Lettre ouverte à M. Le Ministre du Développement, des Investissements et de la Coopération internationale
C’est suite à une question posée par un citoyen averti sur Leaders du 31 Juillet 2015 : "G7: Quels projets seront soumis? " le premier de ces projets devant être un projet de développement économique et social et le second pour la sécurité. Ces projets, que le président Obama, Mme Merkel avec d’autres dirigeants du G7 avaient demandé au président Caïd Essebsi lors du sommet d’Elmau en juin dernier, devant être examinés lors de la rencontre du G7 de ce mois de septembre à New York. Et comme c’est de l’âme du prochain Plan que ces projets doivent être sélectionnés, j’ai pris sur moi d’écrire à Monsieur le Conseiller diplomatique de la Présidence pour attirer son attention sur la nécessité absolue pour notre pays de penser à un véritable "Plan Directeur de Développement Durable de l’Agriculture" au titre du 1er projet promis par le G7 ; en quelque sorte un Plan Marshall pour l’agriculture.
Sachant bien que, pour une offre pareille du G7, nos penseurs en Développement, Investissement et Coopération devraient avoir une vision plus large pour ce 1er projet que la présentation d’un quelconque projet de construction d’une autoroute ou d’un barrage pour lesquels les bailleurs de fonds ne manquent pas ! Le choix ici devra se baser sur les véritables priorités ; il devra aller en profondeur, penser à tout ce qu’il y a derrière le G7 comme potentiels d’innovations, de possibilités de formation de spécialistes de haut vol, d’expériences vécues dans ces pays pour développer leurs économies, des "mises à niveau véritables" qu’ils ont pratiqués, de mesures prises pour préserver leur environnement …; et surtout faut-il encore qu’ils soient convaincus que tout commence par cette agriculture nourricière du pays, qu’elle forme un sujet majeur que le G7 appréhendera très bien, que cette agriculture forme un condensé formidable des problèmes auxquels le prochain plan doit s’attaquer et répondre complètement!
A cette proposition, le Département diplomatique de la Présidence a eu l’amabilité de me répondre en disant que ce courrier "a retenu leur attention et a été transmis, pour suivi, au Ministère du développement, de l’investissement et de la coopération internationale - MDCI". J’ai transféré la réponse à ce Ministère en me mettant à leur disposition s’il le souhaite mais je n’ai pas reçu d’autre suite. Ce fut alors que fut publié une 1ère fois sur Leaders "Le projet de Note d’Orientation du Plan 2016-2020" pour avis des Partis Politiques qui attira mon attention et certainement celle de plus d’une compétence parmi celles qui s’intéressent à l’avenir de ce pays dans les différents domaines! J’ai commencé à examiné ce projet provisoire (sur lequel le MDCI a planché semble-t-il durant 2 ans) quand, le 9 Septembre fut publié une 2ème fois sur Leader une version définitive.
N’ayant pas l’intention de discuter l’ensemble de ces documents, ce qui ne serait pas de ma compétence, j’essayerai seulement d’examiner quelques points de rencontre qu’on y trouve avec le secteur agricole, après ceux déjà rencontrés dans le projet de code des investissements (version préliminaaire du 25 Mai 2015 en Français).
Une première frustration pour l’Agriculture : Le Code des investissements
L’approche du MDCI vis-à-vis du secteur agricole, que l’on rencontre déjà dans cette version du Code des investissements préparé le 25 Mai 2015, est loin de placer le secteur de l’Agriculture même en 2ème ou 3ème position dans ses préoccupations. Les diagrammes plutôt frustrants du fac-similé ci-dessous qui caractérisent le secteur agricole dans la vision – si peu élogieuse - du MDCI en page 26 et qui forment déjà une condamnation de ce secteur.
Caractérisation encore "acceptable" si ce code éventuel aurait mentionné – au moins - que "le secteur a été victime d’une absence quasi-totale d’une politique agricole socio économique de la part de les anciens gouvernants ; que le code envisage de corriger pareille erreur à travers une démarche spécifique à mettre en exergue dans le code même"en vu de le mettre au diapason du 21éme siècle et pour répondre aux vœux de la Révolution.
