Pour mettre fin au phénomène «Vanne / El Kamour»
«Le propre de la sagesse et de la vertu est de gouverner bien: le propre de l’injustice et de l’ignorance est de gouverner mal». Platon
Par Boubaker Benkraiem - Les nouvelles, mes chers compatriotes, ne sont pas bonnes; elles sont plutôt mauvaises. En effet, la fine fleur de nos entreprises, la Compagnie de Phosphates de Gafsa (CPG), employant des milliers de nos concitoyens, malmenée par les demandeurs d’emploi, depuis 2011, est, aujourd’hui en très grandes difficultés, Certains de ces jeunes, en chômage, recourant au chantage qui a été, souvent, payant, ont décidé, depuis plusieurs mois de faire arrêter l’extraction, le traitement et l’exportation de cette mine et ses dérivés, produits générateurs de devises, devises indispensables pour réduire, un tant soit peu, le déficit de la balance commerciale. Quoique la production semble avoir repris, ces derniers jours, l’on se demande pour combien de temps!! Ces jeunes et d’autres, poursuivant leur bras de fer sans limite, ont, à maintes reprises, bloqué des lignes de chemin de fer pour empêcher le transport du phosphate par train, sans se soucier des engagements de la Compagnie donc du pays vis à vis de ses clients et de l’impact très sévère du manque à gagner pour la trésorerie de l’Etat. Faut-il rappeler, encore une fois, que la CPG participait, avant 2011, parce qu’elle était florissante, au budget de l’Etat, en y injectant annuellement, quelques cinq milliards de dinars, une participation non négligeable.
D’autres "demandeurs d’emploi", ont réussi à leur tour à forcer la fermeture de la vanne principale d’El Kamour, jonction des deux pipelines, l’un provenant d’Algérie, le deuxième d’El Borma. Cette vanne a été maintenue fermée, durant une longue période et les pertes causées par cette action illégale nous coûteront les yeux de la tête, notre pays ayant, comme tous nos concitoyens le savent, de sérieuses difficultés financières. Il ne faut pas oublier que l’arrêt total des activités de production d’hydrocarbures, pétrole et gaz, dans le secteur saharien, est dû, au fait que les "irréductibles d’El Kamour" ne semblaient pas gênés de mettre le pays à genoux puisque personne ne les a empêchés d’agir de la sorte, alors qu’il s’agit d’une zone militaire dont l’accès est soumis à autorisation. Tout cela, sous le regard hésitant des organes de l’Etat à faire respecter les règlements de la République. Pareilles actions sont des procédés négatifs et il faut craindre le pire car ces exemples peuvent, si l’Etat n’assume pas ses responsabilités régaliennes en empêchant par tous les moyens de nuire aux intérêts suprêmes du pays, être imités par d’autres régions et ce °jeu° qui semble rentable aux jeunes et aux moins jeunes risque de perdurer et causer au pays des désagréments inquiétants. Notre pays vivra, alors, dans l’incertitude totale.
Certes, notre pays n’est pas riche: n’ayant pas tant de pétrole ou d’autres richesses minières, il doit, pour cela, exploiter les ressources dont il dispose avec beaucoup de parcimonie et d’attention. La Tunisie traverse une période difficile qui, si elle persiste, peut nous mener, assez rapidement, à des situations imprévisibles. En effet, énormément d’actes et d’actions, au fait des crimes répréhensibles par la Loi, sont commis et aucune autorité n’a bougé le petit doigt, à tel point qu’on croirait que le pays n’est pas gouverné. Et compte tenu de l’inaction et du silence assourdissant des autorités, chacun fait ce qu’il veut : on arrête la production des phosphates, la plus importante richesse minérale qui nous permet d’avoir les devises dont nous avons, grandement, besoin sans oublier les importantes pertes de revenues que le pays attend avec impatience. On ferme la vanne du pétrole et du gaz et personne ne bouge et on les laisse faire à leur guise. Face à ces délits, normalement sanctionnés par la Loi, on ne réagit pas et aucune autorité n’intervient pour, d’une part, faire cesser pareils forfaitures et d’autre part, sanctionner les fautifs car de pareils actes, répréhensibles, ne peuvent être tolérés, notre pays qui se veut être un pays de Droit, ne peut permettre pareille attitude: il doit prendre les sanctions prévues par la Loi à l’encontre des fauteurs pour sauvegarder l’intérêt général de la collectivité et servir de leçon pour les autres. Il ne faut pas que les gouvernants laissent aller et laissent faire, impunément, pareilles actions dans le but d’un certain clientélisme qui ne mènera nulle part.
