La recherche et l'innovation: leviers indispensables pour le développement

1- Introduction

Si la connaissance est la finalité première de la recherche, cette dernière a également pour objectif de répondre aux besoins et attentes de la société.
Notre société est confrontée à des défis nouveaux et urgents. La recherche et l’innovation sont les premières des clés pour sortir des différentes crises que nous traversons: crise économique, crise sociale, crise éducationnelle.
La révolution politique et sociale initiée en décembre 2010 peine à formuler un nouveau modèle de développement qui répond aux attentes qu'elle a suscité. Elle doit offrir des perspectives à sa jeunesse et à des franges entières de sa population trop longtemps laissées pour compte.
Nos potentiels en ressources naturelles sont singuliers, par rapport à notre voisinage immédiat. Pour autant, la nature ne nous prive pas d'immenses richesses en énergie renouvelable (solaire, éolienne, géothermie, aquatique ) que la science et la  technologie ne cessent de rendre mieux exploitables.
 La  révolution  des  technologies  de  l’information  transforme notre vie quotidienne. L’appropriation intelligente des TIC par les services gouvernementaux et les entreprises , sera la condition de leur compétitivité, et de la création d’emplois qualifiés. Elle contribuera en outre à réduire les effets d'une corruption qui se nourrit d'une bureaucratie pesante et de plus en plus obsolète
La  révolution verte  est  désormais  une réalité qui s'impose à nous. Les conséquences du changement climatique sont  visibles, des réparations de nombreuses  erreurs du passé  sont nécessaires.

Mais au-delà de toutes ces considérations, c'est par ses ressources humaines que la Tunisie continuera à se distinguer. Les énormes sacrifices que la Nation a consenti et continuera à le faire pour l'éducation et le progrès social,  seront les meilleurs garants de son progrès et de sa stabilité. 
Nous sommes en présence de défis immenses, et leur existence n'est désormais pas sujet à débat. Le temps est venu de les relever en comptant sur la recherche et l’innovation: Comment être au rendez-vous du numérique au service de l'homme ? Comment assurer notre sécurité énergétique par une exploitation intelligente de nos ressources naturelles? Comment  répondre  à  l’urgence  écologique  sans  mettre  concrètement l’innovation au service de la croissance verte ? Comment offrir à notre jeunesse espoir et émancipation professionnelle à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières?

2- Une stratégie

La recherche et l’innovation sont les principaux outils dont les sociétés disposent pour construire le monde de demain: c’est donc sur elles que nous devons compter. C’est pourquoi notre pays se doit de se doter d'une stratégie nationale de recherche et d’innovation qui  doit être le fruit d’une large concertation qui réunit les pouvoirs publics, l'ensemble des acteurs de la recherche, les opérateurs économiques, les milieux associatifs, les parlementaires.

Nous disposons de nombreux diagnostics  de l'état des lieux et de la place de la recherche  tunisienne dans le monde. Nous sommes conscients  de nos forces et de nos faiblesses comme des besoins et des attentes de l’ensemble de notre société.
Il s'agit maintenant de définir des priorités  au vu des défis scientifiques posés  par les chercheurs eux-mêmes, des enjeux auxquels la société dans son ensemble est confrontée, et des opportunités de développement économique de nos régions.

3-  Les secteurs prioritaires:

Les secteurs prioritaires de la recherche sont énumérés d'une façon récurrente depuis de nombreuses années et dans les innombrables publications ou études. Ces listes n'ont toutefois pas donné lieu à des dispositifs opérationnels spécifiques et des mesures concrètes traduisant ce caractère prioritaire. 
La relance du concept de "spécialisation intelligente" en Europe et dans le monde , et les succès d'une approche sélective adoptée dans plusieurs pays, nous incitent à inclure dans une nouvelle stratégie nationale de recherche et d’innovation, la sélection d'axes prioritaires, qui traduisent des enjeux bien  identifiés, et qui  correspondent à des domaines économiques vitaux pour le développement économique et social de l'ensemble des populations de nos régions.
Rappelons les axes les plus couramment cités:

• L'eau, l'énergie , l'alimentation et les biotechnologies
• La santé, et le bien‐être
• L' environnement et les écotechnologies
• L’information et  la communication : technologies et usages
• Les mutations culturelles et sociales de la jeunesse tunisienne
• La mise en valeur de nos ressources naturelles et de nos avantages comparatifs dans des secteurs clés tels que les phosphates, l'olivier...
• L'éducation , l'enseignement et la culture

3- Conclusion

Les sept axes prioritaires  de  recherche, présentés ci-dessus, peuvent constituer une référence pour l'arbitrage dans l’allocation des moyens du budget de l’Etat, pour la programmation thématique de la recherche ainsi que dans les mises en place de mécanismes  de promotion appropriés, et le cadre d'une stratégie réaliste.

L’identification d’orientations claires encouragera une coordination simplifiée des acteurs  pour une recherche  efficace et  compétitive. Elle permettra d’accroître la coopération public-privé, pour que la recherche irrigue  les milieux économiques. Elle permettra surtout de gérer avec parcimonie des ressources financières  nécessairement limitées.

Enfin, on ne doit pas occulter la nécessité d'une révision substantielle des modes de fonctionnement de nos structures de recherche autant au sein de nos universités que dans les centres sectoriels de recherche. La gouvernance du système national de la recherche et d'innovation, les procédures de sa gestion administrative et financière, ses interfaces avec le monde économique nécessitent des révisions profondes qui tardent à se concrétiser. Autant de domaines qui  constituent  l'une des responsabilités majeures de l'Etat, aidé en cela de toutes les parties concernées par l'avenir de notre pays.

Mouldi Miled
Ingénieur des télécommunications ,
membre du conseil consultatif national de la recherche scientifique et de la technologie