Voici donc une première claque que j’ai reçue, on verra bien la suite, le code étant censé être discuté - et promulgué si l’ARP émettra un avis favorable - avant la fin de 2015.
J’espère que nos journaux, prenant conscience de l’importance des tendances décrites dans ce document dans ce moment si particulier pour la Tunisie, sauront être plus éloquents à ces rendez-vous et assureront, au fur et à mesure, l’indispensable publication "des avis de ces chers Partis Politiques" …. Le Public finirait, peut-être alors, par saisir quelles sont les orientations et intentions pratiques de ces partis sur les plans économique et social (et que ni les campagnes électorales ni les élections elles-mêmes ne nous ont pas permis d’entrevoir!).
Le 1er projet de Note d’Orientation du Plan 2016-2020 : un gap entre les attentes et les "préconisations"
Pour ce qui est du 1er projet de Note, c’est-à-dire "La Note d’Orientation" soumise par le MDCI à l’avis des Partis Politiques en attendant les avis des Partis Politiques concernés ; et en toute conscience de l’agronome que je suis, convaincu de mes modestes connaissances du secteur agricole et de ses potentialités, si cela ne gêne pas les services du MDCI ; je me pose la question sur ce qu’apporte cette note en matière "d’Orientation du Plan 2016-2020" en général, et, pour l’Agriculture en particulier?
Globalement, on peut dire que pareille note, malgré la fioriture de beaux mots parsemés dans le texte, donne l’impression d’un listing d’objectifs ou d’intentions auquel il manque la rigueur conceptuelle, au moins pour le secteur qui nous concerne. A d’autres compétences de juger de ce qu’elle renferme pour leurs secteurs respectifs. Les intentions, certes louables, ambitieuses, mais seraient elles envisageables même à l’horizon de l’An 2030…; et encore, si on prend la peine de les assortir des paquets d’actions concrètes et adaptées au pays ? D’ailleurs, comment envisage-t-elle de surmonter la mentalité des populations qui prévaut aujourd’hui, et qui auront un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs tracés avant l’échéance de 2020 ?
Les nouvelles habitudes du moindre effort, des revendications à tour de bras et sans contrepartie… acquises durant ces 5 dernières années et la "dynamique à rebours" qu’on constate ne semblent pas militer dans le sens de cette échéance toute proche ; et ce qu’il s’agisse de certains fonctionnaires en place, des nombreux fonctionnaires amnistiés et de retour à l’Administration, de travailleurs de toutes catégories, de jeunes en chômage ou des malheureux agriculteurs qui cherchent à se dépatouiller de leur surendettement…!.
Les préconisations du 1er projet de Note d’Orientation
L’examen de cette "Note" et de la place réservée à l’Agriculture, demandant beaucoup plus de temps que je n’en dispose, je laisserai de côté le Ier chapitre qui diagnostique les réalités du développement et le chapitre II qui trace les grandes lignes du Projet social et de développement. J’essaierai ainsi de limiter, ci-après, à quelques analyses et commentaires à quelques sous chapitres et paragraphes, en relation avec l’avenir de l’agriculture, au chapitre III (Axes stratégiques du plan économique et social) et au chapitre IV (Points d’appui des choix stratégiques).
Rappelons toutefois que le Ier chapitre donne une analyse plutôt politisée de la situation et baigne dans des notions macroéconomiques théoriques. Il occulte à titre d’exemples, et ne fait aucun commentaire sur les errements manifestes dans l’approche et l’orientation des derniers plans aux niveaux techniques et financiers pour l’agriculture (évoquée furtivement dans ce chapitre en P7 et P12) et sur les raisons des faibles performances techniques et économiques dues à leur inadaptation des choix effectués au pays.
