Si la visite-éclair effectuée vendredi matin par le chef du gouvernement Habib Essid dans la capitale libyenne a été un succès diplomatique, elle constitue également une réussite sécuritaire, affirment des spécialistes à Leaders. En cinq heures seulement, entre le décollage de Tunis à 7h30,de la base aérienne d'El Aouina à bord d'un avion militaire Hercule C130 J et le retour à 12h30, tout a été conclu. Habib Essid était le premier chef de gouvernement (hormis le Maltais) à se rendre auprès de son homologue libyen Fayez al Sarraj, dans son quartier général à Tripoli. C’est dire combien il y était attendu. L’appui de la Tunisie tant au peuple libyen qu’au processus du dialogue inter-libyen, sans la moindre interférence, en plus de l’hospitalité, est hautement apprécié. Son soutien aujourd’hui au gouvernement reconnu par la communauté internationale et son appel à toutes les factions libyennes de s’y rallier, est capital. Le secret de la visite était bien gardé. Préparée très discrètement par la Présidence du Gouvernement avec la Présidence de la République et le ministère des Affaires étrangères, elle n'a été annoncée que lorsque la conférence de presse conjointe devait commencer. Révélations.
Des dossiers de grande importance
En une heure d’entretien, à la base navale de Tripoli, Habib Essid et Fayez al Sarraj en ont longuement discuté. Le chef du gouvernement tunisien avait à ses côtés le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, son conseiller diplomatique, Elyès Ghariani, le directeur général du Monde arabe et islamique, Mohamed Samir Koubaa et le consul général de Tunisie à Tripoli (provisoirement basé à Tunis), Taoufik Guesmi. Le chef du protocole, Mohamed et le chef d’escorte, dépêché de Carthage, veillaient à l’intendance.
Al Sarraj était entouré de nombre de membres de son gouvernement, notamment le ministre des Affaires étrangères. « Les entretiens ont essentiellement porté sur l’appui de la Tunisie à la réussite du processus libyen conduit par le gouvernement Al Sarraj, à divers niveaux, notamment sur le plan diplomatique auprès de l’Union africaine et de l’Union européenne, indique à Leaders une source bien informée. Essid a réaffirmé également à cette occasion le refus de la Tunisie de toute intervention étrangère en Libye et son attachement à la souveraineté de la décision libyenne et l’intégrité de son territoire ».
Diverses autres questions ont été abordées au cours de cette rencontre, notamment la mise en œuvre de tous les accords conclus entre les deux pays, les dossiers d’ordre sécuritaire, la facilitation du passage aux postes frontaliers terrestres (Ras Jedir, etc.), la reprise des vols aériens opérants sur l’aéroport de Tunis-Carthage, les échanges économiques, et autres formes de coopération bilatérale. Fayez Al Sarraj et son équipe étaient ravis d’entendre Habib Essid leur apporter une série de confirmations et de leur annoncer que la Tunisie sera parmi les tout premiers pays à rouvrir son ambassade et son Consulat général à Tripoli. Tout porte à croire, que pour commencer le Consulat général sera rouvert avant le début de l'été, apprend Leaders de bonne source.
Leur conférence de presse commune sera l’occasion d’afficher devant la presse une réelle entente fraternelle, laissant aux techniciens des deux pays d’examiner ensemble des dossiers chauds qui seront sans doute éludés rapidement. De l’arrivée à Tripoli au départ, Habib Essid et sa délégation ont été sensibles aux marques d’honneur, d’hospitalité et de fraternité. S'ils ne sont pas restés à déjeuner en ce vendredi (jour férié), conformément à la tradition, c’est qu’Essid avait encore un long programme qui l’attendait à Tunis, dès son atterrissage.
Une étroite coordination sécuritaire
Lorsque son avion a décollé de l’aéroport de Maitigua, l’escorte tunisienne et libyenne du chef du gouvernement avait poussé un grand ouf de soulagement, avant de se donner l’accolade en congratulation. Un voyage sans faute, alors que les risques étaient innombrables. Ce succès sécuritaire revient à la partie libyenne, puissance invitante, mais aussi et en large partie à l’équipe dépêchée par la Direction générale de la Sécurité présidentielle et de la protection des hautes personnalités (commandée à partir de Carthage par Raouf Mradaa).
La procédure protocolaire et sécuritaire d’usage lors des voyages officiels à l’étranger est d’habitude fluide, avec des contacts préalables entre les parties concernées dans les deux pays pour mettre au point le moindre détail. Des précurseurs sont envoyés à la veille de la visite pour une ultime mise au point. Dans les circonstances actuelles à Tripoli, ce schéma était impossible à respecter et réussir. Les vis-à-vis ne sont pas tous joignables et des arrangements pratiques devaient être pris. C’est ainsi qu’une équipe fournie de la Sécurité présidentielle, placée sous le commandement d’un officier supérieur rompu aux voyages officiels et missions difficiles, était embarquée 48 heures avant la visite, à bord d’un gros avion militaire à destination de Tripoli, avec les équipements nécessaires. Son atout majeur, c’est le capital d’estime dont jouit la Tunisie et les relations tissées de longue date avec les homologues libyens.
D’ailleurs, ça n’a pas raté. Dès que le chef de la mission est descendu de la passerelle à Maitigua il était reçu, ainsi que son équipe, à bras largement ouverts par les officiers libyens. Tout ira très vite. Mais, un grand travail technique de repérage, de sécurisation et de mise en place était indispensable à effectuer d’un commun accord. Tout devait être scanné et rien n’était laissé au hasard, la vigilance ne pouvait souffrir la moindre faille. L’équipe mettra à profit son déplacement pour se rendre à l’ambassade et consulat général de Tunisie et s’assurer de leur bonne protection.
Les grandes puissances le savent bien et le redoutent beaucoup : personne ne peut garantir un risque zéro. Lorsqu’une personnalité étrangère doit se rendre à Tripoli, il faut imaginer la lourde armada sécuritaire déployée par les services de son pays pour assurer sa protection. Mais, pour la visite d’Essid, la discrétion des équipes tunisiennes était synonyme d’efficacité, confirme à Leaders un spécialiste.