News - 11.03.2016
Mustapha Kamel Nabli : Merci Ben Guerdane
Soyons à la hauteur de ses sacrifices, de sa générosité et de son courage. Il y a bien sûr le choc et la douleur provoqués encore une autre fois par une attaque sans précédent contre notre pays, et par la perte de nos martyrs parmi les vaillants soldats et des membres des forces de sécurité, et parmi nos courageux concitoyens de Ben Guerdane. Mais il y a aussi deux leçons qui nous sont parvenues de Ben Guerdane en ce début de printemps 2016. Ces deux leçons nous permettent d’entrevoir surgir l’espoir et la lumière suite à une période de morosité et de pessimisme ambiants.
- La première leçon, la plus importante, est une nouvelle preuve que tous les tunisiens sont profondément rattachés à leur patrie, à leur destin commun, à leur Tunisie. Tous, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest et ce malgré les tentatives de certains de nous diviser et de nous faire douter de notre « tunisianité ». Les terroristes comptaient sur un relâchement de ce rattachement et sur des divisions qu’ils ont imaginées dans leurs ténèbres. Cette leçon a été dure pour eux, mais combien agréable et toute naturelle pour nous !
- La deuxième est que l’Etat tunisien reste debout et capable de rassembler et défendre le pays, sa souveraineté et son peuple. Par son armée, ses forces de sécurité et ses citoyens rassemblés autour d’eux, et malgré les tentatives des uns et des autres l'Etat a su riposter et casser les dents et le dos à ceux qui comptaient sur sa faiblesse et sa fragilité.
Ces deux leçons sont le résultat et la manifestation de quelque chose de plus profond, fondamental et humain, et proprement tunisien : un attachement viscéral au pays, une disposition au sacrifice qui n’a pas de pareil, une générosité sans limites, et un courage sans faille. Nos soldats, les membres de nos forces de sécurité, de la douane, les mères, pères et parents des martyrs et tous nos concitoyens de Ben Guerdane ont superbement montré la voie. Ils nous ont tous donné une leçon de patriotisme, de courage et de générosité qui sont inoubliables, ce qui nous a rempli de fierté, nous a mis au bord des larmes, nous a rendu l’espoir.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si nous pouvons être, nous simples citoyens, responsables politiques, élites ou autres, à la hauteur de ce qu’ils nous ont balisé comme chemin et pointé comme avenir commun ? Pouvons-nous saisir ce moment historique pour retourner une situation où le désespoir pouvait atteindre certains esprits et le pessimisme paralyser les actions ? Sommes-nous capables de transformer une « crise » en une « opportunité » ? Est-ce bien l’électrochoc dont nous avions besoin pour nous réveiller de notre torpeur ?
Pour les hommes et femmes politiques du pays, le sens du sacrifice, de la générosité et du courage exige de reconnaitre que nous sommes dans une crise politique aiguë, et de travailler pour la dépasser. La Tunisie a besoin d’un électrochoc politique. Le système qui a été mis en place depuis les élections de fin 2014 a montré ses limites et ne pourra faire face aux défis actuels. Il doit être remis en cause pour être en phase avec la situation d’un pays en guerre qui sera longue et difficile mais que nous sommes non seulement capables mais aussi prédestinés à gagner. Il s’agit de créer un climat politique serein qui permet d’ouvrir la voie pour faire avancer le pays dans la résolution des problèmes sécuritaires, économiques et sociaux. La responsabilité des politiques est de saisir le moment historique et de nous permettre à tous d’être à la hauteur des sacrifices, de la générosité et du courage qu’ont montré à Ben Guerdane nos forces armées, nos forces de sécurité, nos martyrs et leurs familles et nos concitoyens !
Cet impératif est à contraster avec les défaillances évidentes au niveau du fonctionnement des structures politiques. Nous les avons constatées à des occasions multiples que cela soit au niveau de chacune des institutions politiques ou bien leur interaction au niveau des choix et des décisions, de leur mise en exécution ou bien de la communication. Ces défaillances reflètent la continuation de la prédominance des calculs politiciens et personnels sur l’intérêt général. Le courage politique exige de reconnaitre ces défaillances et de les corriger, que cela soit dans le domaine sécuritaire ou bien celui économique et social. Nous avons besoin de plus de clarté dans les choix, une efficacité dans l’exécution, une organisation qui s’apparente à celle d’un Etat de guerre et une mobilisation générale. Par exemple, au niveau sécuritaire nous n’avons toujours pas d’Etat-major qui joue le rôle de cerveau pour planifier, coordonner et évaluer nos efforts de guerre contre le terrorisme.
Ceci reste une priorité et une nécessité.
Pour les chefs d’entreprises, hommes et femmes d’affaires, cela signifie faire preuve de plus de courage aujourd’hui, ne pas se laisser figer par l’attentisme, agir malgré les difficultés et les incertitudes en dynamisant l’investissement, explorant plus les marchés et créant les emplois. Un tel engagement fait partie de la guerre contre le terrorisme qui est aussi économique et sociale.
Pour les employés et travailleurs cela signifie plus d’abnégation, de générosité et de sacrifices en remplissant notre devoir comme il faut et plus, en bannant la nonchalance et le laisser aller, en augmentant notre productivité et en préservant notre patrimoine. Car le danger pour le pays n’est pas seulement le terrorisme, c’est aussi la crise économique et financière. Pour l'éviter nous devons travailler plus et mieux, afin de relancer l’économie et préserver la stabilité, arme nécessaire contre le terrorisme.
Pour nous tous citoyens, cela signifie des sacrifices inévitables. Nous sommes en guerre contre le terrorisme et nous subissons de plein fouet les effets dévastateurs de ses effets sur les secteurs comme le tourisme, le transport ou l’artisanat. Mais nous subissons aussi les effets des tensions sociales souvent chaotiques qui ont provoqué l’effondrement de certains secteurs comme les phosphates et le pétrole. Nous subissons aussi les effets des demandes et des pressions des uns et des autres à bénéficier des largesses de l’Etat ce qui a grevé le budget de l’Etat, et entrainé une augmentation dangereuse de son endettement. Nous sommes loin de ce que nécessite cette phase comme sacrifices et générosité pour sauver le pays. Nous sommes appelés à arrêter la course de l’égoïsme de chacun et de chaque catégorie sociale tirant le plus la corde vers elle. Tout le monde doit contribuer à ces sacrifices sans exception, chacun selon ses moyens mais avec patriotisme et dévouement. Nous devons finalement nous rendre à l’évidence que nous sommes rentrés dans l’ère des sacrifices et nous comporter en conséquence, et arrêter la course folle vers l’autodestruction sociale, économique et financière.
Pour nous tous, cela signifie aussi changer notre comportement quotidien en faisant preuve de cette même capacité au sacrifice et à la générosité : en respectant les règles de bon voisinage et de citoyenneté, les règles de circulation, les règles d’urbanisme ; en respectant l’espace public dont les trottoirs, les jardins et autres biens communs.
C’est tout un peuple qui doit honorer ses vaillants défenseurs en se hissant à la hauteur de ce qu’ils ont accompli et seront sans doute appelés à le faire encore. Nous ne pouvons pas, nous n’avons pas le droit de les trahir!
Mustapha Kamel Nabli
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