Mansour Moalla: Un redressement urgent s’impose
Le pays vit depuis le début de 2011 un déclin politique, économique, financier et social auquel on devrait mettre fin. La période à venir exige beaucoup d’efforts pour redresser la situation dans lequel il se débat. L’économie a été abandonnée à elle-même depuis la Révolution. La politique et ses excès ont accaparé les élites du pays.
La Tunisie n’a jamais connu une situation aussi désastreuse. Malgré les deux années (1966-1967) de croissance négative (de l’ordre de -1%), la décennie 1960, malgré les perturbations de la « croisade » coopérativiste, a connu un taux moyen de croissance d’au moins 4%. Ce taux s’élèvera à plus de 7% durant les années 1970 grâce à une politique plus équilibrée, plus inventive et plus audacieuse. Les dégâts commenceront après le coup de Gafsa en 1980 (la Tunisie est devenue un trou, dira un Bourguiba resté perspicace). La période Ben Ali, malgré les abus de la mafia de la dictature, connaîtra une croissance de l’ordre de 5%.
Il est impérieux, malgré les circonstances, que l’économie puisse être puissamment redressée pour pouvoir créer des emplois et ne pas laisser le chômage détruire la Tunisie et les Tunisiens.
Une double priorité: créer des emplois et exporter
La création d’emplois qui a évolué de quelque 15 000 postes par an durant les années 1960, a atteint 50 000 entre 1970 et 1980 et s’est maintenue à ce niveau. Cependant, cette création d’emplois a toujours été inférieure à la demande, d’où le chômage qui s’est aggravé au cours des dernières années du fait de l’insuffisance du volume des investissements. Créer des emplois à la hauteur d’une demande ne comprenant presque plus d’analphabètes ou du niveau primaire mais composée pour une large partie de diplômés du secondaire ou surtout du supérieur. Il faut donc une offre d’emplois plus importante en volume et d’un niveau plus élevé.
Pour créer ces emplois, il faut investir. Il faudra donc encourager les investissements et particulièrement ceux qui créent des emplois ou qui augmentent nos exportations, l’exportation étant avec l’emploi une priorité absolue pour réduire ou éviter l’endettement qui ne fait que s’aggraver.
Pour ce faire, il y a lieu d’encourager par tous les moyens possibles l’investissement et la création d’emplois et en même temps l’exportation et donc la réduction du déficit extérieur.
Tous les investissements effectués au cours du 13e Plan 2016-2020 ne devraient pas payer d’impôts sur les bénéfices réalisés durant les 5 premières années d’exploitation du projet d’investissement établi. Il faut que cet avantage soit total, clair et net, sans trop de complications, d’autorisations et de vérifications, de conseils et d’autorités comme on le constate dans les projets de Code des investissements. On a mis des années pour élaborer de tels codes.
L’avantage ainsi indiqué doit profiter aux investissements créateurs d’emplois qu’à ceux développant nos exportations. Cet avantage doit être d’autant plus élevé que le nombre d’emplois créés ou le montant des exportations est plus important.
Bref, l’emploi et l’exportation répondent à deux nécessités : d’une part, la réduction ou l’élimination du chômage, fléau destructeur et, d’autre part, la réduction de notre déficit extérieur et de notre endettement, menace sérieuse pour notre dignité et notre souveraineté. Ce sont les deux priorités qu’on doit traiter à fond le plus tôt possible pour ne pas devenir un «cas» à l’échelle internationale comme la Grèce par exemple; celle-ci a pu bénéficier de la solidarité de l’Europe dont elle est membre. Nous n’avons pas l’équivalent. Il n’y a pas lieu de dramatiser mais il ne faut pas non plus tomber dans la facilité ou l’insouciance : les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 ont une moyenne d’âge inférieure à un an. Une plus grande stabilité s’impose. Il faut bien choisir au départ et ne plus céder à la tendance de changer de responsables au gouvernement.
Associer tous les partenaires concernés au redressement de l’économie
L’importance des problèmes à résoudre et l’urgence avec laquelle il faut les traiter imposent des choix importants pour l’avenir. La stabilité nécessaire requiert en effet un gouvernement comprenant, outre les partis politiques, les organisations nationales opérant dans le domaine économique et social : il s’agit principalement de l’Ugtt et de l’Utica qui ont été partenaires dans la gestion du pays au lendemain de l’Indépendance.
Notre gouvernance habituelle n’est pas appropriée pour le redressement que l’on veut opérer. Il ne s’agit plus de continuer l’affrontement actuel entre les politiques, ou supposés tels, du gouvernement et les opérateurs économiques et sociaux, entre ceux qui réclament des concessions, des avantages ou des augmentations et ceux qui ne peuvent pas y répondre comme le veulent les vis-à-vis.
Partis politiques et organisations économiques et sociales doivent être associés au gouvernement du pays : ils doivent participer à l’étude et à la recherche des solutions les plus appropriées pour le pays et ne pas se limiter aux solutions avantageuses pour leur clientèle. Leur présence au gouvernement va leur permettre de concilier les intérêts sectoriels et professionnels et l’intérêt supérieur du pays, conciliation nécessaire et vitale pour la sauvegarde du pays et la prospérité de la Nation.
Une prise de conscience nationale s’impose
Ce choix est d’autant plus nécessaire que la sécurité du pays exige de bannir toute espèce de tension et de conflit face notamment au danger du terrorisme qu’on ne peut combattre qu’en étant unis et efficaces. Les grèves qui se multiplient sans cesse mettent en danger la sécurité du pays. Il vaut mieux traiter les problèmes au sein du gouvernement et des organismes responsables au lieu d’attaquer et d’exiger.
Une prise de conscience nationale s’impose. On a obtenu un prix Nobel pour avoir réussi à régler le problème politique par le dialogue. On doit pouvoir réussir à traiter de la même façon, au sein du gouvernement et des institutions, le problème économique et social.
Cette manière d’aborder l’avenir est d’autant plus nécessaire que le pays doit envisager des réformes fondamentales. Celles-ci concernent aussi bien la réforme de l’Etat que la réforme de l’entreprise et celle de l’éducation, pour ne citer que les plus urgentes et les plus importantes.
Ces profondes réformes sont nécessaires pour que notre parcours futur nous conduise à une organisation politique évoluée, une économie solide et une société harmonieuse. Tous les problèmes particuliers aux organismes politiques, économiques et sociaux deviendront secondaires par rapport à l’intérêt supérieur du pays.
Mansour Moalla
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