Mohamed Larbi Bouguerra: Les Tunisiens sont-ils raisonnables?
Comme disent les jeunes, «c’est bluffant»! Absolument!
Un fast-food du centre-ville est condamné par les services spécialisés de la Municipalité de Tunis à fermer pour non-respect flagrant des règles d’hygiène (légumes pourris, ustensiles crasseux, harissa et huile de friture douteuses) et aussitôt certains Tunisois s’y précipitent, à la veille de cette fermeture pour profiter encore une fois de ses mets !
Comment comprendre cet engouement?
Qui a dit qu’un homme averti en vaut deux?
Un Lablabi de derrière les fagots
Pendant des années peut-être, cet établissement a servi - à leur insu - gastroentérites, troubles digestifs et diverses indispositions à ses clients et certains, en en apprenant la fermeture et sa raison précise y courent! Une cliente écrivait, sur un site, dès le 18 septembre 2014, que «sa santé gastrique» a été ébranlée par un des plats de ce fast-food «renommé !»… plat qu’elle n’a pu, du reste, entièrement avaler ! Un autre commensal - probablement masochiste ou ignorant tout des travaux de Louis Pasteur sur les microorganismes - écrit: «Mr Propre leur est méconnu mais les plats ne sont nullement moins bons. » Dans la même veine, un autre «gastronome» n’hésite pas à écrire: «Le lablabi est bon mais l’hygiène fait parfois défaut.» !
En somme, miam, miam… ah! Ces salmonelles, ces rotavirus, ces clostridium, ces campylobacters, ces E. coli… quel régal ! Jamais je n’en aurais goûté chez moi!
Certains Tunisiens semblent ne plus avoir confiance dans les décisions des services publics. Ils croient que tous les dés sont pipés et n’ajoutent foi en la parole de personne….ou bien, il font peu de cas de leur santé…. et de leur amour-propre.
Quoiqu’il en soit, on est en présence de conduite aberrante. Jean-Jacques Rousseau disait: «La raison, le jugement viennent lentement, les préjugés accourent vite.» Pour certains de nos concitoyens, il faudrait vite passer à la vitesse supérieure pour ce qui est du jugement et de la raison.
Par ici les toxiques!
Comme les habitués de ce fast-food condamné à la fermeture, à l’occasion de la rentrée scolaire ou des fêtes, certains se fournissent sur les étalages anarchiques, en pleine rue, sans adresse et sans patente, alléchés par les prix bas mais ne bénéficiant pas de la moindre garantie. Ce faisant, ils encouragent le commerce parallèle et ses gros bonnets. Ils contribuent ainsi à augmenter le déséquilibre de l’économie nationale et du budget du pays… puis vont se lamenter sur l’état des routes, des écoles, des transports publics, des hôpitaux, des trafics en tout genre et de la propreté des artères de leur ville. Comment améliorer les services publics si les caisses de l’Etat ne sont pas alimentées ?! Mme Thérésa May, première ministre britannique, a fait aux militants de son parti – pourtant conservateur et néolibéral pur jus- l’éloge de l’impôt «prix que nous payons pour vivre dans une société civilisée» et défendu le rôle de l’Etat «qui est là pour fournir ce que les individus, les communautés et les marchés ne peuvent pas apporter». (Serge Halimi, Le Monde Diplomatique, novembre 2016, p. 1). Espérons que, chez nous, les hommes de robe, les apothicaires et les disciples d’Hippocrate en prennent de la graine.
Souvent, en s’adressant aux étalages anarchiques, certains de nos concitoyens achètent des fournitures scolaires pour leurs enfants, des chaussures, des cartables et des vêtements d’origine et de provenance douteuses. Des colles, des crayons de couleurs et plusieurs autres articles (chaussures, couvertures, produits de beauté, parfums…) peuvent renfermer des produits toxiques (comme les BTX cancérigènes: benzène, toluène, xylène ou les retardateurs de flamme, les PCB, les perturbateurs endocriniens…) dont l’effet sur la santé peut être désastreux. Certains cuirs entrant dans la confection d’articles usuels comme les chaussures ou les sacs de dames par exemple sont traités par des composés du chrome cancérigènes. Certains acheteurs sont ainsi les dindons de la farce et, croyant faire des affaires et des économies tombent malheureusement sous le coup du proverbe tunisien qui dit : «Voulant gagner….». Ainsi, nos agriculteurs qui réclament parfois à cor et à cri les pesticides auxquels ils sont hélas drogués devraient se méfier :10% de ces produits souvent toxiques et suspectés de cancérogénicité sont des faux (Télé La Chaîne Parlementaire LCP France, 10 octobre 2016). Ajoutons qu’un grand nombre de ces articles vendus sur nos trottoirs sont aussi des imitations dangereuses - voire mortelles - de marques connues. Ainsi, des stylos à bille dont le capuchon ne comporte pas un trou peuvent tuer un enfant si ce capuchon est, par mégarde, avalé. Le produit authentique - évidemment plus cher que le produit contrefait - comporte, lui, ce trou salvateur qui permet la respiration s’il est avalé. Voilà : un stylo à bille bon marché peut donc TUER votre enfant. Est-ce raisonnable alors de se laisser prendre par son prix…quelle que soit la modicité de notre bourse ou nos difficultés à joindre les deux bouts?
