Youssef Chahed était bien inspiré de supprimer tout bonnement le ministère de la Fonction publique et de la Gouvernance et de réinsérer ses services au sein du secrétariat général du Gouvernement. Il est vrai que sa décision, suite au départ d’Abid Briki et du désistement de son successeur désigné Khalil Ghariani enlève au chef du gouvernement une épine du pied. Non-seulement la tension suscitée à cette occasion par l’UGTT et nombre de partis s’en trouve quelque peu apaisée, mais aussi il n’a pas à ouvrir des consultations élargies pour choisir un nouveau ministre.
Amalgames, sans efficience
Mais, en fait, le concept-même du ministère était bien à revoir. Depuis les gouvernements successifs de Hédi Nouira déjà, puis de Mzali, Karoui, et Ghannouchi, l’impératif de la réforme administrative, de la décentralisation et de la déconcentration avait conduit à la création d’un département spécifique mais dans la galaxie immédiate de la Kasbah. Au gré des flux et des reflux, les attributions finissaient souvent à revenir au secrétaire général du Gouvernement. Au lendemain de la révolution, les notions de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption et la malversation se sont imposées pour une prise en charge politique à la faveur d’un département ministériel dédié.
La première illustration en sera faite lors de la constitution le 26 décembre 2011 du gouvernement de Hamadi Jebali. Mohamed Abbou (CPR), sera nommé ministre auprès du cheg du Gouvernement chargé de la Réforme Administrative, mais finira par en démissionner furtivement, alors qu’Abderrahman Ladgham (Ettakatol), sera chargé de la Gouvernance et de la lutte contre la corruption. Il y sera reconduit (malgré sa démission d’Ettakatol), dans le gouvernement d’Ali Laarayedh, le 13 mars 2013.
C’est Mehdi Jomaa qui reviendra à la charge en nommant dans son gouvernement du 29 janvier 2014, Anouar Ben Khelifa, haut cadre du Premier ministère, en tant que secrétaire d’Etat auprès du chef du Gouvernement chargé de la Gouvernance et de la Fonction publique. Un an plus tard, Habib Essid supprimera le poste, dans son gouvernement du 6 février 2015 et en confiera les services au secrétaire général du Gouvernement, Ahmed Zarrouk. Il devra cependant s’en raviser, équilibres politiques obligent et créer de nouveau le Ministère de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, suite au remaniement du 6 janvier 2016. Soucieux d’en clarifier l’organisation, le
Décret gouvernemental n° 2016-271 du 2 mars 2016. Il nommera à sa tête Kamel Ayadi qui ne sera pas reconduit par Youssef Chahed, le 27 août 2016. Le nouveau Chef du gouvernement portera en effet son choix sur le syndicaliste Abid Briki, pour occuper la charge.
Politisation, fragilisation
Cette architecture mouvante obéit beaucoup plus à des considérations politiques que stratégiques et structurelles. Elle a fragilisé la prise en charge effective de la réforme administrative et de la modernisation de la Fonction publique, laissant les mains libres à des ministres de passages y exercer leurs propres visions et non appliquer dans la continuité des plans judicieux.
Retour au bercail
Youssef Chahed aura eu finalement la main heureuse en remettant cette haute et importante charge entre les mains d’un connaisseur, Ahmed Zarrouk. A 53 ans, ce juriste (licencié en Droit en 1986), doublé d’un énarque promotion (1990) a depuis longtemps déjà fait le tour de la question. Tour-à-tour, chargé de mission au cabinet du Premier ministre (1999), président de Chambre au Tribunal administratif, et directeur général des services administratifs et de la fonction publique au premier ministère (2002), il sera nommé en 2011 président de l'instance générale de la fonction publique. Après un bref intermède sous la Troïka à la tête de l’imprimerie Officielle, il reviendra à la Kasbah, en 2015, en tant que secrétaire général du gouvernement.
Au fait des moindres détails du sujet, il lui appartient aujourd’hui de dépolitiser la gestion des dossiers et de leur imprimer l’efficience escomptée.