Kais Saïed par Nizar Bahloul : Chronique d’une année d’amorce agitée à Carthage
Excessif ? Nécessairement ! Documenté ? Sans doute ! Controversé ? Le « client » s’y prête ! Dans « Kais 1er, Président d’un bateau ivre » (Edito Editions), Nizar Bahloul croque sans concession le portrait du nouveau locataire de Carthage. Bien qu’il ne soit pas un assidu du Palais, il en tient une gazette amusante et une chronique détaillée.
Avec ce nouveau récit-portrait, Nizar Bahloul s’avère désormais un habitué des « Présidents » post-2011. Moncef Marzouki lui doit un pamphlet : « Bonté divine, l’homme qui n’a pas su être président » (Apollonia Editions, 2013). Moins incendiaire, mais non moins incisif, il compile dans ce deuxième livre, chroniques mises en ligne depuis les élections de 2019 sur son journal électronique Business News, mais, aussi un best of de textes d’autres confrères à lui, au sein de la rédaction, et des « pièces » significatives.
Le voyage au cœur de Carthage et de son nouveau locataire se déroule sous la plume de Nizar Bahloul en huit étapes, commençant avec la campagne de conquête de la présidence, et se terminant avec ces quatre années du mandat présidentiel qui restent à tenir. Rien cependant n’exclut un deuxième mandat au-delà de 2024, mais l’auteur le réserverait pour un tome 2. Tour-à-tour, il revient sur les premiers jours d’accession au pouvoir, analyse la montée à outrance du populisme, évoque les erreurs de castings, déplore des divagations, peint le portrait de « l’entourage malveillant » et s’interroge sur « les fondamentaux malmenés ». Du pur Nizar Bahloul, coriace.
Un opposant, en Chef d'Etat
Dans sa préface, sur plus d’une dizaine de pages, Chokri Mabkhout rappelle d’emblée que « on a les gouvernements qu’on mérite ! ». Le profilage qu’il établit du président Kais Saïed et de ses prises de positions, situés « dans u contexte bien déterminé », est intéressant. Il révèle « au cœur de l’appareil de l’Etat et du pouvoir un président de la République qui fait figure d’opposant ou plutôt c’est un opposant qui n’a pas encore franchi le Rubicon séparant l’Avant de la plus haute responsabilité de l’Etat et l’Après de la fonction présidentielle et ce qu’elle requiert de réserve et de travail de cohésion. »
Le Doyen Mabkhout diagnostique « deux faces contradictoires ». « D’un côté, l’image d’un personnage plus proche d’un bouffons dans une cérémonie au rituel bien ordonné, celle de la politique, de la révolution et de l’organisation des pouvoirs et de leur séparation ; et de l’autre, celle de l’homme intègre qui tient absolument à mettre en pratique le slogan « le Peuple veut », et à redresser la situation périlleuse traversée par le pays... » Indulgent, il reconnaît que « personne ne naît président. »
Chokri Mabkhout « doute profondément » pour ce qui est des quatre prochaines années à Carthage, des capacités de Kais Saïed « d’assumer pleinement le rôle de président rassemblant les Tunisiens en se plaçant au-dessus des dissensions pour fabriquer l’espoir au bord du gouffre... » Mais, son cœur lui « dit de rester optimiste. » « Il suffit d’une autre année pour corroborer les doutes de la raison ou l’optimisme du cœur.
Agréable à lire, séquencé, et serti de petites phrases en fléchettes, le Kais 1er de Nizar Bahloul livre un récit animé et bigarré d'une Tunisie livrée au verdict des urnes avec ses surprises démocratiques. A lire.
Kais 1er, Président d’un bateau ivre
De Nizar Bahloul
Edito Editions, 2020, 222 pages
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