Pour ces commentaires, la note d’orientation étant rédigée en Arabe, et pour faire gagner utilement la compréhension de cet article ; des présentations succinctes en Français (en italique) du contenu de la Note seront résumés dans la suite de l’article qui suit.
L’Agriculture (tous secteurs confondus : économie rurale, CES, parcours ou hydraulique) est citée une dizaine de fois au total dans cette note. Mais est-ce pour mettre en évidence la priorité qu’elle mérite? ou pour la dénigrer encore?
Le chapitre III (Axes stratégiques du plan économique et social) et le chapitre IV (Points d’appui des choix stratégiques) annoncent peu d’orientations au niveau de l’Agriculture ; et celles annoncées ne sont pas parmi celles qui ont donné les meilleurs résultats. Une appréciation plus approfondie des actions permettra une vision plus claire des orientations souhaitables pour le secteur agricole, la conception et la mise en œuvre des moyens destinés à atteindre les objectifs techniques et financiers et à favoriser le progrès social.
Ce papier permettra de mettre en exergue là où la Note a tord, ce qu’elle omet de dire et d’arrêter comme actions à mener et d’évaluer quantitativement (fond) et qualitativement (forme) les investissements à programmer au niveau du Plan quinquennal 2016-2020 et du budget 2016.
Exemples où les choix de la Note d’orientation ne peuvent être justifiés :
Le sujet étant trop long, ces quelques exemples – toujours sur le plan agricole - montrent à quel point la note d’orientation fait fausse route !
Ainsi :
Quand la note dit d’une part que "La gestion des ressources naturelles et protection de l’environnement (§ 3.3.1) représentent une grande priorité … ce qui nécessite une grande sensibilisation à leur rareté… et qu’il sera procédé à la mise en place de piliers d’un développement durable tenant compte des progrès de l’économie et des droits des générations montantes en ressources naturelles… ; et vu les pressions sur ces ressources surtout pour l’eau et l’énergie, il sera tenu compte de ces faits dans l’adoption des politiques et des programmes sectoriels…" et, que dans le tableau n° 7, il est prévu en matière d’hydraulique la poursuite de la mobilisation des ressources, la création de barrages, leur connexion en plus de la maîtrise de la gestion…" ; et d’autre part, elle prend comme points d’appui des choix stratégiques" qu’un appel sera fait à la technologie numérique… et de donner à la productivité du secteur agricole l’importance qui convient (sous chapitre 4.4).
Ici l’approche est complètement déséquilibrée ; elle oublie que la création de nouveaux barrages est très couteuse alors que la valorisation des barrages existants et de leurs périmètres irrigués est encore trop faible et que, comme points d’appui, il faudra estimer et décider des moyens à utiliser pour donner l’importance qui convient à la valorisation et la productivité du secteur. Ce qui nécessite des choix fondamentaux quant à l’option à prendre comme par ex. la remise en selle du problème des structures la vulgarisation étatique ou bien l’adoption d’une politique de lancement d’une véritable vulgarisation professionnelle par la création de 24 chambres d’agriculture, le recrutement de techniciens (création d’emplois), l’acquisition de moyens de travail…. auxquels ces chambres ne peuvent faire face, faute de moyens financiers et pour lesquels de larges subventions de l’Etat doivent être prévues au moins durant les 5 années du plan!
Autre exemple : pour les "méthodes de production et de consommation orientées vers une économie verte intégrée et innovante" (§ 3.3.4 et Tableau n°7) ; ils seront basés sur l’adoption d’une agriculture moderne qui consolidera la sécurité alimentaire, une agriculture biologique, un tourisme durable et une industrialisation qui n’épuise pas les ressources en plus d’une gouvernance environnementale et sociétale dans les entreprises économiques pour garantir la durabilité du développement". Pour l’énergie, des mesures sont annoncées pour divers secteurs" fin de citation.