D’autre part, et selon les médias, trois compagnies pétrolières dans le sud tunisien, ne pouvant plus poursuivre leurs activités, normalement et en sécurité, auraient écrit au Président de la République pour le mettre devant ses responsabilités. Et en cas d’arrêt total de leurs activités, cela nous coûtera très cher, non seulement financièrement et en centaines d’emplois perdus mais encore ce sera un coup dur porté à la crédibilité de l’Etat à l’étranger comme à l’intérieur et à sa capacité de respecter ses engagements.
Les questions qui se posent, actuellement, sont les suivantes : Comment se fait-il qu’on laisse entraver de cette façon des services d’intérêt national ? Comment on se permet, sans aucune crainte ou respect, de défier l’Etat ? A l’échelle administrative, où sont les organismes de direction et de contrôle ? Au niveau de la Justice, où sont les Procureurs de la République qui veillent au strict respect des Lois de la République ? Et au niveau du gouvernement, où sont les ministres concernés, le Chef du Gouvernement et même le Président de la République qui est le premier responsable de la Sécurité Nationale, car c’est bien de Sécurité Nationale qu’il s’agit !! Aussi, combien de fois, avons-nous entendu dire que l’intérêt général, donc national prime sur celui des individus ou tout autre groupe ? Ne nous a-t-on pas assurés que la Patrie passe, et de loin, avant les partis ?
Pareil comportement ne peut, en aucune manière, faire avancer les choses, faire progresser le pays, créer des emplois et de la richesse. Au contraire, en laissant-faire et en laissant-aller, ce phénomène ou ce comportement, aussi discourtois qu’incorrect et hors la Loi, risque de faire tâche d’huile et affecter plusieurs autres régions et secteurs et devenir, difficilement, contrôlable !! Veut-on que ce pays, l’héritier de Kairouan et de Carthage revienne à l’âge des ténèbres ? Veut-on détruire tout ce qui a été bâti, en trois quarts de siècle, par plusieurs générations ? Ces jeunes et moins jeunes, n’ont-ils pas honte de voir leur pays sombrer dans le néant ? Ne pensent-ils pas à l’avenir des générations futures, finalement celui de leurs enfants et petits-enfants ? Notre pays, après dix ans de bredouillement, de cafouillage et de mélimélo, a besoin, comme gouvernants, d’une équipe de cadres intègres, patriotes, compétents, expérimentés, honnêtes et surtout courageux pour prendre les grandes décisions aussi déplaisantes et même douloureuses soient-elles. La Tunisie peut s’enorgueillir d’avoir des femmes et des hommes qui peuvent faire honneur à leur pays. Compte tenu de nos difficultés, surtout économiques, notre grand besoin, dans le domaine de la gouvernance, nous rappelle que la Tunisie dispose, fort heureusement, d’une pléiade de femmes et d’hommes remplissant toutes les conditions et assez d’expérience dans la conduite des affaires de l’Etat leur permettant d’être à la hauteur de cette noble et historique mission. J’attire, cependant l’attention de nos concitoyens et des responsables politiques, que les cadres qui ont servi la 1° République avec feu les Présidents Bourguiba et Ben Ali n’étaient pas tous des corrompus. Au contraire, certains parmi eux, de renommée internationale et dont le pays a grandement besoin dans cette période de disette en Ressources Humaines valorisantes, ont, indépendamment de leur nationalisme, de leur aptitude, de leur compétence affirmée, de leur honnêteté, de leur expérience et de leur C.V., de remarquables carnets d’adresses, qu’ils peuvent utiliser pour le bien et l’intérêt de notre pays.
Aussi, comment se fait-il qu’on laisse des personnes faire à leur guise : entraver, handicaper et suspendre les activités économiques qui engendrent des moyens financiers fort importants pour le pays ?
Pourquoi n’applique-t-on pas la Loi qui interdit à quiconque d’empêcher son semblable de travailler ? A quoi sert la Force Publique si ce n’est de faire appliquer la Loi, rien que la Loi ?
