Photos : Mohamed Hammi & DR
Lire aussi
Ils sont tous des héros
Comment est tombé Lokman Abou Sakhr
Une prise de taille: le terroriste Makram Mouelhi
- Ecrire un commentaire
- Commenter