Dans cet autre exemple plein de mots, dont le contenu n’est pas explicité et où l’agriculture n’est évoquée ni au niveau de la production ni au niveau de la consommation dans le Tableau n°7 de la note d’orientation ; l’agriculture moderne qui consolidera la sécurité alimentaire n’a ici aucun sens s’il n’est tenu compte de la forte présence d’une petite agriculture non viable et non vivable. La note devra ici annoncer clairement pour quelle type d’agriculture moderne elle opte ; soit pour une agriculture moyenne familiale (comme recommandé par plusieurs sommités dans le domaine et par la FAO) pour lesquels "investissements"veut plutôt dire "crédits et subventions" aux petits agriculteurs à faibles moyens; ou bien; pour les grands domaines pour lesquels l’Etat "rechercherait d’hypothétiques investissements lourds" ou encore pour les 2 cas.
Un 3ème exemple (Tableau n°7 de la note) : d’une part et à propos du secteur agricole dans sa globalité où la note affirme que "pour le secteur agricole, il sera fait appel à la maîtrise de la gestion de l’eau, sur les techniques d’économie de l’eau, l’amélioration de la productivité des périmètres irrigués, l’utilisation d’espèces peu consommatrices d’eau, l’encouragement de l’agriculture biologique, la limitation d’intrants chimiques…". Et, d’autre part, et, au sujet de la lutte contre la désertification, l’érosion et la protection du sol disant que "durant les prochaines années seront réalisés grâce à l’amélioration du milieu rural et des services publics par … la gestion durable en partenariat pour les parcours et les forêts … en plus de la poursuite des travaux de CES".
Pour maîtrise de la gestion de l’eau, il se pose encore une fois le problème de quelle politique de vulgarisation se propose-t-on de relancer pour apporter ces messages à l’exploitant ; mais encore, la note doit-elle définir la conduite à tenir vis-à-vis de ces GDA créés pour gérer l’eau, et auxquels l’Administration s’était empressée de se débarrasser de la gestion d’une eau qu’elle a "mobilisée" sans prévoir au début les méthodes et suites indispensables à la gestion et à la valorisation de cette eau! De même et comme rien n’est indiqué quant à "l’amélioration des services publics…", rappelons le cas des "cellules territoriales de vulgarisation". Ces cellules, créées dans les années 70 et 80, et presque aussitôt abandonnées par des gouvernements qui n’ont rien compris au rôle qu’elles sont appelées à jouer pour la promotion de l’agriculture. L’amélioration à prévoir aujourd’hui devra se faire sur le plan de l’infrastructure et sur leurs fonctionnalités; ce qui nécessitera des études et des moyens financiers à inscrire sur les budgets dès 2016.
Quant à l’annonce de "la poursuite des travaux de CES", c’est vite oublier ce que l’ancienne politique de travaux de CES… qui avaient décapé la couche fertile des sols dans ses zones d’intervention et détruit leur matière organique ; tout en engouffrant des millions de dinars sur le budget tunisien et sur des prêts contractés auprès de bailleurs de fond ? (Voir l’article "Baisse de fertilité des sols cultivables" publié le 25 Mars 2008 sur la presse…". Pour ce type d’action, non seulement il ne faut pas poursuivre les travaux ; mais il faut se "re poser" la question déjà posée par le professeur Ali Mhiri en 1995 : l’homme peut-il refaire ce qu’il a défait? Il faut plutôt envisager une vision plus globale pour améliorer les productions végétales, l’élevage et les pratiques à introduire pour la régénération des sols... dans les plus brefs délais… en attendant les méfaits des prochains changements climatiques…!
