Aux origines du nationalisme tunisien (Photos et Vidéo)
A l’étage, l’exposition documentaire porte sur la longue lutte du peuple tunisien pour se libérer du joug colonial; documents d’archives, photos, coupures de journaux, croquis... à l’appui.
L’exposition débute par une présentation succincte du contexte international qui a favorisé l’instauration du protectorat français dans la Régence de Tunis.
En effet, à l’aube des temps modernes, l’ancienne Ifriqiya hafside, désormais province ottomane, considérée comme un partenaire commercial égal par les puissances occidentales jusqu’au règne de Hammouda Pacha Bey (1782-1815), devint au cours du 19e siècle l’objet de leurs convoitises. C’est que la décadence de l’Empire ottoman, désormais «l’homme malade», la rivalité franco-italienne en Méditerranée, la colonisation française en Algérie et l’emprise économique grandissante de Paris sur Tunis devaient hâter la dépendance politique. Les beys de Tunis et notamment le ministre réformateur Kheireddine avaient en vain, au cours du 19e siècle, tenté de moderniser le pays. Mais la politique de réformes le conduit à sa ruine et à la mise de ses finances sous tutelle européenne.
Parallèlement, la révolte grondait dans le pays, après l’insurrection pour se de 1864, des années terribles se suivent durant lesquelles sécheresse, sauterelles et épidémies s’abattent sur le pays. Dans ce contexte, en mai 1881, les armées françaises entament la conquête de la Tunisie par terre et par mer. Le 12 mai 1881, Sadok Bey signe le traité imposé par la France.
Le texte complété par celui de la convention de La Marsa (3 juin 1883) consacre le Protectorat de la France sur le Royaume de Tunis. Aux côtés d’un bey réduit au rôle de figurant, le Résident général détient tous les pouvoirs.
L’historiographie enregistra de dures batailles et une résistance farouche à l’expédition française, notamment à l’intérieur du pays. Le mouvement était alors beaucoup plus spontané qu’organisé. La première partie de l’exposition approche les premiers mouvements contestataires du protectorat. A l’aube du XXe siècle, toute la société tunisienne était en crise, la Régence, d’environ deux millions d’âmes, vit affluer, parallèlement à la présence française, des vagues d’immigrants économiques : Calabrais, Siciliens, Maltais, Grecs, Espagnols, Russes... En dehors des médinas et centres historiques, s’élèvent de nouvelles villes différentes de par leurs habitants mais aussi de par leurs rues, leur architecture...Une nouvelle infrastructure voit le jour, routes, chemins de fer, bâtiments publics, mais aussi théâtres, casinos, hôtels, journaux...L’écart s’accentue entre les habitants dans les villes, dangereusement entre les villes et les campagnes.
La colonisation agraire accentue les déséquilibres par l’usurpation du domaine de l’Etat, la main- mise sur les forêts et les biens Habous...
Cette conjoncture détermina les premiers mouvements revendicatifs sous l’impulsion d’une génération de réformateurs modernistes formés à l’Ecole polytechnique du Bardo, au Collège Sadiki puis en Europe. Au sein de la grande mosquée « La Zitouna », la culture islamiqueprêtaitaussiuncaractèremilitant. Cesréformateurs appelés «Jeunes Tunisiens» —Béchir Sfar, Ali Bach Hamba, Abdelaziz Thaalbi, Mustapha Kheirallah...—militèrent par le biais de leur journal en faveur de l’égalité entre Tunisiens et Français dans tous les domaines, tout en respectant le cadre du protectorat. En écho à leur action, des émeutes eurent lieu à Kasserine et Thala en 1906, dans les mines de phosphate en 1907, grève des étudiants à la Zitouna en 1910... A la veille de la grande guerre, les événements s’accélérèrent, affrontements à Tunis au cimetière Jellaz en novembre 1911 puis en février 1912 à la suite de l’invasion de la Libye par l’Italie —arrestations en masse, exécution de deux nationalistes (Manoubi Jarjar et Chedli Gtari), exil de militants...
Au lendemain de la grande guerre, de nouveaux espoirs étaient permis avec la création de la Société des nations. Pour la première fois, un parti, au vrai sens moderne, voit le jour en Tunisie. Le parti libéral constitutionnel tunisien «le Destour», présidé par Abdelaziz Thaalbi. Mais la promulgation de décrets scélérats en 1926 pesa lourdement sur ses activités. Il en fut de même pour l’expérience tentée par Mohamed Ali El Hammi qui fut à l’origine de la première centrale syndicale (Cgtt).
La deuxième partie de l’exposition est consacrée à la nouvelle tournure que prit le cycle de la résistance, oppression à partir des années trente. En effet, les défis de la prépondérance française ont renforcé le sentiment et la prise de conscience nationale (Congrès eucharistique, effets de la crise ́conomique mondiale, famine et misère, apparition des bidonvilles autour de Tunis...). Une nouvelle génération de militants devait canaliser les mouvements populaires et régénérer l’action politique. Habib Bourguiba, Docteur Materi, Tahar Sfar, Bahri Guiga, Salah Ben Youssef... à la tête du bureau politique du nouveau parti, le Néo-Destour, joignent le contact direct avec le peuple à des campagnes de presse virulentes— nouvelle méthode d’action, nouvelle réforme de lutte, manifestations, mouvements insurrectionnels dans le sud, incidents sanglants.
Le 9 avril 1938, outre les morts et les blessés, les militants arrêtés sont déportés des prisons de Tunis aux prisons françaises, accusés de complot contre la sûreté de l’Etat.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les forces politiques se réorganisent, le 2 janvier 1946 est fondée l’Union générale tunisienne du travail à l’initiative de Farhat Hached, une force et une envergure sans précédent tant sur le plan national qu’international.
L’escaladerésistance-répressionprendune ampleur nouvelle, une forme de lutte ultime apparaît : la lutte armée. Un enchaînement infernal de violence s’abat sur la Tunisie : ratissage des villes et villages, dévastations et pillages sont perpétrés par l’armée française, exactions de la Main Rouge dont l’assassinat de Farhat Hached puis de Hedi Chaker, condamnation et exécution de militants, création de camps d’internement, déportation desleadersdestouriens. Laviolenceatteintsonparoxysme entre 1952-1954. Elle accéléra ainsi la jonction entre les différentes composantes de la nation et finit par troubler l’opinion internationale. Elle ne prit fin qu’avec la proclamation de l’autonomie interne du pays.
Le protocole d’accord est signé le 3 juin 1955. Le 1er juin de la même année, Habib Bourguiba rentrait de son exil, le peuple tunisien lui fit un accueil triomphal. Le 20 mars 1956, la Tunisie accède à l’indépendance. Le pays était désormais libre de s’engager sur la voie du progrès. Habib Bourguiba devrait construire l’Etat et bâtir la Tunisie moderne.
Saloua Khaddar Zangar
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