Pourquoi la Banque centrale invite le gouvernement à réviser le budget de l’État (Télcharger la présentation de Marouane El Abassi)
Ce n'est pas un Niet! C'est plutôt, un Go, mais sur de bonnes bases. Vous cherchez à financer votre déficit budgétaire? Commencez par réduire vos dépenses et collecter votre argent. Recette de grand-mère, elle reste sage. Maintenant vous demander plus? Changhez la loi! Tel est le message essentiel de la Banque centrale au Gouvernement. Sa position, on ne peut plus claire et mieux justifiée, n'est pas un carton rouge, mais un viatique pour que Mechichi s'en serve utilment vis-à-vis de tous. Héritant d’une gestion erratique qui accéléré la descente aux enfers, le gouvernement pouvait-il présenter, en moins de 6 semaines d’exercice seulement, un projet de loi de finance corrective pour 2020 et un budget de l’État pour 2021, cohérents, acceptables ? Absolument impossible ! Encore plus, sous le réveil des vieux démons de revendications chroniques de plus en plus excessives et "des comptes minorés par les gouvernements précédents".
Céder à toutes les sollicitations et chercher de satisfaire tous alors que les caisses sont plus que vides ajoutent à l’aventure un désastre annoncé. De quoi s’interroger pourquoi le gouvernement a-t-il soumis ses deux projets aux élus de la Nation, mettant au pied du mur, en ultime recours le marché financier tunisien, dont nous connaissons la profondeur toute limitée, et la Banque centrale ? Un exercice de transparence tout en tentant l’impossible ?
La vraie valeur de l'indépendance de la BCT
La réaction de la Banque centrale n’a pas tardé. Feutrée, mais ferme et irréductible. Elle aussi, elle met le gouvernement face aux contraintes que nul ne devait ignorer. D'abord, par un communiqué publié mardi soir, 27 octobre 2020, à l'issue de la réunion du conseil d'administration. Inhabituel, marquant le ton, sans le hausser. Puis, le lendemain, mercredi, via le Parlement, on ne peut plus clairement, proposant aux députés s'ils le souhaitent de réviser la loi. Fayçal Derbel, rapporteur de la Commission des Finances à l’ARP était bien inspiré de proposer l’audition du gouverneur de la Banque centrale, avant le ministre de l’Économie. Il fallait en effet s’assurer, en question filtre, des vraies dispositions de l’Institut d’émission et surtout des limites de son intervention, tant juridiques que prudentielles.
Une recommandation et trois pré-requis
En professeur universitaire pédagogue, mais aussi expert de longue date auprès de grandes institutions financières internationales, et surtout Gouverneur de la Banque centrale, Marouane El Abassi n’y est pas allé par quatre chemins. Après un exposé-plaidoyer de la stratégie anti-inflationniste et stabilisatrice du dinar, adoptée jusque-là (voir la présentation intégrale), il a été très clair : reprendre la copie et la réviser. (Télécharger la présentation en langue française)
« Au vu des estimations de l’énorme déficit budgétaire au titre de l’année 2020, déclare-t-il devant les membres de la Commission par visio-conférence, le gouvernement est appelé à réviser son projet de budget dans le sens de la réduction des dépenses (report de certaines dépenses non impérieuses) et/ou l’intensification des recouvrements dus à l’État. »
Verdict prononcé, des précisions sont cependant utiles à rappeler, a-t-il jugé. Trois :
Le cadre juridique actuel interdit à la Banque centrale le financement monétaire du déficit présenté dans la loi de finance corrective pour l’année 2020. Cela exige une autorisation à titre exceptionnel de l’ARP, adossée à un engagement de l’État d’avancer fermement sur la voie des réformes structurelles à même de recouvrir les équilibres des finances publiques.
Conformément aux lois en vigueurs, la Banque centrale n’est pas en mesure d’apporter son soutien qu’à travers du second marché et conformément à ses conditions. En outre, les expériences comparatives et les normes internationales en la matière montrent que le soutien global apportées par des banques centrales similaires à celle de la Tunisie ne saurait dépasser 0,5% du PIB, sans s’être conformé à des conditions préalables. Il ne pourrait dépasser 3% du PIB ou 12% des ressources propres du Trésor, au maximum.
Il convient de limiter le financement additionnel dans le temps, selon un planning préalablement fixé, et que la majeure partie de ce financement soit à court terme en vue d’absorber ses effets inflationnistes et leurs conséquences négatives sur le concours à l’économie.
Quelles alternatives?
Ali Kooli, ministre de l’Économie ne s’en embarrasse certainement pas. Au fond, le financier qu’il est devait s’y attendre. Maintenant, ce sont des choix politiques et de politiques publiques à décider. Le gouvernement doit oser refuser de nouvelles rentes et cagnottes, amputer des dépenses, surseoir à des recrutements autres que pour la santé, la sécurité et la défense et reprogrammer des projets (bien que l’ancien Titre II, est réduit en peau de chagrin à 1,5 milliards de dinars, soit 10 fois moins que le service de la dette (15,776 milliards de dinars). Mais, aussi, transiger, s’il le faut, pour recouvrir taxes, impôts et autres dus à l’État.
Mechichi et Kooli ne pouvaient douter de la position doctrinale mais aussi aussi exécutive de la BCT. Maintenant, le dos au mur, le gouvernement doit dire NON aux revendications d'enfer et autres gâteries, procéder à des coupes sombres, et surtout faire recouvrir au plus ce qui est du à l'Etat. Et, en même temps, lancer de vrais réformes, aussi douloureuses soient-elles et ransgresser avec courage et sans états d'âme ou calculs politiques les faux tabous et lignes rouges de la privatisation. En toute transparence, mise en concurrence, indemnisation des salariés devant partir et sauvegarde du plus d'emplois nécessaires possible.
Maintenant que tout est clair, de part et d'autre: redmarrer! Mais, quelles grandes marges s'offrent réellement au gouvernement?
Taoufik Habaieb
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