Un dernier exemple (4.1.7) relatif aux réformes foncières : Enfin, on ne peut terminer ce rapide survol de la note d’orientation et des nombreuses réformes évoquées, sans une petite analyse de ce que les services du MDCI ont conçu pour la réforme du système foncier. La note affirme que les réformes foncières sont la locomotive des réformes des autres secteurs… De ce fait, elle prévoit que… "la réforme du système foncier passera notamment par la promulgation d’un code unificateur de tous les textes dans ce domaine, le renforcement des services régionaux responsables su secteur foncier, la création d’une institution de coordination entre tous les services concernés. Cette institution aura un rôle primordial dans la détermination de la politique générale et un rôle décisionnel en matière foncière pour soutenir pour soutenir le développement régional et l’investissement. Faire évoluer les textes régissant l’Administration de la propriété foncière…"
Décidément on ne peut être simultanément plus concis et plus vague pour des problèmes aussi complexes ; problèmes qu’elle expédie ainsi d’un magistral "coup de balai" …! J’ignore ce que les secteurs économiques ont comme problèmes fonciers… ; mais ce que je sais c’est que, pour la seule agriculture, cela prendrait une vingtaine d’années au moins pour surmonter ces problèmes et, encore si l’approche adoptée est suffisamment pertinente et appliquée avec assiduité. Bien entendu, il y a besoin d’un texte de base dont la conception est à faire en commun entre le législatif et l’exécutif ; mais ce texte n’a pas besoin "d’être unificateur de tous les textes", vu la spécificité de l’agriculture, et que cela n’introduirait que des complications supplémentaires….
Toutefois, son élaboration n’interdit, en rien, de mettre en place quelques actions/pilotes dès 2016 pour mieux tester et apprécier l’impact des unes et des autres et clarifier le chemin à suivre. De même, la note doit dégager des options et des orientations et démarrer pour les terres domaniales attribuées depuis l’Indépendance et dont la cession au profit des bénéficiaires traîne encore…. D’autres options et orientations sont également à prendre pour les 500.000 ha de terres domaniales encore non attribuées et pour les terres collectives encore indivises .… etc, etc….
Les attentes d’un secteur agonisant : l’Agriculture
Au lieu de ce sous titre, J’espère qu’on pourra écrire bientôt comme titre "les attentes des agriculteurs à moyens et longs termes" ; car pour le moment ces attentes restent celles du court terme, l’agriculteur souffrant d’incessants problèmes du moment qui ne lui laissent pas le temps pour penser à ces moyens et longs termes. Je parlerai plutôt "des attentes d’un secteur abandonné et en état de pourrissement" que l’Etat a seul la possibilité de réanimer ; possibilité à laquelle l’agriculteur et l’agronome peuvent et doivent participer; car il s’agit de trouver la bonne orientation.
Une orientation de l’agriculture, décisive de l’agriculture et de ses structures, se doit d’être à l’origine d’un processus de modernisation et d’une transformation de grande ampleur. Elle forme une nécessité pour la création d’emplois, l’agro tourisme, le développement d’industries agro alimentaires et d’emballage et pour l’exportation. Cette orientation doit s’appuyer non seulement sur une politique de marché (extérieur mais également intérieur), de mise en place de véritables filières ; mais aussi sur un changement profond dans la gestion et les structures de l’exploitation agricole, permettant d’une part l’usage des techniques modernes pour accroître la productivité (mécanisation notamment), mais pas seulement sous les formes actuelles de CSA, SMSA… mais en faisant appel à d’autres formes plus adaptées.
Elle doit viser également une parité à atteindre pour les revenus de l’exploitant agricole avec les autres secteurs tout en garantissant aux consommateurs des prix alimentaires raisonnables (sans ces appels répétés à un rigide contrôle des prix). Par ailleurs, et vu déjà que l’exode rural est important, une vision nouvelle de l’agriculture doit faire écho aux aspirations à l’emploi des jeunes ruraux (diplômés ou pas) pour favoriser un retour à la terre.
Quatre ordres de mesures doivent figurer en particulier dans pareille note d’orientation.
- Faciliter la création d’un ensemble d’organisations de la profession agricole (et forestière) pour accroître la marge bénéficiaire de cette activité.La promulgation d’un texte pour la création d’un réseau de 24 chambres d'agriculture professionnelles régionales dont l’objectif est de prendre en charge progressivement les services d'utilité agricole et de contribuer à l'amélioration de la performance économique, sociale et même environnementale de l’exploitation agricole par l’encouragement à une démarche entrepreneuriale, le développement de l'emploi et l’allègement progressif des tâches dévolues aux CRDA relatives à la mise en œuvre des politiques de l’Etat. Ces chambres élues devront bénéficier d’un soutien financier conséquent pour leur garantir un bon démarrage.