Il faut organiser des campagnes nationales percutantes dans les journaux, les radios, les télés, par des affiches, lors de grands évènements (matchs, festivals..)… dans les rues, les entreprises, les transports, les écoles…pour attirer plus l’attention sur les dangers, les pièges et les chausse-trappes de ces denrées qui ne suivent aucun circuit légal. Il y va de la santé de nos concitoyens. Il y va aussi de l’avenir de notre société.
Les mères de la place de la kasbah
Sujet autrement poignant et dramatique: Ces mamans qui font le siège de la Kasbah pour réclamer le retour de leurs enfants harraga en Italie fendent le cœur de toute âme humaine. Comme nous tirent des larmes les mères de la Place de Mai à Buenos Aires en Argentine.
Sans nouvelles de leur progéniture parfois depuis longtemps, elles sont très inquiètes, ce qui est bien compréhensible au vu de ce qui se passe, par exemple, à la gare de Vintimille en France, à la frontière avec l’Italie ou à Pantelleria. Pour ces jeunes ayant franchi la frontière, le plus souvent illégalement, il peut sembler anormal d’exiger du gouvernement leur rapatriement… car, en toute logique, ils devraient rendre des comptes pour ces faits et s’expliquer quant à leur situation vis-à-vis du service national à l’heure où un terrorisme sans foi ni loi s’acharne contre les représentants de l’Etat. La Tunisie a besoin de tous ces enfants ! De plus, le gouvernement en place n’a aucune responsabilité dans leur départ même si nul ne peut nier les grosses difficultés auxquelles ces jeunes faisaient face comme le chômage, la marginalisation ou le mal être. Nul ne peut nier aussi qu’ils ont succombé au miroir aux alouettes et au démarchage intéressé et trompeur des passeurs et des filous. La télévision française a diffusé, il y a quelque temps, un reportage dans une famille relativement cossue de Zarzis. Celle-ci a reconnu s’être pliée au désir de son enfant de partir clandestinement en Italie. Comme il n’a pas réussi à la première tentative, les parents ont quand même consenti une seconde fois à mettre la main à la poche, cédant de nouveau à ce fils obnubilé et voyant dans l’Europe un pays de Cocagne !
Mais peut-on reprocher quoi que ce soit à une mère souffrant d’être sans nouvelles de son enfant? L’Andromaque d’Euripide disait, en Grèce, 400 ans avant J.C.:
«Un enfant me restait, c’était l’œil de ma vie
Ils vont le tuer, ils l’ont décidé
Ma misérable vie ne vaut pas un tel prix
En lui, s’il est sauvé, est encore un espoir
Et la honte est sur moi si je ne meurs pour lui.»
Rares sont ceux qui ont fait écho à la manifestation des mères de la Kasbah. Antonio Gramsci écrivait : «L’indifférence, c’est l’oubli, le parasitisme et la lâcheté, non la vie. C’est pourquoi je hais les indifférents.» Espérons que le gouvernement et les services consulaires - voire des psychologues - tendent une main secourable à ces mères éplorées et que les familles tirent la leçon de ces drames atroces qui se jouent en Méditerranée et dans les métropoles européennes.
Mohamed Larbi Bouguerra
- Ecrire un commentaire
- Commenter
On dit il faut neuf mois pour faire un bébé mais 60 ans pour faire un homme. Au cours de ses soixantes annnées l´homme ne fait pas que manger et boire mais il decouvre le monde, le pays, les amis, le paysage, le verdure .les arbres et tous le reste. Il doit faire son apprentissage et se former á travers l´expérience. Les parents n´y peuvent rien, ils n´ont qu´a aider s´ils peuvent. C´est l´histoire de l´enfant perdu que les anciens textes en parlent. Saint exupery il dit "nous sommes des nomades qui marchent vers les dieux". On ne fait que marcher. Pays de cocagne ou non les enfants doivent faire leur experience et se former pour vivre. Y a -t-il des politiciens dans le pays qui peuvent leur donner la chance. Ils doiventt voir et trouver un pays où les choses bougent.