News - 09.03.2016

Taïeb Triki: L’éducateur et l’écrivain très proche de Messaadi

Taïeb Triki: L’éducateur et l’écrivain très proche de Messaadi

La première génération des enseignants de l’indépendance de la Tunisie avait appris à apprécier ses hautes compétences. Taïeb Triki, qui vient de s’éteindre à l’âge de 95 ans, avait été chef de cabinet de Mahmoud Messaadi pendant les dix années qu’il avait passées à la tête du ministère de l’Education nationale. Et à ce titre, il avait largement contribué à la première grande réforme de l’enseignement. Il veillera à la création du Centre national pédagogique (CNP), dont il sera le premier P.D.G., et de l’Office national des œuvres universitaires (Onou). Il était aussi l’auteur de plusieurs nouvelles et livres pour enfants et avait traduit en arabe l’œuvre maîtresse de Flaubert, Salammbô. Parcours!

Enfance

Né à Sfax le 27 août 1920 dans la maison familiale de son grand-père maternel. Orphelin à l’âge de 9 ans, il a très peu connu son père, Hassen Triki, Zeitounien et notaire. Sa mère Yasmina Ellouze, élevée dans la tradition, mais courageuse et ambitieuse, entreprend des travaux de couture pour payer les études de son fils. Son oncle, M. Ben Salem, féru de littérature et mari de l’une de ses tantes maternelles, lui inculque l’amour de la lecture. Il passe l’examen d’entrée en sixième, et dans la foulée le concours d’entrée à Sadiki, sur le conseil de ses maîtres, parmi eux M. Tahar Chaabouni, un ami de la famille, qui l’a beaucoup influencé par sa rigueur et sa culture.

Souvenirs de Sadiki

Taïeb Triki n’échappe pas à la magie sadikienne. De vocation scientifique, il prépare un bac maths élem, mais des professeurs remarquables comme Sadok Mazigh, Cheikh Fadhel Ben Achour, Cheikh Mokhtar Ben Mahmoud, Cheikh Abdelaziz Djaït et bien d’autres lui font découvrir la richesse de la littérature arabe et du Fikh. Le souvenir de Sadiki le plus cher se rapporte à Cheikh Fadhel Ben Achour qui avait pour habitude d’inviter un groupe de ses élèves, la veille des examens de fin d’année, à un goûter dans la propriété familiale à La Marsa, où on leur servait de la limonade et des pâtisseries. Cette relation profonde entre le professeur et son élève s’est prolongée bien au-delà des années  Sadiki.

Études supérieures

N’ayant pas les moyens de faire des études d’ingénieur en France, il poursuit son cursus universitaire à l’Institut des hautes études, annexe de La Sorbonne à Tunis, où enseignaient d’éminents professeurs, dont Mahmoud Messaadi. Pour financer ses études, il occupe le poste de surveillant à l’Ecole normale de Tunis et se fait remarquer par messieurs Sahbi Farhat et Abed Mzali qui l’aident à intégrer la fonction publique grâce à ce poste. Licencié ès lettres et capésien, il enseigne au Lycée Carnot.

La vie syndicale

Très proche des syndicats, il occupe le poste de secrétaire général du syndicat de l’enseignement secondaire dans les années cinquante.

Mouvement national

Rejoint le Parti destourien très jeune. Actif dans le mouvement national, il échappe à une condamnation à mort car il était recherché sous le nom de son grand-père.

Il préside durant de nombreuses années la cellule destourienne d’Agareb.

Ministère de l’Education nationale

Sa relation avec le ministère de l’Education remonte aux années cinquante, lorsque Monsieur Abed Mzali le charge de nombreuses missions durant la période de Lucien Paye, directeur de l’Instruction publique.

1958: il est nommé chef de cabinet du ministre de l’Education nationale, Mahmoud Messaadi.

La réforme de l’enseignement aux côtés de son professeur Mahmoud Messaadi est l’œuvre maîtresse de sa carrière (mai 1958- juin 1968)

L’équipe Messaadi sillonne la Tunisie pour la généralisation et l’unification de l’enseignement.

La création de l’Université tunisienne en 1958 est un autre défi. La création de la faculté de médecine est un grand moment. Vers la fin 1968, Taïeb Triki rejoint Mokhtar Laatiri pour le démarrage de l’Ecole nationale des ingénieurs de Tunis (Enit): un autre fleuron de l’enseignement supérieur.

En 1970, il propose la création de l’Office national des oeuvres universitaires (Onou) et rédige les statuts du futur office qu’il dirigera pendant quelques années.  Il fonde le Centre national pédagogique (CNP) et le dirigera jusqu’à son départ en retraite anticipée, afin de se consacrer à ses premières amours, l’écriture et la littérature enfantine.

Taïeb Triki l’écrivain

Ses premiers écrits remontent aux années cinquante. Il publie de courtes nouvelles dans les revues Al Nadwa et Al Fikr. Un nouveau genre littéraire qu’étudient plus tard ses collègues et amis Tawfik Baccar, Mongi Chemli et beaucoup d’autres. Cette littérature intéresse également les sociologues et même le juriste Yadh Ben Achour qui fait allusion aux livres de Taïeb Triki: «le Sha’b concret des faubourgs, des ports, des cafés, des champs devient un centre d’intérêt littéraire ...» (Yadh Ben Achour, Politique, religion et droit dans le monde arabe; p.164). En effet, Yadh Ben Achour parle de concepts en devenir, « ‹Adl, Dawlah, Haq, Siyada, Sha’b» et identifie le phénomène dans les titres suivants: Salem Alhaouet, Saïd El Hammel, Slaiem El Farzit. De son côté, Mongi Chemli parle de réalisme social dans les écrits de Taïeb Triki, alors que Tawfik Baccar insiste sur les tableaux de grande misère décrits dans certains titres.

  • Sindabâdul-fadâ : Taïeb Triki lance un défi avec ce livre, afin de montrer les capacités de la langue arabe à s’adapter à toutes les formes de littérature.
  • Chajaratul-lawz: un roman semi-autobiographique qui démontre l’amour et l’attachement de l’auteur à ses racines, à la terre et surtout au «jnène» que chérissait tant sa mère, Yasmina Ellouze.
  • Salammbô (2008) : l’auteur considère la traduction de Salammbô en arabe comme la pièce maîtresse de sa carrière d’écrivain. Lycéen à Sadiki, il préparait ses examens avec certains camarades sur la colline de Byrsa, près de la Basilique Saint Louis, afin de fuir les habitations froides et humides de la Médina de Tunis où il habitait. Ces petites excursions ont ravivé en lui l’amour de l’histoire de sa chère Tunisie et de Carthage. D’après lui, ces petits détails, bien enfouis, l’ont très probablement poussé à élire domicile à Carthage et à traduire l’œuvre colossale de Flaubert.

Rédacteur en chef de la revue Qaws Quzah durant douze ans (1984-1996), il traduit des dizaines de contes pour enfants. Il écrit pour la radio nationale de nombreux textes à lire dans l’émission «Mutalaat» et traduit quelques chapitres du Petit Prince de Saint-Exupéry. Il écrit également de nombreux textes pour une émission à thème, «Wahi al Fusul».

Taïeb Triki est décédé chez lui, à Carthage, le 31 janvier 2016.

R.T.


 

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