- Décider d’un aménagement foncier qui a pour but d’encourager les exploitations familiales de taille moyenne recommandées en particulier par la FAO et sans toucher les grandes exploitations privées. Les petites exploitations devront être aidées à s’agrandir par recours à un prélèvement intelligent aux terres domaniales et les grandes ne doivent pas s’étendre davantage; l’objectif étant notamment de diminuer les coûts de production.Ces transformations supposent des transferts de terres à partir de terres domaniales dont l’Etat a été, pratiquement de tout temps, mauvais gestionnaire et dont il doit se dégager au profit de l’agrandissement de ces petites exploitations. L’Etat pourra ainsi initier un modèle fort recommandable pour le développement d’une agriculture axée sur l’agriculteur et sur l’exploitation agricole.
- Une étude des années 1980 existant déjà sur les Surfaces Minimales d’Exploitation Viable (SMEV) mérite une actualisation et promulgation d’un texte.
- Accroître le nombre de jeunes agriculteurs et le revenu de l’exploitant en fixant des conditions de départ ou du reclassement des agriculteurs âgés qui ne veulent pas, volontairement, demeurer à la terre (aides au départ). STIEGLIZ dit à raison : "La vieillesse n’est pas, en soi, un facteur de risque, mais elle peut être à l’origine d’une insécurité économique du fait de l’incertitude concernant les besoins et les ressources". Pour ce, il y a lieu de viser notamment l’installation de jeunes utilisant des techniques modernes et à productivité suffisante sur des exploitations de taille moyenne après départ volontaire des vieux exploitants. Adaptation au secteur le crédit agricole : les modes d’investissement établis après la suppression du FOSDA n’ayant donné que des résultats très relatifs, la remise en place d’un fonds spécial pour l'exercice de l'activité agricole doit être créé. Ce fonds à gérer au démarrage par les CRDA doit passer rapidement aux mains des chambres d'agriculture à créer. De même la gestion des risques climatiques liée au crédit doit être complètement revue et corrigée.
Les préconisations définitives du dernier projet de la Note d’Orientation
C’est alors que la version définitive apparaît le 9 Septembre est diffusée sur Leader, et que Leader a eu la gentillesse d’appeler "une présentation de synthèse". Mais en l’absence d’un document officiel, "une présentation de synthèse" ne présente, en définitive, rien dire ! C’est un genre de ce qu’on appelle habituellement un DATA SHOW, qu’un professeur ou un professionnel qui cherche à expliquer rapidement un document plus détaillé à un auditoire donné qui pourront l’étudier à l’aise par la suite… Présenté sous forme d’une série de diapositives en power point le data show est construit pour un impact visuel et sonore à une présentation innovante pour mieux expliquer un thème donné.
Mais notre note, qui n’en est plus une, ne comporte pas de diapositives et personne ne se trouve à côté pour expliquer! C’est simplement des séries de tableaux, de diagrammes, de courbes et de postulats… à vous d’en trouver l’interprétation sans qu’on vous donne de ficelles quant au secteur concerné, aux actions à mener, à l’échéancier à appliquer ou aux moyens humains et financiers à réserver ! Autant d’énigmes pour le lecteur, les partis politiques, les représentants du peuple, d’associations et autres ….
Ainsi de l’insuffisance d’explications sur les choix relevés sur le 1er projet de note on est passé à un papier (pas une note) muet interprétable et corvéable à merci. Il se termine d’ailleurs par un magistral "CHOKRAN". Est-ce que c’est l’option pour une économie numérique, moderne et innovante du MDCI qui fait cela?
