Mohamed Larbi Bouguerra: De la vipère à l’olivier, les sionistes font tout pour judaïser la Palestine
C’est bien connu: les Israéliens se sont emparés des falafels et du houmous*. Ils se sont emparés aussi des costumes traditionnels des Palestiniens. Les voilà à l’assaut de la faune palestinienne.
Bien avant 1948, parcourant la Palestine mandataire, l’herpétologiste autrichien Franz Werner avait appelé ce serpent « vipera palaestina. » Aujourd’hui, les Israéliens l’ont débaptisé. Pour eux, désormais, il portera le nom de «vipère de la terre d’Israël»! (Lire The Times of Israël, 3 novembre 2018).
Rien n’échappe à cette dénaturation-naturalisation bien connue que tout colonisateur met en œuvre. Rappelons-nous ces noms de Ferryville (Menzel Bourguiba), Pichon (du nom d’un Résident Général de France en Tunisie de 1901 à 1906, Stephen Pichon) au lieu de Haffouz et autres Philippeville (Skikda dans l’Algérie voisine). On cherche ainsi à effacer la culture de l’Autre pour camoufler le vol des terres et le déni des droits des colonisés.
Plus grave, les voilà à l’assaut des oliviers de Cisjordanie, cet arbre d’Athéna, la déesse grecque de la paix, de la sagesse et de la persévérance; l’olivier, cet arbre que cite le Coran et que chante le poète provençal Jean Giono quand il le qualifie, pleurant les oliviers morts lors du terrible gel de décembre 1956, de «charpente de notre joie avant d’être (comme il se doit, comme chacun sait) la charpente de l’Univers.»
L’olivier- cette charpente de l’Univers - résiste à tout dit-on mais voilà que les colons sionistes masqués venus d’Ukraine, de Biélorussie, des Etats Unis… veulent l’assassiner pour couper les vivres aux Palestiniens, leur voler leurs terres et, au final, les expulser comme le souhaite le ministre de la Défense Avigdor Lieberman, originaire de Moldavie . Ainsi, le 13 janvier 2018, les Palestiniens de la région de Hawara, en Cisjordanie, ont filmé des hommes masqués de la colonie de Yitzhar en train de détruire des dizaines d’oliviers leur appartenant, cassant les branches et s’attaquant aux troncs d’arbres d’âge mûr. Ils ont aussi filmé les soldats stationnés à quelques centaines de mètres du verger. Quand l’oliveraie a été bien endommagée, les soldats de l’occupation sont intervenus. Le Ministère de la Défense a admis qu’il y a bien eu attaque de la part de 30 colons masqués et que ses soldats les ont dispersés mais aucune poursuite n’a été diligentée. En deux mois, 2000 arbres appartenant aux Palestiniens ont été ainsi mis à mort par les colons (Haaretz, 13 janvier 2018).
Main basse sur la source des palestiniens
De son côté, Amira Hass rapporte les exactions et les vols d’olives commis par des colons dans les oliveraies du village de Bourin dans la région de Hawara encore, en Cisjordanie (Haaretz, 5 novembre 2018). Elle écrit, ayant visionné une vidéo : « Actuellement, la récolte des olives bat son plein. On voit des jeunes gens dont un mineur portant une grande bâche. Le plus jeune est armé d’un bâton et frappe un arbre mais au lieu de cibler les olives, ses coups cassent les branches des oliviers. Cette oliveraie n’appartient pas à ces jeunes gens. Personne ne leur a donné la permission d’en ramasser les olives. Sans faute, ce sont des juifs comme le prouvent leur kippa blanche, les nœuds du tzitzit et les cheveux en papillotes. Un habitant de Bourin (désigné par N.) a été chargé de filmer ce qui se passe… et a appelé la police…... A sa vue, les intrus ont fui. Trois sacs d’olives ont été découverts dans une des deux maisons abandonnées de l’oliveraie - une de ces habitations appartient au propriétaire de la plantation, la seconde revient à une famille de Naplouse expulsée par les juifs qui en ont jeté les meubles au début de la seconde Intifada, il y a près de deux décennies, affirme N. La famille n’est jamais revenue chez elle. Les deux maisons et les centaines de dunams (un dunam=0,1 ha) de terres privées autour sont considérés comme dangereux et les Palestiniens doivent coordonner avec l’armée israélienne pour y entrer. La permission ne leur est accordée que deux à trois fois par an.
Pourquoi est-ce si dangereux ?
Parce que cette zone possède une source qui a été utilisée des années durant pour irriguer les vergers de Bourin. Les Israéliens s’en sont emparé et l’ont transformée en bain rituel (mikvèh) et en un lieu de détente. Cette zone se trouve aussi près de la colonie de Har Bracha et de l’avant-poste illégal de Givat Ronen. Pour éviter les «frictions», les autorités israéliennes interdisent aux propriétaires palestiniens d’accéder à leurs terres. » Ainsi, l’armée laisse le terrain libre au profit des seuls Israéliens !
Amira Hass écrit que la police a trouvé les jeunes hommes avec les papillotes cachés sous un grand arbre et les a emmenés dans un car de police. Le propriétaire a découvert que d’autres arbres avaient été également endommagés, probablement deux ou trois jours plus tôt, et qu’une importante quantité d’olives avait disparu. La police a ouvert une enquête. Mais N. affirme qu’en dépit des nombreuses plaintes des villageois, jamais il n’y a eu d’action pénale ni d’inculpations de nature à empêcher la réédition de tels faits.
Les plaintes des palestiniens contre leurs agresseurs n’aboutissent pas!