Est-ce que la Démocratie permet pareil comportement ? …. Quelques rappels :
Gouverner, c’est appliquer la Loi dans toute sa rigueur, surtout lorsque les intérêts du pays sont menacés !! C’est aussi, diriger, guider et influencer !!
Gouverner, c’est aussi oser taper sur la table et, au besoin, crier fort que la récréation est belle et bien terminée. C’est aussi, administrer, gérer et régir.
Gouverner nécessite, souvent, de prendre des décisions et des mesures, parfois difficiles, douloureuses et non populaires et d’assumer ses responsabilités quel que soit l’importance ou la gravité des erreurs ou des fautes constatées. Laisser-faire et laisser-entraver des intérêts nationaux ne peut que compliquer les choses et augmenter les difficultés quotidiennes de gestion des affaires publiques !!
Gouverner, c’est rappeler, de temps à autre, à nos concitoyens, leurs devoirs et surtout ne jamais laisser-faire et laisser–aller sans intervenir avec toute l’énergie nécessitée par la situation, toujours en conformité avec la Loi !!
Gouverner, c’est d’être en symbiose avec le peuple ; pourquoi les gouvernants ne saisissent pas toutes les occasions propices pour s’adresser au peuple pour le mettre au courant des évènements que vit le pays, pour le mobiliser à défendre ses acquis et le prévenir de s’inscrire dans des activités interdites et sanctionnées par la Loi ?
D’autre part, la violence, les braquages et la criminalité qui se développent, chaque jour davantage, sont inquiétants et nous incitent à prendre le taureau par les cornes : pour faire face à pareil comportement, à cette violence et à cette criminalité, il faut agir sans pitié, il faut frapper fort pour protéger la grande majorité silencieuse de nos citoyens de cette infime minorité formée de bandits de longs chemins, de voyous et de vauriens. C’est de cette manière que le peuple soutiendra ses gouvernants et leur accordera sa confiance.
Bien sûr, nous sommes en train de récolter le résultat du comportement des partis politiques post révolution intéressés, tout particulièrement, par rafler la mise des élections et des premiers gouvernements qui, par populisme et croyant attirer le maximum de sympathisants donc de votants, ont laissé faire et ont promis monts et merveilles. Aussi, n’est-il pas temps de remettre les pendules à l’heure et proposer :
A court terme :
1. Faire imposer le respect de la Loi par tout le monde (citoyens et organes de l’Etat) , bien sûr toujours dans le respect des droits et libertés personnelles légales. Au besoin, recourir à la force légale.
2. Œuvrer pour la généralisation immédiate du Service Militaire à tous les jeunes de la Nation, en commençant par l’application de la Loi sur le service national en vigueur, dans l’attente de sa révision annoncée depuis 2016.
Pour le moyen et long terme, prendre les initiatives qui s’imposent pour :
3. Le changement du système de gouvernance pour un régime présidentiel aménagé, le régime parlementaire ayant démontré ses limites,
4. L’amendement de la loi électorale, pour que le choix de l’électeur porte sur les candidats et non sur toute une liste entière,
5. Conditionner les candidatures aux futures élections, municipales, législatives, régionales et nationales à un minimum de niveau intellectuel à déterminer.
Notre pays traverse l’une des périodes les plus critiques de son Histoire. Il est temps d’agir et de réagir avant qu’il ne soit trop tard. Mettons de côté notre égoïsme, notre vanité, notre indifférence, notre orgueil et nos calculs pour plus d’altruisme, de dévouement, de patriotisme et de désintéressement pour servir ce beau et merveilleux pays, la Tunisie.
Que Dieu garde et protège la Tunisie Eternelle, pays qui a donné à l’Humanité des Hommes et des Femmes illustres tels qu’Elissa, Hannibal, Jughurta, Sophonisbe, Okba ibn Nafaa3, Ibn Kholdoun, Aziza Othmana, Tahar el Haddad, Habib Bourguiba, Aboulkacem Echabbi, Farhat Hached , Tawhida Ben Escheikh et tant d’autres célébrités qui ont marqué son histoire.
Boubaker Benkraiem
Ancien Sous-Chef d’Etat-major de l’Armée de terre,
Ancien Gouverneur
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Exposé remarquable de clarté et courage patriotique . Nous allons vers la catastrophe si aucune mesure n'est prise pour endiguer le flot de revendications et remettre la machine économique en marche !