M. Le Ministre du Développement, des Investissements et de la Coopération internationale
Peut-être que les économistes, planificateurs, concepteurs… du projet de Note d’Orientation du Plan 2016-2020 de votre Département, tout comme ceux du projet du Code des investissements, auraient pensé que "mettre en avant la recherche de secteurs à haute valeur ajoutée, la promotion d’une économie numérique, d’une économie verte intégrée et innovante, la diversification du tissu économique…"comme nouvelles bases de Développement dans cette note fait plus jeune et plus novateur… au lieu de reprendre l’ancienne formule qui plaçait, entre autres, l’agriculture comme secteur prioritaire du développement régional et national et que cela donnerait à l’approche un caractère vieux jeu, rétrograde ou insuffisamment perméable au progrès!
Le secteur agricole est évoqué de façon succincte dans le paragraphe 3.3.4 du 1er projet en projetant "l’adoption d’une agriculture moderne qui consolidera la sécurité alimentaire, une agriculture biologique" mais sans autres précisions de contenu, d’actions ou de moyens à mettre en œuvre …pour ce faire ; ce qui ne peut que laisser au lecteur averti qu’une impression frustrante d’une vision plutôt péjorative du MDCI vis-à-vis de l’agriculture et du monde agricole….
Et au moment où nos voisins occidentaux, dont nous nous sommes souvent inspirés, adoptent pour slogan "Agriculture rime avec générations futures"… la note adopte de son côté de favoriser, essentiellement une "économie de niches" pour d’étroites productions ou services à portée immédiate d’élites ou d’initiés mais pas forcément de la masse ni des générations prochaines. L’idée est certes intéressante mais un arbre ne peut cacher la forêt…, et l’agriculture est une véritable "forêt" dont il faut connaître les multiples facettes pour exploiter ses potentialités….
Les ratages des anciennes approches, devant être expliqués par la note, étaient dus aux priorités mensongères de l’ancien régime et au contenu rarement précisé et non pas au secteur lui-même. Aujourd’hui, la déclaration à adopter doit être très claire et la priorité justifiée par des objectifs réels et réalistes : "nourrir le citoyen ; améliorer le coût du couffin de la ménagère ; développer un plan protéine pour réduire les importations d’aliments du bétail (surtout maïs, soja et orge pour les ovins) et la dépendance du pays en ces produits ; créer de l’emploi ; définir une politique de crédit et de subvention permettant un redémarrage du secteur".
Aujourd’hui, les pays développés se targuent – à juste titre - par l’objectif qu’ils se donnent de pouvoir "Nourrir la planète en 2030 et 2050"…alors que notre projet de Note d’orientation n’ose presque pas parler de la nourriture du citoyen… comme s’il en a honte. On ne peut quand même pas le nourrir des brioches comme y penserait une Marie Antoinette de 2015….. ! De ce fait, l’écart risque de s’agrandir entre la manière dont s’est exprimé le Tunisien moyen lors de la révolution et cette vision de l’élite politicienne ; l’orientation doit adopter ce type d’objectifs et répondre au vœu du citoyen. La masse des consommateurs a besoin de pain, d’huile, de viande… tout comme la masse des producteurs si on lui donne les moyens de le faire ! Et cela, il faut que la Note ose le dire et baser là-dessus ses projections.
De plus la Note d’orientation qui ne parle pas d’une "priorité" pour ce secteur ; ce qui est grave surtout pour un MDCI dont le 1er rôle est de développer…. et qu’il a en face de lui quelques 600.000 exploitations agricoles qui n’attendent que les moyens de se développer.
Autre ratage dû aux bavures des anciennes approches que les concepteurs de la note doivent mentionner quand ils évoquent "l’insuffisance de l’investissement privé" et passer sous silence la situation financière de l’agriculteur. La réalité étant que les Plans successifs ont basé le développement agricole sur des concepts inadaptés tels que "l’investissement public doit se limiter aux grands travaux : hydraulique, CES…" et c’est l’agriculteur qui doit prendre en charge les investissements dans l’exploitation alors que l’agriculteur désargenté à force de surendettement ne peut faire face à ces investissements dits privés, et, que les formes de groupements mises au point pas l’Administration (CSA, SMSA) sont inadaptés et mal vulgarisées. Simultanément, la Note parle de l’investissement privé comme moteur du développement et de l’emploi sans qu’elle ne semble pas mettre l’agriculture dans son collimateur alors qu’il est temps de se focaliser sur l’essentiel dont l’agriculture !