D’après les chiffres des Nations Unies et les informations fournies par N., le récent vol d’olives est à ajouter aux 47 actes de violence et de vandalisme perpétrés par des civils israéliens à Bourin au cours des trois dernières années. En 2016, on a compté six attaques, en 2017, dix-huit et déjà vingt-quatre pour cette année. La nature de ces incidents est variée : il y a des raids menés par des civils protégés par l’armée, il y a des jets de pierre contre les bergers et les maisons palestiniens, on met le feu à des champs et des vergers, il y a des vols d’olives, il y a des arbres sciés ou endommagés et des agressions menées contre les fermiers travaillant dans leur champ.
Amira Hass cite de nombreux incidents pour le mois d’octobre 2018. Dès qu’un Palestinien se présente pour récolter ses olives avec l’autorisation de l’armée, les colons de Givat Ronen, de Yitzhar se ruent sur lui et jettent les olives par terre. Tous ces faits sont attestés par des vidéos. Des dizaines d’arbres sont habituellement sciés à chaque attaque, ce qui suppose plusieurs agresseurs. Quand les arbres sont jeunes, ils peuvent être facilement déracinés mais des arbres plus matures nécessitent une scie électrique. Ce qui signifie une planification et même plusieurs scies. Faire ce travail prend du temps et fait beaucoup de bruit.» «En d’autres termes, écrit Amira Hass, les assaillants semblent plutôt sûrs de l’impunité, même s’ils étaient attrapés» et la journaliste d’ajouter : « Les caméras de surveillance sont partout dans ces zones. Il est même arrivé que des agressions (essentiellement des incendies et des violences sur des cueilleurs) se sont produites en présence de soldats. Les dégâts matériels sont considérables et les dégâts émotionnels ne peuvent être quantifiés.»
L’ONG israélienne Yesh Din a documenté de nombreux incidents de ce type dans un petit territoire couvrant à peine 0,5% de la Cisjordanie occupée : 16 au village d’Ourf, 35 à Hawara et bien d’autres à Madama, Asira al-Qibliya et Einabous . L’ONG a publié un document intitulé : «Yizhar – une étude de cas : La violence des colons comme moyen pour s’emparer des terres palestiniennes avec le soutien de l’Etat et de l’armée.» Yesh Din a confirmé, de façon irréfutable, que 275 attaques menées par des Israéliens ont visé six villages entre 2008 et 2018. Dans 167 cas, les Palestiniens ont porté plainte. Seules 3 de ces plaintes ont donné lieu à des inculpations alors que 117 (77%) ont été écartées faute d’avoir identifié les coupables. 22 autres cas (14%) ont été clos pour insuffisance de preuves.
Pour le seul mois d’octobre, les organisations israéliennes B’Tselem et Yesh Din ont compté 12 cas d’attaques contre des cueilleurs d’olives et des déprédations sur les arbres commis en Cisjordanie centrale par des Israéliens.
Une police sourde aux plaintes des palestiniens
Mohamed Awwad, du village de Tourmous Aya est un gros oléiculteur de 80 ans. L’agriculture est sa ressource principale. Il a raconté à Iyad Haddad, un enquêteur de B’Tselem, son choc quand il s’est rendu sur son oliveraie le 7 octobre, avec l’accord de l’armée. Il a découvert que des douzaines de ses arbres ont été détruits avec des branches coupées du tronc. «J’ai cru avoir un mauvais rêvé » dit-il à Iyad. Les arbres étaient de grande qualité et plantés il y a quarante ans. Des officiers israéliens se présentèrent sur son oliveraie mais Mohamed Awwad dit catégoriquement: «Je ne veux pas perdre mon temps en portant plainte. Cela ne vaut rien. Le résultat est connu d’avance.»
Beaucoup de Palestiniens refusent maintenant de porter plainte. Abou Atta, du village d’Awarta, a porté plainte en octobre 2017 pour le vol de ses olives. La perspective d’une issue favorable était élevée puisqu’un officier israélien de l’Administration de Liaison et de Coordination du District avait attrapé le voleur d’olives en flagrant délit dans l’oliveraie palestinienne, près de la colonie d’Itamar. Il avait photographié le malfaiteur et a aidé le propriétaire à porter plainte. Yesh Din et un avocat, Michael Sfard, se sont attachés à suivre le cheminement de cette plainte. Pendant six mois, rien ne se passa. En août, ils furent informés que le dossier était fermé sans même que le suspect soit interrogé. La raison: «Manque d’intérêt public»! L’avocat Sfard résume la situation ainsi : «Les dommages infligés à un Palestinien ne les intéressent pas… C’est dans l’air du temps. Ils ne veulent même plus faire une mascarade de procès.»
Israël ne veut même plus faire semblant. Les Palestiniens n’ont rien à attendre de «la justice» israélienne.
Contre l’avis de son cabinet de sécurité, Benyamin Netanyahou – à l’instigation de son acolyte de la Défense Lieberman - a relancé le projet de loi qui élargit la possibilité de prononcer la peine de mort contre «les terroristes» c’est-à-dire contre les Palestiniens qui résistent à l’occupation. Lieberman n’a-t-il pas menacé Netanyahou de quitter le gouvernement si le projet de loi sur la peine de mort n’était pas présenté à la Knesset? Ce qui signifierait pour le Premier Ministre la chute de son gouvernement qui ne tient que par les voix des ultra-orthodoxes et celles des extrémistes.
Comme si la loi sur l’Etat-Nation des juifs ne suffisait pas, Israël s’attaque aux oliviers de la Palestine et s’adjuge même ses vipères.
Mohamed Larbi Bouguerra
* http://www.leaders.com.tn/article/18206-israel-palestine-la-coexistence-par-l-houmous
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