News - 18.09.2016
Un rapport - choc de Hakim El Karoui : Un islam français est possible
Qui sont ces musulmans de France? Quels rapports entretiennent-ils avec leur religion ? Et quelles sont les croyances qu’ils partagent ? Le portrait inédit que dresse Hakim Karoui de cette « majorité silencieuse » dans un rapport publié par l’Institut Montaigne allie sociographie, analyse et recommandations. Sous le titre de "Un islam français est possible", il explique pourquoi l'islam de France doit devenir un islam français et à quelles conditions. La sociographie est nourrie par les résultats d’une enquête « pionnière, à la méthodologie solide et rigoureuse », conduite avec l’IFOP. Les indicateurs obtenus montrent que :
- Les personnes qui se déclarent musulmanes représentent 5,6 % de la population métropolitaine de plus de 15 ans en métropole. Cette proportion bien qu’approximative en raison des marges d’erreurs qu’engendrent les techniques de sondages porte la taille de la population musulmane en France à près de 4 millions de personnes (et non 6 millions comme souvent évoqué). Plus d’un répondant sur deux est né en France, 24% sont français par acquisition et 26% sont de nationalité étrangère. Une population plus jeune que la moyenne nationale : les musulmans de l’échantillon sont âgés, en moyenne, de 35,8 ans contre 53 ans pour les chrétiens et 43,5 ans pour les personnes sans religion par exemple.
- La structure socioprofessionnelle est marquée par une surreprésentation des milieux populaires et des populations éloignées de l’emploi. Elle compte près de 25 % d’ouvriers, contre 13,1 % dans l’échantillon global, et les 38 % d’inactifs contre moitié moins dans l’échantillon global. Le profil social des musulmans en activité souligne une exposition relativement forte aux formes d'emploi précaires (CDD, intérim, temps partiel). Pour autant, on voit aussi émerger une classe moyenne et supérieure : 10 % de professions intermédiaires et 5 % de cadres et professions intellectuelles supérieures parmi les musulmans de religion ou de culture.
- Deux tiers des musulmans pensent que la laïcité permet de vivre librement sa religion en France. Une majorité de musulmans en France s’inscrit dans un système de valeurs et dans une pratique religieuse qui s’insèrent sans heurts dans le corpus républicain et national (46 %).
Trois grands groupes sont identifiés :
- la « majorité silencieuse », groupe composé de 46 % des sondés. Leur système de valeurs est en adéquation avec la société française, qu’ils contribuent d’ailleurs à faire évoluer par leurs spécificités religieuses ;
- les « conservateurs ». Groupe plus composite, ils composent 25 % de l’échantillon et sont au cœur de la bataille politique et idéologique que les propositions de notre rapport doivent permettre de conduire et de remporter. Fiers d'être musulmans, ils revendiquent la possibilité d'exprimer leur appartenance religieuse dans l'espace public. Très pieux (la charia a une grande importance pour eux, sans passer devant la loi de la République), ils sont souvent favorables à l'expression de la religion au travail, et ont très largement adopté la norme halal comme définition de "l'être musulman". Ils rejettent très clairement le niqab et la polygamie et acceptent la laïcité ;
- les « autoritaires » forment le dernier groupe, soit 28 % de l'ensemble. Ils sont majoritairement jeunes, peu qualifiés et peu insérés dans l'emploi. Ils vivent dans les quartiers populaires périphériques des grandes agglomérations. Ce groupe se définit davantage par l'usage qu'il fait de l'islam pour signifier sa révolte vis-à-vis du reste de la société française que par son conservatisme.
Un islam français est possible
Hakim Karoui estime que « l'islam de France doit devenir français. Il ne l'est pas aujourd'hui. Il est confronté, souligne-t-il, à un double défi : sortir enfin de la tutelle des États étrangers et centraliser son organisation, avec l'intérêt général des Français de confession musulmane comme principe directeur. Il doit être financé par de l’argent français, doit produire et diffuser de la connaissance religieuse et s’appuyer, enfin, sur des femmes et des hommes nouveaux, issus de la majorité silencieuse des musulmans de France. Pour que l’islam français puisse se doter d’une ligne théologique compatible avec la société, il faut créer des instances capables de produire et de diffuser des idées et des valeurs françaises ».
Huit propositions
Hakim Karoui esquisse huit propositions qu’il ne manque pas de détailler et soutenir par des actions concrètes à entreprendre. Elles se résume comme suit :
- Permettre le financement du culte (construction des lieux de culte, salariat des imams, formation théologique) par l’Association musulmane pour un islam français, qui centralisera le produit d’une redevance sur la consommation halal.
- Élire un grand imam de France afin de conduire le travail intellectuel et théologique destiné à poser les jalons d’un islam français.
- Étendre le concordat à l’islam en Alsace-Moselle afin d’assurer la formation des cadres religieux musulmans en France.
- L’administration recrute des aumôniers, assurant une fonction qui, par essence, relève du religieux et du spirituel aussi, nous recommandons de créer un Institut français des aumôniers pour former culturellement et recruter des aumôniers.
- Équiper juridiquement les collectivités locales pour favoriser l’émergence d’un islam local intégré (baux emphytéotiques, carrés confessionnels, garanties d’emprunt, etc.). Bien qu’interdits par la loi, les carrés musulmans sont encouragés par les autorités publiques, ce qui crée une situation d’insécurité juridique.
- Enseigner l’arabe classique à l’école publique pour réduire l’attractivité des cours d’arabe dans les écoles coraniques et dans les mosquées.
- Développer la connaissance sur l’islam.
- Créer un Secrétariat aux Affaires religieuses et à la Laïcité, placé sous la tutelle du Premier ministre, et lui rattacher le Bureau central des cultes.
Qui est Hakim El Karoui
Normalien, agrégé de géographie, Hakim El Karoui a enseigné à l’université Lyon II avant de rejoindre le cabinet du Premier ministre en 2002, où il était chargé de ses discours. Après un passage à Bercy, il rejoint, en 2006, la banque Rothschild où, avec Lionel Zinsou, il anime la practice Afrique. En 2011, il rejoint le cabinet de conseil en stratégie Roland Berger où il est co-responsable de l’Afrique et du conseil au gouvernement français. En 2016, il fonde sa propre société de conseil stratégique Volentia. Hakim El Karoui est aussi essayiste (il a publié trois livres chez Flammarion qui traitent de questions économiques et géopolitiques) et entrepreneur social (il a créé le club du XXIème siècle, les Young Mediterranean Leaders et est avec Bariza Khiari à l’origine de « l’appel des 41 », paru le 31 juillet 2016 dans le JDD).
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