Par ailleurs, rappelons qu’une tranche importante de ces objectifs doit se réaliser sur le budget 2016; qu’elle nécessite des délais pour la préparation des études sectorielles et (ou) sociales si les budgets 2015 ont prévu les allocations nécessaires…. A la suite de quoi des délais sont à prévoir pour des négociations, des arbitrages, des recherches de financements pour les actions à inscrire. Lequel budget doit être discuté en profondeur, lui aussi, et voté avant le 31 Décembre 2015. La note d’orientation ne dit pas si des progrès ont été faits en ce sens et si une masse critique d’études est prête pour être inscrites sur le budget 2016 ou sur le Plan 2016-2020 alors qu’il reste à peine trois mois pour tout faire ! Sans parler des délais indispensables "aux planificateurs du MDCI" pour présenter des alternatives d’actions parmi lesquelles les partis politiques, la société civile, les compétences (si jamais on veut bien les consulter)… auraient à se prononcer et enrichir le débat public.
De plus une Note d’orientation a besoin de se faire approprier et valider par le pouvoir législatif. Comment concilier alors les délais de cette appropriation et ceux de la préparation d’un Plan 2016-2020 et d’un budget 2015? Et puis qui va préparer ce Plan "maintenant en fin 2015", quand la note dite d’orientation elle-même prévoit (§ 4.1.1) "la préparation préalable d’un document pour se mettre en conformité avec la constitution en s’aidant d’études internationales « Smart government », « Open Gov », « Efficiente Gov »…, ou la création d’une académie de formation des fonctionnaires… à l’échéance de 2030" pour parvenir à une Administration qui se respecte ?
Ainsi aujourd’hui avec cette trop légère et impensable vision réservée au secteur agricole, la présentation d’une Note d’orientation aux Partis ou à l’ARP serait trop précoce surtout qu’elle est restée muette sur son objet même qui est "la notion d’orienter". Les 2 documents en présence du MDCI ne livrent que quelques "intentions" ou "objectifs pour l’horizon 203 !0". L’enjeu est lourd pour la Tunisie et nécessite une meilleure orchestration du temps et de l’espace ; oui de l’espace car toutes ces projections ne doivent surtout pas oublier les régions intérieures et leurs séculaires problèmes.
Ceci dit, M. le Ministre, l’urgence immédiate n’est donc plus pour la discussion d’une note d’orientation mais plutôt pour la préparation et la discussion du budget 2016. Budget, pour lequel il faut trouver des compétences pour le concevoir ; et qui devra refléter une vision "corrective des errements du passé ; prévoir leurs dus- en partenariat avec les compétences des différents secteurs - aux régions intérieures ; favoriser l’emploi des jeunes ; développer l’agriculture pour nourrir les citoyens et le cheptel dont ils ont besoin…! Ce budget devant sélectionner les actions à exécuter et initier des modèles de développement durable, autonomes en énergie et compatibles avec le XXIème siècle …. .car il n’y a plus de temps à perdre…. et l’Administration doit avancer et donner l’exemple avant le privé.
Enfin, je rappelle à votre bonne mémoire, la suite que la Tunisie est censée remettre au G7, un projet de développement économique et social pour financement et pour lequel j’ai proposé un "Plan Directeur de Développement Durable de l’Agriculture" pour la faire bénéficier, en plus du financement, des potentiels d’innovations existant dans les pays du G7.
Malek Ben Salah
Ingénieur général d’agronomie, consultant international,
spécialiste d’agriculture/élevage de l’ENSSAA de Paris
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