« J’ai mieux cerné la réalité de la situation en Tunisie, sous différents aspects et beaucoup appris en écoutant les uns et les autres » a confié la directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI), à l’issue de la visite de 36 heures qu’elle a accomplie mardi et mercredi matin à Tunis. Au pas de charge, elle a enchaîné les entretiens officiels à Carthage, au Bardo et à la Kasbah, ainsi qu’au siège de la Banque centrale, et les rencontres avec les dirigeants des partis politiques formant la coalition au pouvoir, les chefs des deux centrales patronale et ouvrière, UTICA et UGTT et des femmes de la société civile, avant de donner une conférence suivie de débat devant des banquiers et économistes. Coulisses
Ce qui l’a frappée le plus, souffle à Leaders, de proches collaborateurs qui l’ont accompagnée durant cette visite, c’est l’esprit d’écoute, de dialogue et de concertation, dans le respect mutuel qu’elle a pu mesurer auprès de ses différents interlocuteurs. D’une même voix, poursuivent-ils, les Tunisiens lui ont réaffirmé la volonté du pays d’engager toutes les réformes nécessaires et de les faire aboutir, tout en rappelant la nécessité de prendre en considération l’impérative stabilisation sociale et d’imprimer plus de flexibilité à la coopération avec le Fonds. Le Président Caïd Essebsi, visiblement bien informé du dossier jusqu’à ses détails, était très clair dans son message : volonté de collaboration, soutien et flexibilité indispensables.
Les Chefs de parti
Le quator au pouvoir était représenté au plus haut niveau : Rached Ghannouchi (Ennahda), Mohsen Marzouk (Nidaa), Rym Mahjoub (Afek) et Mohsen Hassen (UPL). S’exprimant en anglais et déclinant l’assistance de l’interprète officiel, Ghannouchi a tranché d’emblée la question : la transition politique ayant été réussie, il s’agit à présent de réussir celle économique et pour cela, notre soutien au gouvernement est de mise. Appuyé par les représentants des trois autres partis, avec quelques commentaires sur davantage d’implication dans la prise de décision. Rym Mahjoub, forte de son expérience de membre de l’Assemblée nationale constituante, réélue député à l’ARP a laissé une très bonne impression, tout comme Mohsen Marzouk avec sa vision politique et Mohsen Hassen, en économiste et financier diplômé de l’IFID.
UTICA et UGTT. Déjà rencontrer ensemble Hassine Abbassi et Ouided Bouchamaoui est un bon signe pour la directrice générale du FMI. « Je ne peux qu’en être agréablement surprise, a soufflé aux siens Christine Lagarde. C’est, en soi, un message fort ! ». Abbassi n’a pas manqué de souligner à cette occasion les sacrifices consentis par les travailleurs qui font face à l’érosion de leur pouvoir d’achat, le blocage des salaires, les licenciements, les conflits sociaux, menaces de chômage et autres difficultés. Il s'est néanmoins félicité de la reprise du dialogue, ces dernières semaines et de l’aboutissement de nouveaux accords salariaux dans le secteur public. « Ca commence à se débloquer, a-t-il indiqué avant d’ajouter : ce que l’UGTT demande c’est une concertation effective dans tout ce qui concerne les travailleurs et pour toute question qui peut avoir de l’impact sur leur pouvoir d’achat et vie quotidienne. » L’allusion est claire aux questions discutées entre le FMI et le gouvernement tunisien. Ouided Bouchamaoui, acquiesçant quant à la nécessaire concertation continue, souhaite elle aussi plus d’implication. Elle évoquera aussi la réalité de l’entreprise tunisienne confrontée à la contrebande, au commerce informel, à la fiscalité obérante et l’augmentation des charges. Des messages reçues 5/5.
Entre femmes
Le dîner organisé avec des femmes politiques et de la société civile a été un moment exceptionnel. Y avaient notamment pris part Zohra Driss, Donia el Hedda Ellouze, Amel Bouchamaoui (AMCHAM), Bochra Belhaj Hmida, Selma Baccar, Mehrezia Laabidi, Emira Yahaoui (fondatrice d’Al Bawsala), Lina Ben Mhenni, Sana Ghenima et Asma Ben Hmida (Enda). La députée Bochra Belhaj Hamida a évoqué en détail le projet de loi sur la réconciliation économique, subissant une montée en assaut de Selma Baccar, arrivant directement de l’avenue Bourguiba, stigmatisant notamment la violence opposée aux manifestants à cette loi, mais le débat s’est rapidement enroulé sur différents autres aspects de la transition politique et économique. Christine Lagarde était ravie d’écouter diverses analyses qui soulignent la pluralité des opinions et la riche contribution de la femme tunisienne en première ligne, à la défense des libertés et l’ancrage de la démocratie.
Avec le Gouverneur Ayari et les ministres Chaker et Brahim
Le courant passe très bien entre la directrice générale du FMI et Chedly Ayari que se connaissent et s’apprécient de longue date. La confiance mutuelle est perceptible. Les entretiens élargis par la suite aux membres du conseil d’administration, puis aux directeurs généraux de la BCT ont été empreints de franchise. Les équipes sont déjà au travail. L’ébauche de la note d’orientation du Plan de développement économique 2016 -2020 a été discutée. Les éléments du programme de coopération avec le Fonds commencent à prendre forme pour permettre d’engager les discussions en novembre prochain, avec l’espoir de conclure durant le premier trimestre 2016. Monia Saadoui, dépêchée par la BCT au FMI à Washington en qualité de conseiller auprès du directeur exécutif en assure un suivi quotidien. Les deux ministres concernés, Slim Chaker (Finances) et Yassine Brahim (Développement, Investissement et Coopération internationale) ont été associés par le Gouverneur Ayari aux entretiens avec Mme Lagarde et ont pris part notamment à la conférence qu’elle a donnée à la BCT. Lors du débat qui s’est ensuivi, plus d’une fois, le Gouverneur a demandé au ministre Chaker de monter au créneau pour répondre à des questions de sa compétence. « Félicitations ! Vous vous en êtes très bien sorti, Monsieur le ministre, le gratifiera Christine Lagarde.
Ukraine, Tunisie et Libéria
Le temps d’un déjeuner auquel se sont joint notamment les ambassadeurs de France et du Royaume Uni, Selma Elloumi, ministre du Tourisme et Ridha Ben Mosbah, conseiller économique auprès du Chef du Gouvernement et d’aller à l’aéroport. Arrivée d’Ukraine, la directrice générale du FMI s'est envolée pour le Libéria. Trois pays significatifs. La séquence Tunisie l’a fortement intéressée, assurent ses proches.
Taoufik Habaieb