Tunisie-Afrique : 2.2 milliards de dollars de potentiel d’exportation inexploité
À l’occasion du webinaire organisé le jeudi 10 décembre qui portait sur les trajectoires possibles de développement de la Tunisie à l’horizon 2040, Leila Baghdadi, Professeure en Economie et titulaire de la Chaire de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à l’Université de Tunis, et Wilma Viviers, Professeure en Economie et titulaire de la Chaire de l’OMC à l’Université de North West en Afrique du Sud, ont dévoilé les premiers résultats de leur étude en cours sur les opportunités d’exportation de la Tunisie. Cette étude se focalise particulièrement sur le continent Africain. Elle a été élaborée dans le cadre d’un projet de recherche bilatéral financé par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique en Tunisie et la Fondation Nationale de la Recherche en Afrique du Sud.
L’analyse en question adopte une méthodologie développée par l’équipe sud-africaine appelée « Trade Decision Support Model » (Trade-DSM) qui permet d’identifier les opportunités d’exportation réalistes. Cette méthodologie a été longtemps utilisée en Afrique du Sud ainsi que dans plusieurs autres pays africains (Namibie, Botswana, Rwanda, Cameroun, etc.) et même au-delà du continent (Australie, Nouvelle Zélande, Pays-Bas, Belgique, Thaïlande, Grèce, Mexique, Etats-Unis, etc.) pour accompagner les décideurs, les organismes d’aide à l’exportation et les entrepreneurs dans leurs stratégies d’augmentation et de diversification des produits exportés et des marchés ciblés. Le modèle Trade-DSM a été construit avec l’équipe tunisienne afin de prendre en compte les nombreuses spécificités de l’économie nord-africaine. Elle se concentre essentiellement sur les biens et ne prend pas en compte les services.
Les résultats dévoilent un potentiel de 219 milliards de dollars américains dans le monde, pour les 646 produits que la Tunisie exporte déjà, vers 160 marchés. Trois régions arrivent en tête en présentant le plus grand potentiel : (1) l’Amérique du Nord avec environ 53 milliards de dollars américains pour 828 produits, (2) l’Europe de l’Ouest avec 52 milliards de dollars pour 2694 produits, (3) l’Asie de l’Est avec 30 milliards de dollars pour 2171 produits. L’Afrique arrive en fin du classement avec un potentiel d’exportation inexploité évalué à 2.2 milliards de dollars. L’analyse montre que la valeur la plus élevée de ce potentiel est associée à l’Afrique du Nord avec 1 milliard de dollars pour 709 produits, suivie par la région située au sud du continent avec 459 millions de dollars pour 597 produits, tandis que le plus grand nombre d’opportunités en termes de produits est associé à la région de l’Afrique de l’Ouest avec 431 millions de dollars américains pour 1072 produits.
Au total, la Tunisie a une capacité d'exportation vers trente-six marchés africains. Le Maroc, l'Égypte, l'Afrique du Sud, l’Algérie, le Nigeria, la Libye présentent les plus grandes opportunités d'exportation. Au niveau sectoriel, les auteurs observent que le secteur des machines électriques présente le plus grand potentiel « inexploité », suivi par l’industrie alimentaire, le secteur des automobiles, accessoires et pièces détachées, le secteur des machines et équipement et le secteur de l’habillement. L’équipe tunisienne a également identifié de nouveaux produits demandés dans les marchés déterminés ci-dessus en s’appuyant sur d’autres méthodologies reconnues (la méthodologie d’espace produits développée par l’Université d’Harvard simultanément avec la demande d’importation et incorporant divers autres indicateurs). Ces produits sont largement réalisables avec les capacités productives tunisiennes actuelles. À l’aide d’une politique industrielle appropriée et ciblée, la Tunisie pourrait les produire et les exporter sur le moyen terme vers les marchés africains.
Pour conclure, les opportunités d’exportation vers l’Afrique sont relativement faibles en comparaison aux autres régions du monde en raison surtout de la demande actuelle réduite de la population. Mais cette demande devrait augmenter dans le futur avec une plus forte croissance dans le continent. Ces opportunités ne doivent pas être négligées. L’accord sur la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine offre un cadre opportun pour que la Tunisie parvienne à exploiter son potentiel et investisse dans une région dynamique présentant certainement des retours sur investissements sur le moyen et le long terme.
1) Cette étude a été réalisée par Martin Cameron, Sonia Ben Kheder, Mehdi Ben Slimane, Leila Baghdadi et Wilma Viviers
2) Voir cette note rédigée par Amal Medini et Leila Baghdadi : https://ecdpm.org/great-insights/african-continental-free-trade-area-agreement-impact/unlocking-tunisias-unexploited-export-potential/
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